Dimanche, la ministre de la Justice, Marie-Claude Najm, assurait à L’Orient-Le Jour qu’elle comptait communiquer incessamment ses observations écrites au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) sur le projet des nominations judiciaires envoyé vendredi dernier par cette instance, assurant que ces remarques se feront sur base de critères objectifs. Hier, la liste des magistrats affectés à de nouveaux postes était toujours en suspens auprès d’elle.
La raison de cette lenteur serait à chercher du côté du chef de l’État, Michel Aoun, et du Courant patriotique libre (CPL) dont il est le fondateur, qui estiment notamment que les juges qui leur sont proches ont été injustement traités par le CSM. À commencer par la procureure générale du Mont-Liban Ghada Aoun, qui affirmait il y a quelques jours que les nominations sont « revanchardes ». Pour étayer ses accusations, elle évoquait son remplacement par Samer Lichaa, qui a 9 grades et 19 ans de moins qu’elle. Parmi les autres juges que le camp aouniste considère comme ayant été lésés, le premier juge d’instruction du Liban-Nord, Samaranda Nassar, et le premier juge d’instruction de Beyrouth, Nicolas Mansour.Une source judiciaire interrogée par L’OLJ affirme dans ce contexte que le président Aoun refuse de voir « ses parts » affaiblies, alors que celles du camp de l’ancien chef de gouvernement Saad Hariri ont été renforcées à travers « la mainmise » du procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, sur la quasi-totalité des postes du parquet. Cela sans compter que le procureur financier Ali Ibrahim et un membre du CSM Maher Cheaïto sont par exemple incontestablement proches du président du Parlement, Nabih Berry, et que le Parti socialiste progressiste (PSP) de Walid Joumblatt bénéficie aussi des équilibres politiques et confessionnels dans la répartition des postes. Pour la source précitée, le seul camp défavorisé serait celui du président Aoun.
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Interférences
À en croire la chaîne MTV, l’ancien ministre Salim Jreissati, conseiller du chef de l’État, est très actif au niveau des nominations et de la relation entre Mme Najm et le CSM. M. Jreissati ne l’a d’ailleurs pas démenti, affirmant s’être réuni avec la ministre pour lui faire part de son attachement aux critères de compétence, d’ancienneté, de productivité et d’intégrité. Selon lui, la ministre a ajouté à ces critères la condition de rester à l’écart du partage des parts politiques et confessionnelles. Jointe par L’OLJ, Mme Najm a affirmé n’avoir tenu avec M. Jreissati « aucune réunion consacrée aux nominations ».
Le CPL a, pour sa part, précisé hier à l’issue de sa réunion hebdomadaire qu’il rejette « toute ingérence dans la justice », souhaitant que le dossier des nominations soit traité « à l’écart des tiraillements et pressions politiques ou autres ».
Force est pourtant de constater, en dépit des efforts fournis par le CSM pour adopter une mouture indépendante et de la volonté de la ministre de la Justice de ne pas intervenir dans un esprit politique, que les interférences sont pourtant bel et bien là, alors que les Libanais réclament à cor et à cri une justice intègre qui viendrait à bout de la corruption.
Risque-t-on, dans cette situation, de ne pas voir le décret de nominations promulgué ? Des dizaines d’activistes ont manifesté hier devant le ministère de la Justice et le Palais de justice pour presser Mme Najm de signer le projet, sachant que celui-ci devra ensuite être approuvé par les ministres de la Défense et des Finances, ainsi que par le chef du gouvernement et le chef de l’État. Les manifestants ont obtenu à cette occasion une entrevue avec le président du CSM, Souheil Abboud, qui leur a assuré que « les permutations sont fondées sur l’indépendance de la justice et le rejet de toute ingérence politique », affirmant qu’elles constituent une « démarche fondamentale et de qualité vers la réalisation de cette indépendance ». M. Abboud leur a indiqué dans le même temps que « la ministre de la Justice a, selon la loi, le pouvoir d’examiner les permutations et d’y apposer ses observations le cas échéant ».
S’il est clair que la prérogative de Mme Najm est légale, on appréhende pourtant de voir les composantes du pouvoir exécutif « user de la loi pour parvenir à bloquer les permutations », souligne, de son côté, Me Akram Azouri. Selon l’avocat, la loi dispose que lorsque le CSM sera notifié des remarques de la ministre de la Justice, il aura le droit de maintenir sa position à la majorité de sept de ses dix membres, et cette position devra alors prévaloir sur celle de la ministre. « Le Parlement a donné le dernier mot au pouvoir judiciaire », juge-t-il, estimant que « la nécessité de promulguer les permutations par décret ne doit pas être exploitée par le pouvoir exécutif pour contourner la volonté du législateur et bloquer ces permutations ». Me Azouri prône, dans ce cadre, « un amendement de la loi en vue de rendre exécutoire tout projet de nominations judiciaires sans besoin de décret ».
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Dans les coulisses
L’Agenda légal a, lui, critiqué hier le projet de nominations établi par le CSM. « En charge de procéder aux permutations, le CSM comprend lui-même huit membres désignés par le pouvoir exécutif sur base des règles de partage de parts », indique l’association dans un communiqué, déduisant que « cela en fait un outil d’interférences des forces politiques plutôt qu’un bouclier de protection des juges contre ces interférences ». L’Agenda légal critique le fait que les nominations ont été effectuées « dans les coulisses, sans transparence », et déplore que « si des améliorations ont été apportées aux postes civils, les nominations dans les parquets se sont écartées de l’objectif de transparence proclamé par le CSM ».
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commentaires (10)
CE N'AI PAS LA PEINE DE TERMINER LA LECTURE DE CET ARTICLE. ON A COMPRIS. LES JUGES SERONT PROCHES DE L'UN OU DE L,AUTRE, DES MÊME ZAIIMS. TITI TITI .....
Gebran Eid
16 h 00, le 11 mars 2020