S'insurgeant contre la dette publique et opposés à une intervention du Fonds monétaire international, réclamée par le nouveau gouvernement de Hassane Diab, des centaines de Libanais ont convergé samedi après-midi vers la place des Martyrs, dans le centre-ville de Beyrouth, après avoir organisé deux marches, l'une depuis le siège de la Banque du Liban à Hamra et l'autre depuis la place Sassine à Achrafieh.
Les contestataires opposés à l'intervention du FMI s'étaient rassemblés devant le siège de la BDL, alors que ceux qui criaient "Pas de confiance au gouvernement Diab" s'étaient retrouvés sur la place Sassine. Là-bas, des hauts-parleurs crachaient des chants révolutionnaires, avant que le cortège ne lance sa marche. "Le peuple veut la chute du régime", criaient les contestataires en chœur.
"Même s'ils (le gouvernement) ont obtenu la confiance, nous, nous ne la leur avons pas accordée", affirme Lina, la cinquantaine et sans emploi, à notre journaliste place Sassine, Nada Maucourant Atallah. "C'est un gouvernement monochrome, ils dépendent des partis politiques et sont corrompus", assène encore cette manifestante originaire de Beyrouth. "On ne s'arrêtera pas tant qu'on n'aura pas de gouvernement indépendant".
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Élections anticipées
"C'est un gouvernement qui ne représente pas le peuple. Il ne représente qu'un groupe, celui de la coalition du 8 Mars (pro-régime syrien). Nous sommes dans la rue contre toute la classe politique, qu'il s'agisse du 8 ou du 14 Mars (indépendantiste, anti-régime syrien). Nous n'accordons pas la confiance à ce gouvernement, pas plus qu'au Parlement. Nous voulons des élections anticipées", lance pour sa part Abir, une jeune femme de 29 ans, originaire de Beyrouth et travaillant dans l'audit.
"Ce gouvernement n'est pas démocratique, il est corrompu et nous ne voulons pas de l'aide internationale dans ces conditions", souligne pour sa part Omar, un autre manifestant de 26 ans.
Selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle), des pierres ont été lancées sur le cortège alors qu'il sortait de la voie-express du Ring. Les forces de sécurité se sont alors déployées pour assurer la protection des manifestants.
Le Liban, secoué par une révolte populaire sans précédent déclenchée le 17 octobre dernier et en proie à la pire crise économique depuis la guerre civile (1975-1990), croule sous une dette d'environ 92 milliards de dollars, soit plus de 150% de son produit intérieur brut, l'un des ratios les plus élevés du monde. En mars, il devra rembourser 1,2 milliard de dollars d'eurobonds - des obligations émises en dollars - arrivant à échéance. Mais les avis divergent sur le bien-fondé du paiement ou non de cette tranche. Certains milieux prônent de négocier dès à présent avec les créanciers de l’État une restructuration de la dette. Le cabinet s'est donné deux semaines pour décider de la marche à suivre. Signe de l’urgence, le gouvernement a officiellement adressé mercredi une demande au FMI pour une assistance technique. Les experts du FMI sont attendus dans les prochains jours pour présenter au Liban un plan économique, monétaire et financier global pour gérer la crise.
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Peu après 15h, les protestataires ont lancé leur marche depuis la place Sassine et se sont dirigés vers le siège du ministère des Finances, avant d'arriver sur la place des Martyrs vers 16h30, dans le centre-ville.
Le 11 février, le gouvernement de Hassane Diab, largement conspué dans la rue, a obtenu de justesse la confiance du Parlement, parallèlement à une mobilisation populaire dans la capitale durant laquelle 373 personnes ont été blessées dans des affrontements avec la police et les militaires qui ont été déployés en masse pour permettre aux députés d'arriver à l'hémicycle.
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commentaires (5)
Manifester contre le gouvernement Diab considéré comme illégitime, OK! Par contre, je ne comprends pas pourquoi cette opposition au FMI. Reconnaissant mon ignorance crasse en matière économique, je suis incapable de me prononcer sur un éventuel recours à cet organisme. Peut-être est-ce utile, peut-être nocif, mais je doute que les protestataires soient en mesure de justifier leur action autrement que par des slogans appris par cœur. Il me semble que cette question purement technique devrait être laissée à des spécialistes, loin de toute politique.
Yves Prevost
09 h 26, le 16 février 2020