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Société - Demeures protégées

L’effondrement d’Achrafieh « non intentionnel », conclut la municipalité

Pour le propriétaire de l’immeuble, reconstruire à l’identique est une « mission impossible ».

Après l’effondrement, les travaux de déblaiement. Photo DR

La bâtisse a une centaine d’années. Elle est en pierre sableuse (ramleh) et figure sur la liste des bâtiments classés par le ministère de la Culture sur la liste du patrimoine national. Elle est située à Tabaris (Achrafieh), rue Sélim Bustros, sur le bien-fonds 1117, appartenant à Georges Youssef Merhej, né en 1938, qui l’avait achetée dans les années soixante. Dans la nuit de lundi à mardi dernier, ses trois étages supérieurs se sont effondrés sur la boulangerie The Lebanese Bakery (al-Furn al-loubnani) qui occupe son rez-de-chaussée depuis trois ans et demi. L’accident n’a pas fait de victimes, fort heureusement, vu que personne n’y habite la nuit. Il n’a pas non plus endommagé la boulangerie, ou à peine. « Un miracle », selon une habitante du quartier, « étonnée de voir un vendeur en vogue de manakiche et spécialités libanaises aménager une jolie boutique dans cette ruine ». Les pierres et gravats ont en revanche bloqué la rue et écrasé les voitures garées à proximité.


Les éléments naturels mis en cause

Cinq jours après l’incident, alors que la route est toujours bloquée à la circulation, le site n’est plus qu’un amas de gravats et la boulangerie de Samer et Bassam Chamoun toujours inaccessible. L’enquête menée par la municipalité de Beyrouth est, elle, close. Elle conclut que « l’incident n’était pas intentionnel, le rez-de-chaussée étant toujours debout. Et que l’effondrement a suivi de près un épisode de pluies diluviennes et ce puissant séisme en Turquie dont les secousses sismiques ont été ressenties à Beyrouth. Il pourrait donc avoir été causé par les éléments naturels, qui auraient achevé une structure délabrée ». C’est ce que révèle à L’Orient-Le Jour un membre du conseil municipal de Beyrouth, Ragheb Haddad, qui ajoute qu’une autre enquête est toujours en cours. « Elle est menée par le parquet financier, procédure nécessaire lorsqu’un site est classé au patrimoine national. Car l’État considère qu’il a été lésé dans l’incident », souligne-t-il.

L’affaire est donc loin d’être terminée. Car il reste à déterminer les responsabilités et à décider de l’avenir de la bâtisse. Le propriétaire des lieux est aujourd’hui sommé par le mohafez de Beyrouth, Ziad Chbib, et la municipalité de la capitale « de reconstruire son immeuble à l’identique, sous la surveillance d’un ingénieur responsable ». Dans le cas contraire, il risque d’être sanctionné ou de voir la municipalité entreprendre elle-même les travaux. « Des travaux longs et coûteux qui lui seront facturés au prix fort car majorés d’un intérêt de 9 % », précise M. Haddad.


« Je n’en ai pas les moyens »

Sauf que le principal intéressé, contacté par L’OLJ, répond qu’il s’agit d’une « mission impossible pour un homme de 83 ans » et qu’il ne « sait pas quoi faire ». « Réalisent-ils que cela va coûter une fortune, que je n’en ai pas les moyens et que l’immeuble est construit sur une colline de sable, sans fondations ? Et puis, où vais-je me procurer cette pierre sableuse et comment vais-je construire à l’identique ? » demande Georges Merhej. L’ancien commerçant raconte ses nombreux déboires, depuis qu’il a acheté cet immeuble dans les années soixante dans l’intention de le revendre un jour. « Je n’ai réalisé que trop tard ce qu’impliquait sa classification de bâtiment protégé », dit-il. Dans les années 2007, lorsque ses « voisins détruisent leur maison historique pour construire un immeuble moderne », il craint déjà pour l’édifice qui penche et invite la municipalité à une expertise. « On m’a assuré que mon immeuble était solide et qu’il ne craignait rien. Mais au moins j’avais fait mon devoir », souligne-t-il.

C’est alors qu’il présente au ministère de la Culture une demande de destruction de l’immeuble. Soucieux de protéger les maisons traditionnelles, le ministre Tarek Mitri lui oppose un refus catégorique. M. Merhej se voit interdire de profiter de son terrain à sa guise, et dans l’obligation d’entretenir la bâtisse, histoire de préserver la sécurité publique, celle des habitants et des passants. Mais il ne l’a jamais fait malgré les avertissements qui lui ont été adressés par la municipalité en 2012 et par le mohafez de la capitale par la suite. « Je n’en avais tout simplement pas les moyens », assure M. Merhej. Car aucune loi n’indemnise les propriétaires de vieilles bâtisses classées, sachant que leur entretien est particulièrement coûteux et que leur vente est quasiment impossible. Et pourtant, une proposition de loi attend dans les tiroirs du Parlement. Elle propose d’accorder notamment des droits aériens au propriétaire d’une maison protégée.


Plus de 60 demeures classées retirées des sites en danger

Selon le président de la section des vieilles demeures à la municipalité de Beyrouth, Hani Arab, contacté par L’OLJ, « 250 anciennes demeures classées étaient considérées comme dangereuses pour la sécurité publique en 2012, dans la région de Beyrouth ». « Il y a deux mois, au terme d’un nouveau recensement, ce chiffre a été revu à la baisse, et 61 demeures ne figurent plus parmi celles en danger », fait remarquer l’ingénieur. « Elles ont été soit consolidées et restaurées, soit tout simplement détruites pour laisser la place à de nouvelles constructions », assure-t-il, évoquant la corruption qui règne dans le domaine.

La veille de l’effondrement, Georges Merhej se trouvait dans son bureau à l’étage, comme tous les jours. « J’y venais passer quelques heures comme d’habitude », raconte-t-il, assurant que mis à part la boulangerie aménagée au rez-de-chaussée, l’immeuble était vide. Il avait aussi aménagé un jardin dans la cour, où il « plantait des avocats et des anones ». « Fort heureusement, l’effondrement n’a pas fait de victimes », souligne-t-il, soulagé.

Même soulagement du côté des deux frères Chamoun, l’un architecte, l’autre ingénieur, qui « s’adonnent à la boulangerie par passion, en plus de leurs activités professionnelles respectives ». « L’essentiel est qu’il n’y ait pas eu de victimes », répète Samer à L’OLJ. Cela dit, il espère « rouvrir la boulangerie, au sein de laquelle travaillent une douzaine de personnes, aussi vite que possible ». Mais pour l’instant, l’enquête suit toujours son cours. « Nous n’avons toujours pas accès à nos locaux et n’avons même pas estimé les dégâts », observe-t-il, refusant de se prononcer sur l’affaire. Entre-temps, ne sachant pas trop que faire, il attend en espérant que les choses s’accélèrent. Et ne peut s’empêcher de montrer du doigt d’autres immeubles de la même rue qui menacent aussi de s’effondrer, au péril de leurs habitants et de chaque passant…


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commentaires (4)

LA FACON LEGERE ET INCONTROLABLE DONT LES IMMEUBLES FURENT BATIS ET SE BATISSENT AU LIBAN LES EXPOSE AUX TREMBLEMENTS DE TERRE.

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 44, le 01 février 2020

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Commentaires (4)

  • LA FACON LEGERE ET INCONTROLABLE DONT LES IMMEUBLES FURENT BATIS ET SE BATISSENT AU LIBAN LES EXPOSE AUX TREMBLEMENTS DE TERRE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 44, le 01 février 2020

  • Encore et toujours un même mot : INCOMPÉTENCE TOTALE de l’administration et de ses fonctionnaires. Ces derniers feraient mieux de vendre du maïs grillé ou des cacahuètes...

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 25, le 01 février 2020

  • EXCES DE ZELE DE LA PART DES AUTORTITES ? C'EST PEU DIRE ! EXCES DE BETISES OUI QUE D'INSISTER A REPRODUIRE TELLE QU'ELLE CETTE CHOSE QU'ON NE DEVRAIT MEME PAS APPELER BATISSE ! RIDICULE !

    Gaby SIOUFI

    09 h 35, le 01 février 2020

  • Ces exigences de reconstruire de la même façon,proviennent de personnes qui n'ont aucun sens de réalisme. Comme s'il ne suffisait pas au pauvre propriétaire la catastrophe dont il pâtit, on exige de lui l'impossible. Voici le pays de rêve où l'on vit.

    Esber

    03 h 26, le 01 février 2020

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