Le chef des Kataëb, Samy Gemayel, opposant déclaré à la majorité au pouvoir, a estimé dimanche que le nouveau gouvernement du Premier ministre Hassane Diab est un pur produit de la classe dirigeante, secouée depuis plus de 100 jours par un mouvement de contestation.
"Le gouvernement actuel est une continuation de l'ancienne approche et de la classe dirigeante, et ne jouit pas d'une autonomie d'action, comme le montre clairement la façon dont il a été formé", a affirmé M. Gemayel lors d'une conférence de presse. "S'ils respectent un tant soit peu les Libanais, qu'ils organisent des élections législatives anticipées", a-t-il ajouté, reprenant ainsi les principales revendications de la révolte.
Après plusieurs semaines de crise politique, le Liban s'est finalement doté mardi d'un nouveau gouvernement qui aura la lourde tâche de relancer une économie en chute libre et de savoir convaincre les manifestants hostiles à la classe politique. Mais pour ces derniers, mobilisés depuis le 17 octobre, les nouveaux ministres sont des personnalités affiliées à cette même classe politique qu'ils accusent de corruption et d'incompétence. Depuis samedi dernier, des heurts entre manifestants et forces de l'ordre ont fait des dizaines de blessés dans les deux camps. Le gouvernement de Hassane Diab, dont la formation officielle a été annoncée mardi soir, succède au cabinet Hariri, qui avait démissionné le 29 octobre sous la pression de la rue.
Lundi, les députés doivent se réunir pour examiner le texte de loi de finances pour l'exercice 2020, adopté à la hâte le 21 octobre dernier par le précédent gouvernement et amendé par la commission parlementaire des Finances et du Budget avant d'être transmis le 7 janvier au Parlement.
"Demain, nous allons au Parlement pour voter un budget adopté par un gouvernement qui a été renversé et qui va être défendu par un cabinet qui n'a pas encore obtenu la confiance. Tout cela va à l'encontre de la logique des travaux du Parlement et des institutions", a tranché le chef des Kataëb.
Dans ce contexte, M. Gemayel a indiqué que les députés ont reçu un feuillet de trois pages sur les remarques du nouveau gouvernement concernant le texte du budget 2020 avec de nouveaux chiffres. Le ministre des Finances, Ghazi Wazni, a démenti cela sur Twitter. Mais quelques minutes plus tard, le chef des Kataëb a publié sur Twitter des photos des trois pages en question.
En fin de journée, M. Gemayel a annoncé qu'il ne participerait pas à la séance parlementaire "inconstitutionnelle" de lundi. "Nous ne débattrons pas avec un gouvernement qui n'a pas encore obtenu la confiance et nous ne soutiendrons pas une politique économique catastrophique, bâtie sur des chiffres imaginaires, qui a été décidée par un cabinet qui a été renversé par les Libanais", a ajouté le député dans un tweet.
"Épreuve décisive"
De son côté, le Courant patriotique libre a appelé à donner une chance au gouvernement dont il a participé à la formation. "Le Liban a aujourd'hui une opportunité de prendre les mesures visant à enrayer l'effondrement. Ce gouvernement, que nous accompagnons, doit pouvoir traiter les dossiers d'un point de vue technique", a déclaré Alain Aoun, député CPL, estimant que "les gouvernements d'union nationale ne sont pas en mesure d'agir" et affirmant que "la pression de la rue est une garantie pour améliorer le fonctionnement politique". "Un échec de l'opération de sauvetage ne serait pas l'échec d'un camp, mais un échec pour tout le pays", a-t-il ajouté.
Pour le cheikh Nabil Kaouk, membre du Conseil central du Hezbollah, qui a également participé à la formation du cabinet, ce dernier n'est pas un "gouvernement de confrontation".
"Le gouvernement est devant une épreuve difficile", a affirmé pour sa part le patriarche maronite, Mgr Bechara Raï, estimant que "le peuple et les jeunes ont perdu confiance en les politiques et les responsables". "Il faut appuyer le gouvernement et le juger sur son travail, sur sa capacité à fournir les services de base", a-t-il souligné lors d'une messe à Bkerké. "Cela ne veut pas dire que la révolution est terminée", a déclaré Mgr Raï, saluant la "révolte pacifique des jeunes et leurs sacrifices".
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21 h 59, le 26 janvier 2020