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Économie - Crise

Forte mobilisation des industriels contre les restrictions bancaires et l’inertie de l’État

Le secteur réclame des mesures d’urgence pour lui permettre notamment de financer ses importations de matières premières.

Pas moins de 5 000 personnes ont participé à la manifestation d’hier, selon l’Association des industriels du Liban. Photo P.H.B.

C’est en masse que des industriels venus de tout le pays se sont réunis hier à la Sea Side Arena (ex-BIEL) à Beyrouth pour manifester une nouvelle fois leur colère face aux restrictions bancaires qu’ils subissent ainsi qu’à l’inertie des dirigeants du pays, à un moment où le pays connaît une des pires crises économiques depuis la fin de la guerre civile, qui touche tous les secteurs.

Pas moins de 5 000 participants étaient attendus par les responsables de l’Association des industriels du Liban pour un rassemblement sous le slogan « Le dernier cri, la dernière chance », porté par les patrons et employés d’entreprise toutes tailles et toutes filières confondues, parfois venus en car. Une mobilisation sans commune mesure par rapport aux précédentes sorties du secteur depuis le début des manifestations populaires contre les dirigeants politiques, qui se poursuivent depuis le 17 octobre. Le rassemblement a en outre été rallié par le président du Conseil économique et social, Charles Arbid, et le député Neemat Frem, tous deux patrons d’industrie.


Danger imminent

« Nous sommes ici aujourd’hui pour annoncer en notre nom à tous notre rejet absolu de ce mépris pour le sort de plus de 5 500 usines et de 195 000 travailleurs », a clamé le président de l’Association des industriels du Liban (AIL), Fadi Gemayel, lors d’un discours prononcé à la Sea Side Arena et précédant une marche en direction de la base maritime située à quelques encablures du site. Répondant à la question d’un journaliste, Neemat Frem a, lui, jugé que le danger pesant sur de nombreuses sociétés locales était imminent et a fustigé « le manque d’expertise » des hauts responsables qui ont pénalisé le secteur pendant des années.

La perte de vitesse de l’industrie libanaise ne date pas d’hier. L’AIL a en effet à plusieurs reprises pointé du doigt l’impact du conflit syrien qui a éclaté en 2011 sur son activité et réclamé des mesures de soutien à des autorités peu réactives. La mise en place de subventions sur les coûts de l’énergie, la création de zones industrielles équipées et compétitives, la taxation des produits importés dont l’équivalent existe au Liban, ou encore la tenue de négociations avec des partenaires du pays pour qu’ils importent davantage de produits libanais figurent parmi les demandes qui sont souvent revenues.

Mais au-delà de ces mesures de fond, c’est bien pour demander une intervention urgente de l’État et des banques que les industriels ont décidé de manifester hier à Beyrouth. Comme d’autres secteurs, l’industrie se plaint notamment des restrictions mises en place par les banques depuis la fin de l’été et sur les retraits de dollars en espèces comme les transferts à l’étranger. Prises dans l’urgence et de façon informelle face à l’accélération de la dégradation de la situation financière du pays, ces mesures ont contribué à restreindre la circulation du billet vert sur le marché local et à faire grimper son taux par rapport à la livre dans les bureaux de change.

Suisse du Moyen-Orient

Les industriels, qui ont besoin d’importer chaque année 3 milliards de dollars de matière première pour pouvoir produire, selon Fadi Gemayel, demandent donc le droit de pouvoir utiliser leurs capitaux déposés dans les banques du pays pour payer leurs fournisseurs à l’étranger, une revendication qu’ils avaient déjà défendue en décembre. Ils souhaitent également que les banques leur octroient suffisamment de liquidités pour couvrir leurs dépenses courantes. Ils réclament enfin que les mécanismes mis en place par la Banque du Liban pour permettre à certains secteurs stratégiques de débloquer une partie de leurs besoins en dollars en reprenant leurs livres au taux officiel – fixé à 1507,5 livres pour un dollar depuis 1997 – doivent être assouplis et étendus à toutes les filières productives.

Le président de l’AIL a en outre souligné le fait que le secteur, qui peine à exporter, pouvait avec un coup de pouce devenir un important vecteur pour attirer des devises dans le pays à un moment où la confiance des déposants dans la stabilité du secteur bancaire vacille. Un message qui pourrait avoir été déjà entendu par les intéressés. Alors que les industriels devaient initialement marcher vers le siège de l’Association des banques, le président de l’AIL a indiqué que cette initiative avait été annulée après que le gouverneur de la BDL Riad Salamé a fait savoir à l’association peu avant le début du rassemblement qu’il allait prendre « des mesures immédiates concernant les matières premières ».

« Nous voulons rester la Suisse du Moyen-Orient », a encore lancé Fadi Gemayel dans son discours, faisant référence à la période faste que le secteur avait connue avant 1975. D’après les chiffres officiels rapportés par économiste Boutros Labaki, l’industrie libanaise pesait environ 16 % du PIB pendant les cinq années qui ont précédé le début de la guerre civile, contre moins de 10 % en 2017, selon les derniers chiffres de l’Administration centrale de la statistique aujourd’hui, et couvrait 40 % des besoins du pays. Le président de l’AIL a assuré pour sa part que les industriels du pays étaient capables d’assurer l’équivalent de 10 milliards de dollars de produits pour le marché local (soit l’équivalent de moins de 20 % du PIB de 2019, selon nos calculs à partir des estimations disponibles).


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