Outre les canons à eau, les forces de l'ordre ont tiré des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc contre les manifestants, samedi soir dans le centre-ville de Beyrouth. Photo Hassan Assal
Si la majorité des 400 personnes qui ont été blessées, lors des affrontements de samedi soir entre manifestants et forces de l'ordre, ont été rapidement traitées par les secouristes de la Croix-rouge libanaise et de la Défense civile, ou brièvement hospitalisées, plusieurs d'entre elles souffrent de blessures graves et ont du subir de lourdes opérations. Ces blessures ont notamment été infligées par des tirs de balles en caoutchouc qui, tirées à courte distance des contestataires, peuvent provoquer de graves dégâts.
Jean-Georges Prince fait partie des manifestants qui ont été gravement blessés. Il a été touché au niveau de la bouche par une balle en caoutchouc, tirée à à peine "5 ou 6 mètres de distance" selon ses estimations.La balle a fait de lourds dégâts : plusieurs dents ont été cassées et la lèvre ouverte. Samedi soir, c'est une opération de quatre heures que ce publicitaire de 32 ans, qui manifeste quasi-quotidiennement depuis le début du soulèvement populaire, a subie. Bilan : 55 points de suture.
"Nous étions en train de chanter devant l'hôtel Le Gray, vers 20h30, il y avait plein de monde autour de nous, brandissant des drapeaux, et les forces de l'ordre en face de nous. Subitement, les agents ont décidé de nous faire reculer. Pour ce faire, ils ont tiré gaz lacrymogènes et balles en caoutchouc", raconte-t-il. L'une d'entre elles a fini dans la lèvre du jeune homme.
"Samedi, on sentait dès l'après-midi que les forces de l’ordre étaient prêtes à avoir recours à la violence. Les agents avaient renforcé les cordons de sécurité avec des barbelés et des murs de béton devant les accès au Parlement", observe-t-il, estimant que les policiers était "plus excités que d’habitude". Il regrette d'ailleurs cette violence des forces de l'ordre. "Ils sont là pour nous protéger et nous sommes dans la rue pour eux aussi", estime-t-il. Pour expliquer les dérapages violents de la veille, Jean-Georges Prince estime qu'à l'excitation des forces de l'ordre s'ajoute le fait que "les manifestants en ont ras-le-bol, la situation économique empire, ils sont de plus en plus à être touchés dans leur vie quotidienne et rien ne change. Alors ils sont prêts à aller plus loin". "Je ne prône pas la violence, mais je comprends que la rue devienne violente", poursuit-il.
Rentré chez lui pour sa convalescence, il explique que son visage "est horriblement douloureux" depuis que les effets de l'anesthésie se sont estompés. "Je ne peux pas manger. J’arrive à peine à parler, j'ai la bouche tuméfiée et j'aurai sûrement une cicatrice... Mais ce n'est rien. Certains ont été blessés aux yeux...".
Le chef du service des Urgences de l'HDF, Dr Antoine Zoghbi, a en effet confirmé à L'Orient-Le Jour que sur les 55 manifestants admis samedi soir dans son service, deux ont reçu "un corps étranger non identifié dans les yeux". Il est jusqu'à présent impossible de savoir s'ils recouvreront la vue, précise-t-il. "C'est la deuxième fois depuis le début de la révolte qu'il y a autant de blessés des suites des affrontements", affirme Antoine Zoghbi, qui dénonce l'usage de balles en caoutchouc par les forces de l'ordre.
La blessure subie n'a rien entamé la détermination de Jean-Georges Prince. "Je vais me reposer quelques jours, le temps d'aller mieux, puis je retournerai manifester", affirme-t-il, ajoutant : "Ce n'est pas une balle en caoutchouc qui va m'arrêter". "Si nous cédons, ils gagneront", dit-il encore.
Tarek Beaini, un ingénieur de 37 ans, qui a été touché par une balle au niveau de la fesse dénonce "l'acharnement" des policiers. "J'étais à côté du siège des Kataëb, du côté de l'armée qui s'était déployée lorsque les forces de l'ordre se sont acharnées sur nous à coups de bombes lacrymogènes et de balles en caoutchouc. Je courais pour fuir le gaz lacrymo quand j'ai été atteint par derrière", raconte-t-il. Heureusement, la balle qui l'a touchée "a été tirée de loin et n'a pas atteint d'articulation", ce lui lui a permis de rester sur place jusque 23h30 et de n'avoir qu'à désinfecter la blessure, sans devoir être hospitalisé. "C'est comme s'ils nous attendaient et qu'ils visaient spécifiquement ceux d'entre nous qui manifestent régulièrement", dénonce-t-il. "La police s'est tellement acharnée qu'à un moment l'armée à dû lui demander d'arrêter", ajoute-t-il.
Le directeur adjoint de Human Rights Watch (HRW) pour le Moyen-Orient, Michael Page a affirmé à l'AFP qu"il n'y avait aucune justification pour le recours brutal à la force par la police anti-émeutes contre des manifestants largement pacifiques". Accusant notamment les policiers d'avoir "tiré des balles en caoutchouc dans les yeux", M. Page a appelé les autorités à "mettre fin à cette culture de l'impunité pour les abus policiers".
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commentaires (5)
La honte des FSI qui est derrière eux ? Que l'armée prenne le pouvoir.
Eleni Caridopoulou
19 h 25, le 19 janvier 2020