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Politique - Contestation

La nouvelle année entamée par une nouvelle série d’actions ciblées

Deux manifestants hospitalisés dans des échauffourées avec les forces de l’ordre dans une banque à Saïda.

Malgré la pluie, des contestataires se sont rassemblés devant le port à Beyrouth. Photo Hassan Assal

Le cap du Nouvel An passé, les manifestants se sont de nouveau mobilisés hier. À Beyrouth, plusieurs centaines de personnes ont commencé à affluer dès 16h à la rue Weygand, à proximité du siège du Parlement, où une manifestation a été organisée appelant à la formation d’un gouvernement indépendant doté de prérogatives exceptionnelles, ainsi qu’à l’indépendance de la justice. Certains des contestataires ont réitéré leur opposition totale au Premier ministre désigné Hassane Diab, réclamant qu’il se récuse. Ils ont estimé qu’il ne représente pas la rue mais qu’il fait partie de la classe politique. D’autres dénonçaient l’atermoiement dans la formation du gouvernement, appelant M. Diab à mettre en place son équipe dans les plus brefs délais « afin que nous puissions juger ce nouveau cabinet ».

L’un des militants, Nidal, a affirmé que des manifestations seront organisées au quotidien devant le Parlement jusqu’à ce que le Premier ministre désigné se récuse. Il a appelé les forces de l’ordre à se tenir du côté des contestataires dans chaque action qu’ils entreprendront, qui resteront cependant pacifiques. Nidal a également annoncé que des actions ciblées sont prévues aujourd’hui dans différentes régions du pays.

C’était le cas également hier à Beyrouth, où la route de Corniche Mazraa a été brièvement coupée au niveau de la bifurcation de la mosquée Abdel-Nasser sur la voie menant au quartier Barbir, ainsi que la voie de Kaskas, dans les deux sens. Des dizaines de personnes ont parallèlement manifesté devant la Direction des douanes au port de Beyrouth.

Un sit-in symbolique s’est aussi tenu devant l’Office de protection des consommateurs, organe dépendant du ministère de l’Économie, dans le centre-ville de Beyrouth, afin de protester contre les augmentations sauvages des prix dans de nombreux commerces. Les manifestants ont appelé le ministre sortant de l’Économie, Mansour Bteich, à « tout faire pour protéger les consommateurs contre la guerre des prix et la famine » et à poursuivre en justice « les mafias » sévissant dans certains commerces.


Échauffourées à Saïda
Des actions ciblées ont en outre été organisées hier contre les administrations et le pouvoir en place, ainsi que dans des banques. Des dizaines de contestataires sont ainsi entrés dans une des branches du Crédit libanais à Saïda vers midi, afin d’aider les clients à effectuer leurs diverses opérations et retirer des fonds. Ils ont scandé des slogans contre le secteur bancaire et la corruption, rapporte notre correspondant Mountasser Abdallah. La situation commençant à dégénérer entre ces manifestants et le personnel de la banque, les Forces de sécurité intérieure sont intervenues. Des échauffourées ont alors éclaté au cours desquelles plusieurs protestataires ont été blessés. Deux d’entre eux ont été transportés vers un hôpital de la ville, tandis que plusieurs autres ont été traités sur place par la Croix-Rouge libanaise.

Plus tôt dans la journée, des tensions avaient dégénéré en violences entre employés et clients d’une branche de la Fransabank à Nabatiyé, au Liban-Sud. L’incident est survenu lorsque l’établissement a refusé aux déposants de payer certaines factures et de retirer des fonds. Face à cet incident, le personnel a fermé les portes de la banque devant un groupe de personnes s’étant rassemblées à l’entrée de l’établissement.


Le syndicat des employés de banque s’insurge
Ces actions contre certaines banques ont été qualifiées d’« attaques contre le secteur bancaire » par la Fédération des syndicats des employés de banque du Liban (FSEB). Dans un communiqué, elle a condamné « les fauteurs de troubles qui prétendent représenter le mouvement de contestation et qui ont voulu entrer de force dans certains établissements » de manière à « porter atteinte à la bonne réputation » du secteur bancaire. « Ce qui s’est passé dans un certain nombre d’établissements est une attaque directe contre le secteur et contre le prestige de l’État », peut-on lire dans le texte.

La FSEB a appelé la justice à « enquêter » sur tous ces incidents et à émettre rapidement des jugements contre toute personne impliquée et contre tout individu qui « lance des rumeurs entravant le bon fonctionnement des banques ». La FSEB en appelle également aux forces de l’ordre, leur demandant de « protéger les employés de banque sur leur lieu de travail contre les personnes qui se prétendent des révolutionnaires ». Et le syndicat de mettre en garde contre « une nouvelle grève générale du secteur bancaire », si « les forces de l’ordre ne répriment pas ces fauteurs de troubles » et ce « jusqu’au rétablissement de la stabilité ».



(Lire aussi : "Comment aurais-je pu fêter le Nouvel an ailleurs que sur la place des Martyrs ?")



Le Liban-Nord mobilisé
Dans la Békaa, plusieurs axes routiers ont été coupés par les manifestants notamment à Maksé, Jdita, Qab Élias, Saadnayel, Taalabaya, Bar Élias et le rond-point de Zahlé. Cette situation a obligé les écoles qui comptaient ouvrir leurs portes pour les classes secondaires à rester fermées, rapporte notre correspondante Sarah Abdallah. Un sit-in a aussi été observé devant le siège de l’Inspection mécanique à Zahlé.

Le Liban-Nord était parallèlement mobilisé hier. Dès les premières heures de la matinée, des dizaines de protestataires se sont rassemblés malgré la pluie devant le port de Tripoli, où des dizaines de manifestants ont scandé des slogans anticorruption et installé une tente afin de montrer qu’ils comptent rester mobilisés sur le long terme.

À Tripoli, quelques dizaines de personnes ont manifesté devant le siège de l’ordre des avocats, où se trouvait la ministre sortante de l’Intérieur, Raya el-Hassan, pour une conférence de presse sur la situation dans les prisons. Ils ont crié des slogans rejetant la désignation de l’ancien ministre Hassane Diab à la tête du futur gouvernement.

À Halba, dans le Akkar, les manifestants se sont rassemblés devant plusieurs administrations, qui ont toutes fini par fermer leurs portes, notamment devant l’Office des eaux, la branche locale du ministère des Finances, le cadastre, le ministère du Travail, l’administration en charge de la téléphonie fixe Ogero et Électricité du Liban. De là, ils ont scandé les slogans habituels de la révolte contre la corruption et pour la chute de toute la classe dirigeante sans exception, jusqu’à ce que les fonctionnaires quittent leur poste.


Le Nouvel An, place des Martyrs
Le soir du Nouvel An, plusieurs milliers de manifestants rassemblés à la place des Martyrs ont réitéré leur attachement aux constantes de la révolte, affirmant que celle-ci ne s’est pas éteinte. « La révolte continue et personne ne peut l’arrêter », a ainsi lancé un homme au micro, peu avant minuit depuis la scène, entre deux slogans révolutionnaires. « Il est impossible de revenir à la situation qui prévalait avant le 17 octobre », a-t-il ajouté, avant de saluer les manifestants dans les différentes régions libanaises, mais aussi les gens de Khandak al-Ghamik, Tarik Jdidé et la banlieue sud. Dans un souci de rassemblement évident.

La soirée avait commencé à 19h avec l’hymne de la révolution, sur les airs de l’Ode à la joie de Beethoven, chanté par des artistes. Puis se sont succédé sur la scène des groupes de musique et des DJ pour animer cette soirée, baptisée la « Révolution du Nouvel An ». Une ambiance bon enfant régnait sur les lieux. On dansait et on chantait, tout en scandant des slogans de la révolution. Sur un écran géant placé au-dessus de la scène, des images du mouvement de contestation populaire qui se poursuit depuis le 17 octobre passaient en boucle.

C’est aux environs de 23h30 que la foule commence véritablement à grossir sur la place où les forces de sécurité sont déployées et les sacs fouillés. Certains hommes sont en costume et des femmes portent d’élégantes robes. Ils semblent tout droit sortis d’une soirée ou d’un dîner en ville, mais tenaient à passer le cap symbolique de la nouvelle année sur la place des Martyrs. D’autres, en jean baskets, gros blouson et bonnet étaient venus dès 19h.

À minuit, une clameur monte vers le ciel en même temps que des millions de confettis qui retombent en pluie fine sur la place. Au-dessus des têtes, le poing en carton de la révolution, dont 10 452 copies en rappel de la superficie du Liban ont été distribuées aux manifestants, est brandi.

« Cette année, le Nouvel An ne pouvait pas être célébré ailleurs. La place des Martyrs est le symbole de la révolution et c’est notre seul espoir pour un avenir meilleur », comme l’a affirmé Majdi, accompagné de son épouse et de ses trois enfants, dont l’un est en poussette.



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