Peu après la désignation officielle de l'ancien ministre Hassane Diab comme Premier ministre, à l'issue des consultations parlementaires contraignantes à Baabda, des Libanais se sont mobilisés dans la rue pour rejeter cette désignation, fruit d'un accord entre le Hezbollah et ses alliés au sein de la majorité parlementaire. En très peu de temps, plusieurs axes routiers ont été bloqués à travers le pays, tandis que les places de la contestation se remplissaient au fur et à mesure de protestataires promettant de "faire tomber" le Premier ministre nouvellement désigné. M. Diab succède à Saad Hariri qui a démissionné fin octobre, sous la pression de la rue qui manifeste depuis deux mois pour réclamer la chute de toute la classe dirigeante.
Alors que dans les régions principalement sunnites les contestataires rejettent cette désignation estimant que M. Diab, qui a obtenu les voix de seulement six députés sunnites sur un total de 27, ne bénéficie pas de l'appui de cette confession, les protestataires mobilisés depuis le 17 octobre critiquent le Premier ministre désigné, qu'ils accusent de corruption et de mauvaise gestion lors de son mandat de ministre de l'Education au sein du gouvernement de Nagib Mikati (2011-2014).
(Portrait : Hassane Diab, un « bûcheur » très « instruit » et « honnête », mais qu’en est-il de ses qualités politiques ?)
"Contre un gouvernement monochrome"
Dans le centre-ville de Beyrouth, quelques centaines de manifestants se sont réunis sur la place des Martyrs dès l'annonce de la désignation de Hassane Diab. "Vous avez désigné Hassane Diab, mais la rue va le faire tomber", scandaient notamment les protestataires. Interrogés par la chaîne de télévision locale LBC, certains contestataires soulevaient notamment le fait que, lors de son mandat au ministère de l'Education (2011-2014), M. Diab avait augmenté de 300% les frais d'inscription à l'Université libanaise.
Répondant à un appel lancé dans l'après-midi, des dizaines de manifestants se sont rassemblés dans une des rues menant à la place de l'Etoile, dans le centre-ville, afin de rejeter la formation d'un "gouvernement monochrome".
A Tripoli, les manifestants se sont réunis sur la place el-Nour, cœur de la contestation dans la grande ville du Nord. Une protestataire a déploré au micro de la LBC le fait que Hassane Diab "ne représente pas la révolution", réclamant un Premier ministre qui n'a fait partie d'aucun gouvernement et qui présente un plan de travail clair.
Sur la place Élia de Saïda (Liban-Sud), plus de 400 personnes se sont rassemblées dès le début de la soirée, afin de protester contre la désignation de M. Diab qu'ils considèrent comme "venant d'une seule partie" politique.
Dans une tentative de rassurer les contestataires, Hassane Diab a pour sa part promis la formation d'un gouvernement le plus vite possible et des consultations élargies au mouvement de révolte. S'adressant depuis Baabda directement aux manifestants, M. Diab a déclaré : "De ma position d'indépendant, je vous parle en toute franchise et transparence. Ces derniers 64 jours, j'ai entendu vos voix exprimant douleur et colère. J'ai senti que votre intifada me représente ainsi que toute personne qui veut un véritable État. Vos voix doivent demeurer une sonnette d'alarme". "Les Libanais ne permettront pas un retour à l'avant 17 octobre (date du début du mouvement de contestation)", a ajouté M. Diab, appelant les protestataires à "participer à l'opération du sauvetage du pays".
Les manifestants rassemblés sur la place Elia, à Saïda, le 19 décembre 2019. Photo Mountasser Abdallah
Plusieurs routes bloquées
Outre les rassemblements contre la désignation de Hassane Diab, plusieurs routes ont été coupées à travers le pays en guise de protestation.
Dans la capitale, la route de Kaskas a été coupée au moyen de conteneurs de déchets renversés, tandis que des contestataires ont bloqué la route de la Cité sportive et celle de Corniche el-Mazraa. Dans le quartier de Verdun, des routes ont également été coupées.
A Beddaoui, au Liban-Nord, des jeunes en colère ont coupé l'autoroute, dans les deux sens de circulation, selon le centre de contrôle du trafic. Dans le Akkar, les routes de Biré-Kobeyate et de Minié-Abdé, tout comme celle de Halba, ont été fermées à la circulation par les manifestants. Les protestataires ont également installé des barrages sur la route menant du complexe hôtelier Palma à Tripoli. Dans ce secteur, des échauffourées ont éclaté tard dans la soirée entre des manifestants et l'armée qui tentait de rouvrir la route, faisant plusieurs blessés, selon des médias locaux.
Dans la Békaa, la route de Taalabaya-Sednayel a été bloquée, tout comme celles de Kab Elias-Dahr et-Baïdar et le carrefour de Jdita. Le carrefour se trouvant au niveau de Marj a été, lui, fermé avec des blocs de pierre, notamment en direction de Zahlé, selon l'Agence nationale d'Information (Ani, officielle). Interrogés par la LBC, les manifestants présents au carrefour de Marj ont estimé que M. Diab "ne répond pas aux aspirations de la révolution".
L'autoroute menant de Beyrouth au Liban-Sud a également été fermée dans les deux sens de circulation au niveau de Naamé. L'autoroute du Sud a encore été fermée peu après, au niveau de Khaldé et de Damour.
Vers 23h, l'autoroute de Dora en direction de Nahr el-Mot, dans le Metn, a été aussi brièvement coupée.
Face à cette colère, le Premier ministre sortant Saad Hariri a lancé un appel au calme. "J'appelle tous mes partisans à refuser tout appel à recourir à la rue ou à couper les routes. Le calme et la responsabilité nationale sont notre priorité et la crise qu'affronte le Liban est dangereuse et ne peut tolérer aucune atteinte à la stabilité", a-t-il écrit sur son compte Twitter.
En soirée, l'armée a annoncé dans un communiqué avoir arrêté cinq personnes à la place des Martyrs à Beyrouth et trois autres à la place al-Moutran à Baalbeck, pour actes de vandalisme. L'armée n'a toutefois pas précisé la date à laquelle ces personnes ont été arrêtées. La Croix-rouge libanaise a de son côté indiqué avoir pris en charge un blessé dans le centre-ville de Beyrouth et trois autres à Tripoli.
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commentaires (9)
On a enfin pu amarrer le Liban à l'axe iranien qui sonnera sa perte. Vous n'avez qu'à observer l'Irak. Ou bien regardez du côté de la Syrie. Si vous voulez, observez bien l'Iran lui-même: économie florissante, libertés en tous genres pour le peuple. Espérons que la rhétorique anti-sioniste, anti-impérialiste, anti-ceci et anti-cela pourra nous nourrir car il ne restera pas grand-chose d'autre. Ou bien, maintenant qu'on est bien ancré dans l'axe, l'Iran nous enverra l'aide économique dont nous avons besoin. Il paraît que leur seule hésitation émanait du fait qu'on n'en avait pas fait la demande.
Michael
21 h 54, le 19 décembre 2019