L'ex-ministre de l'Education et vice-président des Programmes régionaux externes (REP) de l’Université américaine de Beyrouth (AUB), Hassane Diab, qui a reçu l'appui du tandem chiite Hezbollah-Amal ainsi que celui du Courant patriotique libre de Gebran Bassil, a été désigné jeudi pour former le prochain gouvernement du Liban, miné par une crise économique aiguë et agité par une contestation populaire inédite. Désigné à l'issue des consultations parlementaires contraignantes au palais de Baabda, M. Diab succède à Saad Hariri qui a démissionné fin octobre, sous la pression de la rue qui manifeste depuis deux mois pour réclamer la chute de toute la classe dirigeante.
En vertu du système confessionnel de partage du pouvoir du Liban, le poste de Premier ministre revient à un membre de la communauté sunnite quand celui de président revient aux chrétiens maronites et la présidence de l'Assemblée nationale aux musulmans chiites. Reste que M. Diab ne bénéficie pas de la couverture sunnite. Car cet ingénieur de 60 ans, peu connu du grand public, a été désigné par 69 députés, issus des rangs du Hezbollah et ses alliés dont le Courant patriotique libre (CPL) fondé par le président Aoun, et le parti chiite Amal de M. Berry. En revanche, il n'a pas obtenu le soutien des hauts responsables sunnites, au premier rang desquels le courant du Futur de Saad Hariri. Seuls six sunnites sur un total de 27 l'ont nommé pour le poste de Premier ministre. De quoi laisser augurer une tâche difficile pour M. Diab, dans un pays abonné aux interminables tractations dans la formation de ses gouvernements.
Peu après les consultations parlementaires, reportées à deux reprises ce mois, Hassan Diab s'est rendu jeudi en fin d'après-midi au palais présidentiel de Baabda, où il s'est entretenu avec M. Aoun et le président du Parlement, Nabih Berry. Répondant ensuite à la presse, il s'est proclamé "indépendant" et a accepté de former un nouveau gouvernement le plus vite possible, sans préciser sa nature.
Le président Michel Aoun (centre) entouré du Premier ministre désigné Hassane Diab (droite) et du président du Parlement Nabih Berry à l'issue des consultations parlementaires contraignantes au palais de Baabda. Photo Dalati et Nohra.
Diab tend la main aux protestataires
M. Diab a également tendu la main aux Libanais qui protestent depuis le 17 octobre contre le pouvoir accusé d'être incompétent et corrompu et qui réclament inlassablement la formation d'un cabinet de technocrates indépendants du sérail politique.
Dans une tentative de rassurer les manifestants, Hassane Diab a promis des consultations élargies au mouvement de révolte. S'adressant depuis Baabda directement aux contestataires, M. Diab a déclaré : "De ma position d'indépendant, je vous parle en toute franchise et transparence. Ces derniers 64 jours, j'ai entendu vos voix exprimant douleur et colère. J'ai senti que votre intifada me représente ainsi que toute personne qui veut un véritable État. Vos voix doivent demeurer une sonnette d'alarme". "Les Libanais ne permettront pas un retour à l'avant 17 octobre (date du début du mouvement de contestation)", a ajouté M. Diab, appelant les protestataires à "participer à l'opération du sauvetage du pays". Trois jours après le déclenchement de la contestation, M. Diab avait qualifié le mouvement d'"historique", écrivant sur les réseaux sociaux que "le peuple libanais" s'était "uni pour défendre ses droits à une vie libre et digne".
Les promesses de M. Diab n'ont pas réussi à calmer la rue. En très peu de temps, plusieurs axes routiers ont été bloqués à travers le pays, tandis que les places de la contestation se remplissaient au fur et à mesure de protestataires promettant de "faire tomber" le Premier ministre nouvellement désigné.
(Portrait : Hassane Diab, un « bûcheur » très « instruit » et « honnête », mais qu’en est-il de ses qualités politiques ?)
"Un schisme sunnite-chiite"
Hassane Diab a été ministre de l'Education (2011-2014) dans un cabinet dirigé par Nagib Mikati et dominé par le Hezbollah et ses alliés, après la démission en 2011 d'un gouvernement de coalition déjà dirigé à l'époque par M. Hariri. Sur son site internet, il se présente comme "l'un des rares ministres technocrates depuis l'indépendance du Liban". Selon Imad Salamey, chercheur en sciences politiques à l'Université libanaise américaine (LAU), "si M. Diab est nommé Premier ministre, alors le prochain gouvernement sera dominé par le Hezbollah (et ses alliés) sans couverture politique pour Hariri et les sunnites". Une situation, a-t-il dit à l'AFP, qui "provoquerait un schisme sunnite-chiite au Liban, et noierait la révolution dans les discours confessionnels".
Mercredi, M. Hariri avait dit renoncer à sa propre succession et son bloc parlementaire n'a nommé aujourd'hui aucun candidat pour le remplacer. Des hauts responsables du courant du Futur ont par ailleurs dit jeudi qu'ils pourraient ne pas faire partie du prochain gouvernement faisant craindre l'émergence d'un clivage susceptible de compliquer la mise en œuvre des réformes demandées par les contestataires et la communauté internationale. Selon des sources de la Maison du Centre citées par la chaîne locale LBCI, Saad Hariri "va continuer à prendre ses responsabilités politiques et poursuivre son action nationale dans l'idée d'atténuer les dommages et ce, dans le cadre des dispositions de la Constitution en cette période dangereuse".
Le leader druze Walid Joumblatt a dans ce contexte critiqué l'approche du groupe parlementaire du Futur, estimant que le parti de Saad Hariri a "laissé tomber Nawaf Salam par crainte du changement". "Que les forces du 8 Mars choisissent leur candidat et que cela se solde par un succès, ce n'est pas étonnant. Au moins, ces formations ont un projet", a écrit M. Joumblatt sur son compte Twitter. "Mais que le Futur, qui se cache derrière la +technocratie+ comme si tous ses députés avaient travaillé dans la Silicon Valley, laisse tomber Nawaf Salam par crainte du changement, cela prouve leur futilité et leur faillite", a-t-il ajouté. "Nous étions une minorité et nous le resterons", a encore souligné le chef du Parti socialiste progressiste.
Mr Ali Baba et les 40 voleurs ( Mr Berry ) est toujours présent il a peur de perdre son fauteuil et aller en prison
00 h 48, le 20 décembre 2019