Suite aux dérapages, lors de manifestations depuis samedi, aux abords du Parlement, les autorités sont opté pour les grands moyens. Mardi, des travaux de consolidation ont été entrepris à l'une des entrées du siège du Parlement, au niveau de la rue Weygand. Près de la mosquée al-Omari, une structure en métal scellée sur des piliers d'une hauteur d'un mètre faisant office de barrière était en cours d'installation.
Une structure en métal avait déjà été érigée, il y a quelques semaines, au niveau d'une autre voie menant au parlement, déjà quelque peu bunkérisé depuis un moment.
Ces derniers jours, le centre-ville de Beyrouth a été le théâtre de nombreux épisodes violents. Dans le cadre de la répression, par les forces de l'ordre, des manifestants, notamment samedi et dimanche. Après que quelques manifestants ont jeté des projectiles en directions des forces de l'ordre, alors que les rassemblements étaient globalement pacifiques, les forces de l'ordre ont, à deux reprises, violemment réprimé les contestataires.
Lundi, la tension est en outre remontée d'un cran, peu avant minuit dans le centre-ville, où des fauteurs de trouble ont brûlé des tentes de la contestation et s'en sont pris à l'armée et aux forces de sécurité intérieure déployées sur place, après la diffusion d'une vidéo dans laquelle un certain Samer Sidaoui insulte la communauté chiite. Le centre-ville n'a fini par retrouver un calme relatif qu'à 3h du matin.
Un contestataire a affirmé à L'Orient-Le Jour que vers 23 heures, des individus, certains armés de bâtons, venus du quartier de Khandak el-Ghamik, situé de l'autre côté du Ring, criant "Chiites, chiites!" ont mené une attaque et ont brûlé des tentes.
L'armée et la police anti-émeute se sont déployées sur les lieux de l'attaque où elles ont été la cible de jets de pierres, de bombes pyrotechniques et de cocktails Molotov de la part de plusieurs dizaines d'individus se masquant le visage et extrêmement mobiles. Des individus qui ont notamment réussi à retourner une voiture, qu'ils ont incendiée.
Les excuses de Sidaoui
Dans la nuit, le Hezbollah et le mouvement Amal ont appelé les assaillants à quitter les rues. Et dans un communiqué, la famille Sidaoui, dont est issu l'auteur de la vidéo, originaire de Tripoli, a annoncé qu'elle condamnait fermement les propos de Samer Sidaoui et qu'elle était attachée à l'unité nationale.
L'auteur de la vidéo avait présenté ses excuses en matinée, notamment à la communauté chiite. "Je m'excuse auprès des chiites, des sunnites et de toutes les communautés que j'ai pu choquer. Je n'avais pas les idées claires lorsque j'ai parlé. J'avais bu", a déclaré Samer Sidaoui dans une nouvelle vidéo publiée dans la nuit. "Je m'étais disputé avec A.C. qui était énervé parce que j'avais insulté (le président du Parlement et du mouvement Amal) Nabih Berry et (le secrétaire général du Hezbollah) Hassan Nasrallah. En fait je m'en prenais aux voyous qui étaient dans la banlieue-sud de Beyrouth. En aucun cas je m'en suis pris à la communauté chiite", a-t-il déclaré. "A.C. a commencé à m'insulter et à insulter ma religion et ma communauté. Je me suis alors emporté et lorsque je m'énerve, je ne peux m'arrêter. Je prends des médicaments", a-t-il ajouté. "Cette vidéo lui était destinée et n'était pas censée être partagée", a-t-il encore dit. L'Ani a rapporté de son côté que plusieurs avocats ont remis une note d'information contre Samer Sidaoui au procureur général près la cour de Cassation pour atteinte "à la paix civile" et réclamé son arrestation.
Mardi matin, plusieurs carcasses de voitures calcinées étaient visibles dans le centre-ville de la capitale. Selon les FSI, 25 policiers anti-émeutes ont été blessés et quatre personnes ont été arrêtées. De son côté, la Défense civile libanaise a annoncé avoir secouru 66 personnes lundi soir. "Les éléments de la défense civile ont soigné 43 blessés (sur place) et transporté 23 autres dans les hôpitaux de la région", a-t-elle rapporté sur son compte Twitter.
AFP / ANWAR AMRO
Saïda
Des hommes masqués, qui seraient des partisans du mouvement Amal et du Hezbollah, ont également attaqué dans la nuit de lundi à mardi le campement des manifestants sur la Place Elia, rebaptisée place de la révolution, à Saïda, rapportait mardi matin notre correspondant sur place, Mountasser Abdallah. L’armée a repoussé ces hommes qui venaient de Haret Saïda, la banlieue chiite de la capitale du Liban-sud, après qu'ils aient détruit les équipements de certaines tentes et bousculé deux manifestants qui dormaient sur place. C'est la première fois depuis le début du mouvement de contestation que de tels incidents se produisent à Saïda.
AFP / Mahmoud ZAYYAT
La branche du mouvement Amal à Haret Saïda a affirmé dans un communiqué publié mardi que "le mouvement et les jeunes de Haret Saïda n’ont aucun lien avec les incidents à Saïda et ses environs". "Cela ne nous concerne ni de près ni de loin", ajoute le texte.
Mardi matin, les écoles de la ville étaient fermées. Des étudiants ont également organisé une marche à partir de la place Elia dans les rues de la localité pour dénoncer les événements de la nuit dernière.
Baalbeck
A Baalbeck, quelque 80 hommes ont tenté dans la nuit d'attaquer la tente où campaient une poignée de contestataires sur la place Khalil Moutran, mais en ont été empêchés par l'armée qui protège les manifestants, a indiqué une militante à notre correspondante Sarah Abdallah. Les militants redoutent une montée de la tension en raison d'un appel des puissants clans de la région --notamment les Zeaiter et les Jaafar-- à un rassemblement vers 16 heures pour "la défense de Fatima al Zahraa", la fille du prophète Mohammad, en réaction à la vidéo s'en prenant aux symboles du chiisme.
Dans le village voisin de Fakha, des inconnus ont aspergé d'essence et mis le feu dans la nuit à la tente installée par des contestataires depuis le début du soulèvement. La tente était vide, mais contenait des caisses d'aides alimentaires collectées par les militants de la région pour les distribuer aux familles dans le besoin, a indiqué à l'OLJ Abdallah Shall, un médecin de Baalbeck qui participe activement aux protestations.
La LBCI a aussi rapporté que des jeunes hommes ont également détruit les tentes du mouvement de contestation à l'aube, mardi, à Nabatiyé. Une marche d'une poignée de protestataires en solidarité avec les manifestants de Nabatiyé a eu lieu dans la ville, l'après-midi.Kubis alarmé
Dans la journée, le coordonnateur spécial du secrétaire général des Nations Unies pour le Liban, Jan Kubis, s'en est vigoureusement pris aux leaders politiques du pays.
"Je suis alarmé par la situation sécuritaire de plus en plus complexe et dangereuse autour des protestations" décrite par la ministre sortant de l'Intérieur, Raya el-Hassan, le commandant en chef de l'armée, le général Joseph Aoun et le directeur des Forces de sécurité intérieure, le général Imad Osman", a écrit M. Kubis dans une série de tweets. "Les FSI et l'armée méritent notre respect et notre appréciation pour leur professionnalisme, leur responsabilité et leur dévouement dans la protection des protestations pacifiques, de la loi et de l'ordre contre les instigateurs de violence aux motivations politiques", a-t-il écrit.
"Quand est-ce que les politiciens vont enfin comprendre que bloquer une solution politique durable met le Liban de plus en plus sur le gril ?", a lancé le responsable onusien. "Manipulation et infiltration grandissante des protestations par des activistes politiques, radicalisation de certains pans du mouvement de révolte, jets de pierre, bombes incendiaires et d'essence dans des attaques incessantes contre les forces de sécurité, actes de vandalisme, provocations dans le but de déclencher un conflit communautaire... C'est-ce que vous voulez, leaders politiques, pour le peuple du Liban ? Parce que c'est ce que vous leur avez donné jusqu'à présent", a-t-il conclu.
Parallèlement, le président du Parlement libanais Nabih Berry et le Premier ministre sortant Saad Hariri ont appelé mardi les Libanais à "ne pas se laisser entraîner vers la sédition", au lendemain d'actes hostiles de fauteurs de trouble contre la contestation à Beyrouth et dans d'autres régions après la diffusion d'une vidéo d'un individu qui s'en était pris aux symboles de la communauté chiite.
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BERRI A PARLÉ ÉCOUTONS LE, IL NOUS AIME. IL AIME TOUT LE LIBAN, TOUTES LES RELIGIONS. IL EST CONTRE LES VOYOUS.
20 h 37, le 17 décembre 2019