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Nos Lecteurs ont la Parole - par Riad OBEGI

Faillite de la politique, politique de la faillite

Notre nation, notre pays, notre État, notre économie, nos entreprises, nos cadres, nos jeunes passent par une des périodes les plus difficiles de notre histoire. La majorité voit la faillite comme inévitable, certains s’en réjouissent et d’autres la redoutent. Le plus grand nombre y voit l’occasion de régler des comptes avec des adversaires, avec un système ou tout simplement avec la vie. Peu réalisent que cet effondrement conduira le plus certainement à la disparition de la jeunesse, de l’espoir et de la prospérité jalousée.

Pourtant, rien n’est moins sûr. Les experts avancent comme argument de la faillite prochaine le surendettement de l’État, la corruption, l’incurie des dirigeants, les conflits communautaristes et l’inefficacité de la politique. Il est indéniable que cette dernière ne s’est pas distinguée par une clairvoyance ou une justesse particulière. Est-ce à dire que l’État en premier, la nation en général n’ont aucune solution ?

Bien que l’État soit très endetté, 170 % du PIB, il faut tout d’abord noter qu’il est relativement plus riche qu’un grand nombre d’États européens. Il est encore propriétaire de l’essentiel des futurs revenus pétroliers et gaziers ; de toutes ses capacités en eau, et nous savons tous combien le Liban en est bien loti ; des compagnies de téléphonie, de l’électricité, des routes, des transports publics. Peu de pays européens ont encore un secteur public aussi important. Le patrimoine immobilier de l’État ne le cède en rien à celui d’autres États. En l’absence de statistiques précises, on ne peut guère conclure que l’État soit surendetté, du point de vue de ses actifs, par rapport à ses pairs.

Au surplus, l’État n’est pas non plus excessivement généreux. Alors qu’il est si riche, la protection sociale est misérable, la subvention à l’éducation est faible, la contribution à des pays pauvres inexistante. On a donc un État riche et avare. Peut-on dire que cet État fait la part belle aux entrepreneurs en ayant une taxation extrêmement faible ? Certainement pas. Il est assez comparable à des pays à taxation modérée, mais non à des paradis fiscaux. La réalité est simplement que le Liban et l’État souffrent d’une absence de liquidité consécutive à une perte de confiance. Celle-ci ne peut se restaurer tant que les experts continueront à clamer la nécessité absolue d’un haircut et l’imminence de la faillite. Qui pourrait raisonnablement ramener son argent au Liban si on lui promettait d’en confisquer une partie? Qui se presserait de le faire si on lui annonce la faillite prochaine ?

Il faut donc restaurer la confiance. Deux mesures immédiates sont nécessaires :

- Premièrement : exclure totalement et définitivement un haircut, ou une conversion obligatoire des dépôts en devises vers la monnaie locale, qui compromettraient à court terme la stabilité du pays, et à long terme son redressement. Seule une partie crédible pourrait l’assurer. Un État ami? Une institution internationale ? Les associations socioprofessionnelles ?

- Deuxièmement : injecter entre 10 et 15 milliards de dollars dans l’économie. Ces fonds sont largement disponibles à la Banque du Liban – et cela sans compter ce qui pourrait être emprunté en nantissant l’or, mais évidemment tout cela requiert un certain courage. Ces fonds seraient prêtés à des taux réduits par la Banque centrale aux banques commerciales pour financer principalement certains secteurs-clés : les secteurs employant beaucoup de main-d’œuvre pour éviter un chômage massif, les entreprises exportatrices, celles dans le médical, dans l’éducation, etc.

À moyen terme, il faut établir un nouveau contrat social fondé sur davantage de participation des citoyens, davantage de générosité et une gestion plus avisée. Tirons parti de cette crise, réformons notre pays pour en faire un modèle de coexistence, de solidarité et d’efficacité. Tout n’y est pas mauvais, renforçons nos points forts et corrigeons nos points faibles.

L’optimisme est permis, mais les risques sont très élevés. Si nous ratons ce tournant, nous rentrerons dans une décennie de misère et de dilapidation des actifs nationaux (comme cela est arrivé à la chute de l’Union soviétique). Ne laissons pas les oiseaux de malheur profiter de notre infortune. Notre économie a le potentiel pour réaliser un PIB double de l’actuel, notre nation a celui de rayonner partout dans le monde, et notre futur nouveau modèle d’être un exemple pour toute la région.

Riad OBEGI

PDG de la Banque BEMO

Fouad ZMOKHOL

Président du Rassemblement

de dirigeants et chefs

d’entreprise libanais dans

le monde (RDCL-World)

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

Notre nation, notre pays, notre État, notre économie, nos entreprises, nos cadres, nos jeunes passent par une des périodes les plus difficiles de notre histoire. La majorité voit la faillite comme inévitable, certains s’en réjouissent et d’autres la redoutent. Le plus grand nombre y voit l’occasion de régler des comptes avec des adversaires, avec un système ou tout...

commentaires (2)

Le "haircut" out le "bail in" sont hélas consubstantiels à la recapitalisation des banques, si on considère la situation d'aujourd'hui comme une photographie (sans les secours divers et variés censés nous sortir du trou). Car au total, les banques ont collectivement (certaines plus, certaines moins) aujourd'hui, en valeur de marché (pour autant que ça ait un sens) près de ($65 milliards dus par la BdL + $15 milliards de Eurobonds) à 50% de valeur soit $40 milliard. $40 milliards - $20 milliards de fonds propres = -$20 milliards de fonds propres négatifs que les déposants devront payer avant qu'un investisseur rajoute un sou de fonds propres. Sans compter d'autres pertes potentielles ...

M.E

14 h 01, le 10 décembre 2019

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Commentaires (2)

  • Le "haircut" out le "bail in" sont hélas consubstantiels à la recapitalisation des banques, si on considère la situation d'aujourd'hui comme une photographie (sans les secours divers et variés censés nous sortir du trou). Car au total, les banques ont collectivement (certaines plus, certaines moins) aujourd'hui, en valeur de marché (pour autant que ça ait un sens) près de ($65 milliards dus par la BdL + $15 milliards de Eurobonds) à 50% de valeur soit $40 milliard. $40 milliards - $20 milliards de fonds propres = -$20 milliards de fonds propres négatifs que les déposants devront payer avant qu'un investisseur rajoute un sou de fonds propres. Sans compter d'autres pertes potentielles ...

    M.E

    14 h 01, le 10 décembre 2019

  • Le "haircut" out le "bail in" sont hélas consubstantiels à la recapitalisation des banques, si on considère la situation d'aujourd'hui comme une photographie (sans les secours divers et variés sensés nous sortir du trou). Car au total, les banques ont collectivement (certaines plus, certaines moins) aujourd'hui, en valeur de marché (pour autant qu'il ait un sens) près de ($65 milliards dus par la BdL + $15 milliards de Eurobonds) à 50% de valeur soit $40 milliards, $40 milliards - $20 milliards de fonds propres = -$20 milliards de fonds propres négatifs que les déposants devront payer. Sans compter d'autres pertes potentielles ...

    M.E

    12 h 43, le 10 décembre 2019

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