L'homme d'affaires libanais Samir Khatib, jusque-là donné favori pour diriger le prochain gouvernement, a annoncé dimanche, depuis la Maison du Centre, qu'il retirait sa candidature. En soirée, Baabda a reporté les consultations parlementaires contraignantes qui devaient avoir lieu lundi au lundi d'après, soit le 16 décembre 2019.
"J'annonce, la conscience tranquille, que je renonce à poursuivre dans la voie dans laquelle on m'avait pressenti", a déclaré M. Khatib, depuis la Maison du Centre où il a été reçu par le Premier ministre sortant, Saad Hariri. Il a remercié le président de la République, Michel Aoun, le président de la Chambre Nabih Berry et M. Hariri pour leur confiance.
Dans le centre-ville, quelque 200 manifestants venus malgré la pluie battante ont répété, à l’annonce du retrait de la candidature de M. Khatib, "Tous sans exception, et Hariri est l’un d’entre eux", selon notre journaliste sur place Patricia Khoder. L'Agence nationale d'information (Ani, officielle), a de son côté rapporté que des manifestants se sont rassemblés devant la Maison du Centre et lancé des slogans tels que : "tu ne reviendras pas Hariri".
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Avant de se réunir avec M. Hariri et à l'issue d'un entretien avec le mufti de la République, Abdellatif Deriane, M. Khatib avait indiqué avoir été informé par Dar el-Fatwa, plus haute instance religieuse sunnite du Liban, qu'il y avait une entente "musulmane" pour désigner le Premier ministre sortant lors des consultations parlementaires contraignantes.
"J'ai été informé par le mufti qu'à l'issue de ses concertations avec les membres de la communauté musulmane, un accord a été trouvé pour la désignation de Saad Hariri pour former le prochain gouvernement", avait déclaré M. Khatib à l'issue d'un entretien avec le mufti. Il avait aussi indiqué qu'il se rendait à la Maison du Centre pour informer M. Hariri de la position du mufti, "car c'est Saad Hariri qui m'a pressenti pour former le prochain gouvernement et je le remercie pour sa confiance".
A 22h, la direction générale de la présidence de la République, a annoncé le report des consultations parlementaires. "À la lumière des développements, en particulier ceux qui se sont produits cet après-midi, et conformément à la volonté et la demande de la plupart des principaux groupes parlementaires, et pour ouvrir la voie à davantage de consultations et de contacts entre les différents blocs politique, ainsi qu'avec des personnes qui pourraient être chargées de former le nouveau gouvernement, le président de la République, le général Michel Aoun, a reporté les consultations parlementaires contraignantes qui devaient se tenir demain, lundi 9 décembre 2019, au lundi 16 décembre", peut-on lire dans un communiqué.
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Nawaf Salam ?
Plus tôt, le chef du groupe parlementaire de la Rencontre démocratique, majoritairement constitué de députés du Parti socialiste progressiste (PSP, du leader druze Walid Joumblatt), Taymour Joumblatt, a annoncé que son bloc ne participera pas aux consultations parlementaires contraignantes.
Le chef des Kataëb Samy Gemayel a lui proposé, lors d'une conférence de presse, que Nawaf Salam, l’ancien ambassadeur du Liban aux Nations Unies, actuellement juge à la Cour internationale de justice, devienne le futur chef du gouvernement.
Le groupe parlementaire du Courant du Futur, la formation de M. Hariri, devait se réunir aujourd'hui pour arrêter sa position définitive concernant la désignation du vice-PDG de la compagnie Khatib & Alami. Dans la journée, le conseiller économique de Saad Hariri, Nadim el-Mounla, avait affirmé que le Premier ministre sortant était "toujours attaché à Samir Khatib". Le groupe du Courant patriotique libre de Gebran Bassil prévoyait quant à lui une réunion lundi.
Le chef de l’État et ses alliés sont en faveur d'un gouvernement dit "techno-politique", alors que la rue réclame un cabinet formé intégralement d'experts indépendants. La rue a déjà fait savoir qu'elle s'opposait à la désignation de Samir Khatib à la tête du prochain cabinet. "Si Samir Khatib est désigné pour le poste de Premier ministre, nous irions vers un embrasement de la rue et une désobéissance civile", avait prévenu de son côté samedi le porte-parole des Forces libanaises, Charles Jabbour.
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Passe d'armes Audi/Kabalan
Dans la matinée, le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, avait exhorté les responsables à ne pas se dresser contre la "révolution du peuple", tandis que de son côté, le patriarche grec-orthodoxe, Youhanna X Yazigi, avait appelé à la formation d'un nouveau gouvernement "répondant aux demandes du peuple".
Pour sa part, le métropolite grec-orthodoxe de Beyrouth, Élias Audi, a affirmé que les responsables politiques avaient "peur de la voix de tous ceux qui aiment le Liban" "Ce qui fait peur aux responsables, c'est la voix du droit et de la vérité, la voix du peuple qui a faim et qui souffre, la voix de tous ceux qui aiment le Liban", a-t-il déclaré dans son homélie lors d'un office religieux à l'occasion du 14ème anniversaire de la mort de Gebran Tuéni, tué dans un attentat à la voiture piégée le 12 décembre 2005.
"Vivons-nous dans une République d'idoles ou de marionnettes ? Ce pays est dirigé par une personne que vous connaissez tous, et par une organisation qui nous gouverne avec les armes", a poursuivi le prélat, dans une allusion à peine voilée au Hezbollah et à son secrétaire général Hassan Nasrallah.
"Cette personne et ce groupe ont libéré, résisté, protégé, défendu et recouvré la liberté, la souveraineté et l'indépendance du pays", a réagi le mufti jaafarite, le cheikh Ahmad Kabalan.
Après cette passe d'armes, le président du Conseil supérieur chiite, le cheikh Abdel Amir Kabalan a appelé les "sages à éviter que les Libanais tombent dans les marécages de la sédition".
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commentaires (14)
POURQOUI DONC NE PAS REMERCIER HEZBOLLAH AUSSI ?
Gaby SIOUFI
10 h 56, le 09 décembre 2019