Le mouvement sans précédent de contestation contre la classe politique, accusée d'incompétence et de corruption, a organisé au 53e jour de la révolte populaire un "dimanche de la colère" à travers le territoire, à la veille des consultations parlementaires qui devaient avoir lieu lundi à Baabda, en vue de nommer un nouveau Premier ministre, avant que le palais présidentiel n'annonce leur rapport au lundi prochain.
Malgré la pluie, une série de manifestations se sont tenues à travers le territoire, notamment des convois de voitures rassemblant les protestataires à travers le pays pour réclamer un Premier ministre ayant des "références acceptables".
A Beyrouth, plusieurs véhicules se sont rassemblées sur la voie express du Ring, au centre-ville de Beyrouth, pour se rendre dans les quartiers de Hamra, Aïn Mreissé, Achrafieh jusqu'à la place des Martyrs. Le point d'orgue de cette journée a été un rassemblement dès 16 heures devant le siège du Parlement. D'autres "convois des consultations" ont été organisés à Saïda, au Liban-Sud, à Rachaya, dans la Békaa-ouest, à Jal el-Dib, dans le Metn, ainsi qu'à Jounieh, dans le Kesrouan.
Par ailleurs, selon des vidéos circulant sur les réseaux sociaux, des contestataires ont été violemment empêchés par la police du Parlement d'approcher du siège de l'hémicycle, place de l'Etoile. Selon ces vidéos, des manifestants ont été frappés et empêchés de filmer ; d'autres auraient été arrêtés.
Les contestataires ont qualifié cette journée de "troisième tournant dans la révolution", après ceux du 17 octobre dernier, début de la révolte populaire, et du 22 novembre, à l'occasion de la fête de l’Indépendance.
(Lire aussi : Convois, marche de femmes, sit-in : un samedi de forte mobilisation dans tout le Liban)
A Saïda, des dizaines de femmes, drapeaux libanais à la main, se sont rassemblées sur la place Elia pour une "marche de la faim" afin de distribuer des repas et des denrées alimentaires aux personnes dans le besoin, selon notre correspondant Mountasser Abdalla, scandant des slogans contre les taxes, la dollarisation de l'économie libanaise et le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé.
Photo Mountasser Abdallah
"Il s'agit d'une initiative collective indépendante des partis pour répondre au cri des pauvres", assure l'un des organisateurs de l'initiative. Un des femmes présents explique que l'initiative a été notamment financée par des commerçants de la ville. Un des cuisiniers mobilisés a expliqué à notre correspondant que 150 repas devraient être distribués.
En soirée, l'Ani a rapporté que des manifestants se sont rassemblés devant la Banque du Liban à Saïda rejetant la politique monétaire de la Banque centrale.
Photo Mountasser Abdallah
Dans la même région, des contestataires ont forcé dans la nuit les portes protégeant le secteur de Kanayat, la rive du fleuve Awali qui avait été fermée aux promeneurs, après avoir été achetée par des investisseurs, estimant que "les bien-fonds fluviaux ont été volés par les commerçants au pouvoir qui ont mis la main sur cette région en jouant avec la loi sur la propriété". "Nous défendons la douleur endurée par les pauvres, et portons la voix de ceux qui n'en ont pas face au pouvoir politique corrompu", peut-on lire dans un communiqué publié par ces contestataires repris par l'Agence nationale d'information (Ani, officielle).
A Tripoli, des contestataires et des étudiants agitant des drapeaux libanais se sont rassemblés pour une marche allant de la place Abdel Hamid Karamé à Mina contre le gaspillage et la corruption. En soirée, l'Ani a rapporté que les "organisateurs du mouvement à Tripoli ont annoncé que lundi sera une journée de grève générale à Tripoli et que les routes de la ville seront coupées dès l'aube".
A Zouk, dans le Kesrouan, plusieurs manifestants se sont rassemblés devant la centrale électrique de la localité, notamment pour protester contre la pollution et les dommages sur l'environnement qu'engendrent la centrale.
Photo Ani
Le président de la République Michel Aoun devait tenir lundi des consultations parlementaires contraignantes pour nommer un nouveau Premier ministre, après la démission de Saad Hariri sous la pression de la rue le 29 octobre. Mais à 22h, Baabda a annoncé que es consultations parlementaires contraignantes qui devaient ont été reportées au lundi d'après, soit le 16 décembre.
Le chef de l’État et ses alliés sont en faveur d'un gouvernement dit "techno-politique", alors que la rue réclame un cabinet formé intégralement d'experts indépendants. Samir Khatib, un homme d'affaires à la tête de la compagnie Khatib & Alami, qui était jusque-là donné favori, a annoncé en début de soirée qu'il jetait l'éponge, après le soutien des milieux sunnites à la candidature de Saad Hariri.
La rue avait déjà fait savoir qu'elle s'opposait à la désignation de Samir Khatib à la tête du prochain cabinet. "Si Samir Khatib était désigné pour le poste de Premier ministre à l'issue des consultations parlementaires, nous nous dirigerions vers un embrasement de la rue et une désobéissance civile", avait prévenu samedi, le porte-parole des Forces libanaises, Charles Jabbour. "M. Khatib ne pourra entrer au Grand Sérail que par la force", avait-il prédit.
Lire aussi
La révolte libanaise devra se faire révolution ou mourir
Khatib toujours en lice, l’option Hariri pas écartée
Vers un « dimanche de la colère » et une grève, lundi, contre un gouvernement « folklorique »
Trois propositions pour consolider les acquis de la révolution
commentaires (6)
LA CONTESTATION NE DECOLERE ET NE DECOLERERA PAS. IL FAUT QU,ILS SE LE METTENT DANS LA TETE.
LA LIBRE EXPRESSION
10 h 05, le 09 décembre 2019