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Liban - Ordre des avocats

Melhem Khalaf, figure du soulèvement, prend d’assaut le barreau de Beyrouth

Une victoire qui illustre de façon implacable le camouflet essuyé par les partis.

Melhem Khalaf, à l’issue de sa victoire. On reconnaît à droite Antonio Hachem, un de ses prédécesseurs. Photo « an-Nahar »

Le soulèvement populaire a remporté hier une victoire fracassante contre le système en place en faisant parvenir à la tête de l’ordre des avocats Melhem Khalaf, un candidat indépendant détaché de tout lien avec un quelconque parti. Issu du mouvement civil entamé depuis le 17 octobre, Me Khalaf a été élu haut la main bâtonnier de Beyrouth avec 2 341 voix, face à Nader Gaspard (1 532 voix), candidat également indépendant, mais qui aura quelque peu été victime du fait que l’ensemble des partis se sont coalisés en sa faveur lors du second tour.

À l’occasion de cette première échéance électorale qui se tient depuis le début de la révolte (un mois jour pour jour), les partis ont subi une série de sérieux camouflets. D’abord, le candidat du Courant patriotique libre, Georges Nakhlé, avait annoncé samedi son retrait de la course. Rencontré dans la salle des pas perdus entre les deux tours de scrutin, Nadim Gemayel, député Kataëb, affirme à cet égard à L’Orient-Le Jour que « le désistement du candidat du parti fort du régime indique que les partis commencent à réaliser l’importance du mouvement populaire ». « Le deuxième indicateur de ce début de changement se trouvera dans les urnes », ajoute-t-il.

La deuxième volte-face a été celle des Forces libanaises, leur candidat Pierre Hanna s’étant retiré hier après le premier tour, c’est-à-dire après l’élection de cinq membres du conseil de l’ordre, préalable à l’élection du bâtonnier. Arrivé second (1 703 voix) derrière Melhem Khalaf (2 062) et devant Nader Gaspard (1 681), Me Hanna, également appuyé par le Parti socialiste progressiste et le courant du Futur, s’était désisté en faveur de Me Gaspard. Au sujet de ce soutien, Roula Tabch, députée du parti haririen, affirme à L’OLJ que « l’affiliation d’un candidat à un parti ne doit pas constituer un obstacle qui l’empêche de servir le barreau ». Pour elle, « un candidat, qu’il soit indépendant ou partisan, doit, s’il accède à un poste, mettre de côté toutes ses convictions politiques afin de tenir le barreau à distance de toutes les parties ».

Les deux autres gagnants de ce premier scrutin, Saadeddine Khatib (courant du Futur), et Ibrahim Moussallem ne briguaient pas le bâtonnat. Alors que ses pairs vont remplir un mandat de trois ans, ce dernier restera au conseil pendant une seule année, vu qu’il occupera la place de Aziz Torbey qui avait démissionné. Indépendant appuyé par les Kataëb, M. Torbey s’est présenté à nouveau hier, mais les 1 286 voix qu’il a obtenues ne lui permettent que d’être un membre suppléant. Il n’a donc pas eu le droit de se présenter au titre de bâtonnier qu’il briguait.

Autre exploit réalisé par la déferlante révolutionnaire : c’est bien la première fois qu’un avocat qui n’a jamais fait partie du conseil de l’ordre parvient d’un coup à l’intégrer et à se hisser à sa tête. Il est de coutume en effet que le postulant travaille au moins trois ans au sein du conseil avant d’accéder au bâtonnat, mais il faut dire que Me Khalaf possède une longue expérience dans le travail auprès des commissions de l’ordre et dans des commissions internationales œuvrant pour les droits de l’homme.

La bataille pour le bâtonnat, qui au départ avait mis en jeu huit concurrents, s’est donc traduite dans sa dernière ligne droite en un duel entre Mes Khalaf et Gaspard, les autres, à part le candidat FL, ayant été éliminés du fait qu’ils n’ont pu obtenir de sièges de membres.



(Lire aussi : Le fondateur d’Offre-Joie, un habitué des combats sociétaux)



Slogans de la révolte
À 15h15, le bâtonnier sortant André Chidiac annonce les résultats (électroniques) du scrutin, auquel ont participé quelque 4 000 avocats. La victoire de Melhem Khalaf est accueillie dans une liesse indescriptible, rarement observée dans la salle des pas perdus. Le chant désormais célèbre, hela hela ho, est adapté cette fois à la circonstance : « Hela hela ho nous avons élu le bâtonnier (jebna el nakib ya helou). » « Thawra (révolution) », répètent des centaines d’avocats, poing levé. « La révolution n’est pas partisane, la révolution est populaire », scandent-ils encore, couvrant la voix de Me Chidiac et retardant la prise de parole du nouveau bâtonnier. « Amoureux de la liberté dont s’enjolive le barreau, nous espérons que cette fête célébrée aujourd’hui s’étendra à l’ensemble du pays », lance d’une voix vibrante le nouvel élu, souhaitant que « la démocratie parvienne à renouveler les institutions que nous voulons comme une forteresse imprenable qui protège la nation et les citoyens, à l’instar du conseil de l’ordre des avocats ».

Lorsqu’en conclusion de son discours, Me Khalaf veut rendre hommage à son prédécesseur, il est interrompu par le chahut assourdissant d’une foule d’avocats. Ces derniers jours, des voix se sont élevées contre ce qui est considéré comme une défaillance au niveau du rôle que doit exercer le conseil dans la défense des libertés publiques, accusant celui-ci de ne pas s’être manifesté depuis le début de la révolution du 17 octobre. Le point qui courrouce notamment une majorité d’avocats est qu’André Chidiac a retiré le mandat qu’il avait accordé à certains de ses confrères qui étaient censés défendre demain des manifestants suspectés d’avoir mis le feu au Rest House de Tyr.

Rappelant à l’ordre les protestataires qui huent Me Chidiac, le nouveau bâtonnier leur demande d’être au contraire un exemple de démocratie et de respect au sein de la société. Cet incident l’a probablement poussé à se rendre en début de soirée au domicile de l’ancien bâtonnier, à Mansourieh. Une visite interprétée comme une marque de solidarité à l’égard de ce dernier.


Alternance des pouvoirs
Fort de ses valeurs de démocratie et de sa longue action en faveur de la justice, de la séparation des pouvoirs et du principe de l’alternance, Melhem Khalaf aura ainsi été propulsé à la tête de l’ordre par un grand nombre de femmes et d’hommes de droit vibrant au rythme du soulèvement populaire. Selon des observateurs, les avocats ont agi en réaction à ce qu’ils décrivent comme une provocation des partis qui, selon eux, se sont ligués contre leur candidat pour affirmer leur pouvoir. Il faut toutefois savoir que le mouvement Amal et les Kataëb ont voté pour Me Khalaf, et que le président du Parlement Nabih Berry est entré en contact avec lui pour le féliciter.

En cette journée de démocratie par excellence, le contraste était fort entre une classe dirigeante irresponsable, qui s’accroche encore à son pouvoir en s’abstenant de former un nouveau gouvernement d’indépendants, et l’ordre des avocats de Beyrouth qui, en dépit de la conjoncture actuelle, a maintenu son rendez-vous électoral et fait parvenir à sa tête un candidat dénué de tout lien partisan. L'ancien bâtonnier s’était adressé samedi à ses confrères pour insister sur le principe de l’alternance qui, avait-il déclaré, « garantit l’indépendance et l’immunité de l’ordre ». Il les avait appelés à « donner une leçon de démocratie en se rendant nombreux aux urnes pour remplir librement leur devoir électoral, seul moyen de favoriser la justesse de la représentation ».

Le soulèvement populaire a remporté hier une victoire fracassante contre le système en place en faisant parvenir à la tête de l’ordre des avocats Melhem Khalaf, un candidat indépendant détaché de tout lien avec un quelconque parti. Issu du mouvement civil entamé depuis le 17 octobre, Me Khalaf a été élu haut la main bâtonnier de Beyrouth avec 2 341 voix, face à Nader Gaspard...

commentaires (6)

BRAVO BRAVO....ÇA SERA PAREIL POUR TOUT LE RESTE LE MOMENT VENU TRÈS BIENTÔT JE L'ESPÈRE.

Gebran Eid

17 h 39, le 18 novembre 2019

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Commentaires (6)

  • BRAVO BRAVO....ÇA SERA PAREIL POUR TOUT LE RESTE LE MOMENT VENU TRÈS BIENTÔT JE L'ESPÈRE.

    Gebran Eid

    17 h 39, le 18 novembre 2019

  • Le point qui courrouce notamment une majorité d’avocats est qu’André Chidiac a retiré le mandat qu’il avait accordé à certains de ses confrères qui étaient censés défendre demain des manifestants suspectés d’avoir mis le feu au Rest House de Tyr. Qelqu'un peut il m'expliquer pourquoi ce mandat a ete retire? M Chidiac a cede a Hezballah? Pouquoi les personnes arrettes a Tyr n'ont pas encore ete libere comme partout au Liban? OLJ ce n'est pas un commentaire c'est une question directe pose a votre journal et a toute personne qui connait la reponse certaine

    LA VERITE

    12 h 39, le 18 novembre 2019

  • Quel beau rayon de soleil dans le sombre tunnel dont on ne voit pas la fin et que nous traversons depuis des semaines! Melhem Khalaf allie en lui l’intelligence et l’humanisme, le savoir et l’humilité, l’indépendance de l’esprit et l’honnêteté et surtout l’amour du Liban et des Libanais. Sa parole est oui, oui, non, non. Il trace son sillon d’altruisme et d’amour depuis plus de trente ans grâce au socle de sa charrue qui porte le joli nom d’Offre-joie. Choisir Melhem Khalaf comme bâtonnier de l’Ordre des avocats de Beyrouth est une victoire de la liberté de penser et de l'indépendance politique partisane. Voir en lui notre prochain président de la République est une occasion idéale pour redonner à notre pays et à sa jeunesse un espoir d'équité sociale, de justice, de dignité et de confiance dans l'avenir.

    Hippolyte

    09 h 29, le 18 novembre 2019

  • Mabrouk ,Mabrouk , Alf Mabrouk.

    LeRougeEtLeNoir

    08 h 43, le 18 novembre 2019

  • Roula Tabch, on voudrait bien te croire mais helas ... c'est beaux discours ne résonnent plus

    Khalil S.

    07 h 00, le 18 novembre 2019

  • Il aurait été préférable que vous écriviez “Melhem Khalaf aura ainsi été propulsé à la tête de l’ordre par un grand nombre d’hommes ET DE FEMMES de droit vibrant au rythme du soulèvement populaire.”

    Michael

    01 h 05, le 18 novembre 2019

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