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Liban - Reportage

Safadi fait l’unanimité contre lui dans la rue révoltée

« À la limite, les manifestants auraient accepté que Saad Hariri revienne, étant donné qu’il a écouté le peuple en démissionnant », estime une militante.

En raison des mauvaises conditions météorologiques, les manifestants ne se sont pas mobilisés hier, mais ils comptent reprendre leurs manifestations ce week-end. Photo Ahmad Azakir

Si les pluies diluviennes ont limité les manifestations hier, la rue s’était embrasée dans la nuit de jeudi à vendredi à Beyrouth, comme à Saïda ou dans d’autres régions, après l’annonce d’une entente politique autour de l’ancien ministre Mohammad Safadi, pressenti pour occuper le poste de Premier ministre. Les réseaux sociaux sont également en ébullition et affichent le même refus de voir une figure politique traditionnelle présider le nouveau cabinet. Si une manifestation prévue hier dans la marina de Zaytunay Bay, à Beyrouth, dont M. Safadi est l’un des principaux actionnaires, a finalement été annulée en raison de la pluie, des dizaines de manifestants ont tout de même tenu un sit-in en soirée devant l’immeuble luxueux où réside M. Safadi à Clemenceau, l’accusant d’être un « voleur » et criant « Révolution ». « Ils n’ont pas tenu compte des demandes de la rue en faisant ce choix. Nous n’allons pas nous taire face à cela. Nous organisons aujourd’hui une marche qui partira des bureaux de la Confédération générale des travailleurs du Liban (CGTL) vers la place Riad el-Solh. Et nous prévoyons une grande manifestation, dimanche à 15h, place des Martyrs à Beyrouth », indique à L’Orient-Le Jour Camille Mourani, militant au sein de la société civile. « Mohammad Safadi fait partie d’une classe politique qu’on ne souhaite pas revoir dans le prochain gouvernement, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, sa désignation est le fruit d’un consensus anticonstitutionnel et d’un partage du gâteau politique, fomenté dans l’ombre. Son nom a été rendu public sans consultations parlementaires, souligne M. Mourani. Par ailleurs, des interrogations circulent sur son intégrité. Sans oublier que sa femme, Violette Khairallah (ministre d’État pour l’Insertion sociale et économique de la jeunesse et des femmes), fait partie du gouvernement démissionnaire. »

Zeina Karam, elle, milite sans relâche depuis le début de la contestation, le 17 octobre dernier. Mais elle s’est résignée à rester chez elle, hier, en raison de la pluie. « Ça me déprime, je devrais être sur le terrain en train de manifester », confie-t-elle à L’OLJ. Interrogée à propos de la possible désignation de Mohammad Safadi, Mme Karam insiste sur le fait que « la confiance ne peut pas être rétablie avec des figures politiques déjà connues ». « À la limite, je pense que les manifestants auraient accepté que Saad Hariri revienne à la tête d’un nouveau gouvernement, étant donné qu’il a écouté le peuple en démissionnant. On pourrait considérer qu’il a fait un pas en faveur des manifestants », estime la militante. Elle considère par ailleurs que le pays traverse avant tout une « crise de confiance ». « La rue veut quelqu’un qui n’appartienne pas à l’équipe déjà en place car plus personne n’a confiance dans la classe politique. Les manifestants ont le sentiment qu’on se joue d’eux. Ils disent que personne ne les écoute et que les politiciens n’ont cure de leurs problèmes », indique-t-elle.


(Lire aussi : Une double dose de provocation, l'éditorial de Issa GORAIEB)


« On n’aura rien changé »

La place des Martyrs était vide hier après-midi à cause des mauvaises conditions météorologiques, à l’exception de quelques irréductibles qui essayaient de se protéger tant bien que mal de la pluie. Wafa, un artiste de 25 ans qui dort sur place depuis le début des manifestations, affiche un refus catégorique face à la possibilité de voir M. Safadi former le prochain cabinet. « On ne veut pas de lui. S’il accède à ce poste, c’est qu’on n’aura rien changé et qu’on mettra en place un gouvernement qui ressemble à celui que nous avions déjà. Et puis, c’est quoi cette annonce au milieu de la nuit ? Il ne manquait plus qu’ils nous réveillent à 4h du matin pour nous raconter cela », lâche le jeune homme, en allusion au fait que les informations autour du nom de Mohammad Safadi ont fuité dans la nuit de jeudi à vendredi. « Tout le monde sait que c’est un corrompu. Il ne s’occupe que de ses partisans et il s’en fout du reste du pays. Ce n’est pas cela que l’on veut », lance pour sa part Kamal, 22 ans, étudiant en architecture, qui partage la tente de Wafa. À Tripoli, ville dont est originaire M. Safadi, sur la place al-Nour, épicentre de la mobilisation, l’ancien ministre ne trouve aucun soutien.

À Saïda, capitale du Liban-Sud, les manifestants n’ont pas non plus manqué d’exprimer leur colère et leur indignation après l’annonce de la candidature de M. Safadi. Selon notre correspondant Mountasser Abdallah, les protestataires ont passé la nuit sur la place Élia, rebaptisée « place de la Révolution du 17 octobre », scandant « Tous sans exception, y compris Safadi ». « C’est un corrompu, qui fait partie de la classe politique que nous rejetons. Nous n’accepterons jamais sa nomination et nous resterons sur la place », déclare Ahmad, un des manifestants. « Nous voulons un gouvernement neutre qui prépare des élections afin de nous débarrasser de toute cette classe politique. Nous n’accepterons rien de moins », affirme Waël, un autre manifestant qui a passé la nuit sur place. Salim dit être venu en pleine nuit également après avoir entendu les informations sur l’accord et a passé la nuit sur place avec ses amis. « Nous ne partirons pas, même si l’armée tente de nous déloger. Hors de question d’accepter Safadi », affirme-t-il.


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Si les pluies diluviennes ont limité les manifestations hier, la rue s’était embrasée dans la nuit de jeudi à vendredi à Beyrouth, comme à Saïda ou dans d’autres régions, après l’annonce d’une entente politique autour de l’ancien ministre Mohammad Safadi, pressenti pour occuper le poste de Premier ministre. Les réseaux sociaux sont également en ébullition et affichent le...

commentaires (1)

On dirait que nos politiciens y compris M. Hariri, n'ont rien compris ni écouté les cris d'alarme d'1 mois de mobilisation dans la rue et de revendications 100% légitimes, en envisageant de nommer comme Chef du Gouvernement un milliardaire connu pour ses excès et pratiques financières extrêmement louches et illicites. Car M. Mikati est bien connu pour avoir amassé une fortune colossale au dépend des finances publiques qui appartiennent au peuple.

Tony BASSILA

10 h 02, le 17 novembre 2019

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Commentaires (1)

  • On dirait que nos politiciens y compris M. Hariri, n'ont rien compris ni écouté les cris d'alarme d'1 mois de mobilisation dans la rue et de revendications 100% légitimes, en envisageant de nommer comme Chef du Gouvernement un milliardaire connu pour ses excès et pratiques financières extrêmement louches et illicites. Car M. Mikati est bien connu pour avoir amassé une fortune colossale au dépend des finances publiques qui appartiennent au peuple.

    Tony BASSILA

    10 h 02, le 17 novembre 2019

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