L'ancien Premier ministre libanais, Fouad Siniora, sera entendu le 14 novembre par le procureur financier Ali Ibrahim, dans le cadre de soupçons de dépenses de onze milliards de dollars entre 2006 et 2008, à l'époque où il était chef du gouvernement, rapporte l'Agence nationale d'information (Ani, officielle).
Le juge Ibrahim a demandé dans un premier temps à M. Siniora de se présenter à son bureau demain matin. Mais en soirée, le procureur général près la cour de cassation, le juge Ghassan Oueidate, a annoncé qu'il n'était "pas possible de notifier M. Siniora de la date de sa convocation devant le parquet financier après la plainte déposée contre lui", et qu'en conséquence, son audience se tiendra le 14 novembre.
Dans un livre intitulé “Le quitus impossible” et publié en 2013, Ibrahim Kanaan, député du Courant patriotique libre fondé par le président de la République Michel Aoun et dirigé par Gebran Bassil, accuse Fouad Siniora d’avoir manipulé les comptes et détourné des fonds publics. Ce dernier lui a à son tour répondu dans un ouvrage, l’accusant de calomnie.
Le CPL reproche à M. Siniora d’avoir dépensé ces 11 milliards sans accord du Parlement. Se réfugiant comme les gouvernements qui ont suivi jusqu’en 2017 dans la nécessité d’assurer la continuité de la gestion des affaires courantes pour justifier le détournement de la règle du douzième provisoire, l’ancien Premier ministre a néanmoins assuré en mars dernier que les fonds avaient bien servi à financer l’action de l’État sur cette période.
M. Siniora avait notamment expliqué que les dépenses publiques avaient été supérieures sur la période allant de 2006 à 2009 que les 10 000 milliards de livres prévus par an – soit 40 000 milliards de livres au total (26,5 milliards de dollars) – via la règle du douzième provisoire, en raison notamment de la hausse des prix du pétrole ou des dépenses engagées suite à la guerre de juillet 2006 contre Israël. Des aléas qui ont porté le total des besoins de l’État, selon lui, à 56 590 milliards de livres (37 milliards de dollars) qui ont été financés par des avances du Trésor.
En début de soirée, des protestataires se sont rassemblés devant le domicile de M. Sinora, rue Bliss, à Beyrouth, l'accusant d'être un "voleur". Des agents des forces de l'ordre étaient également déployés.
(Pour mémoire : Gestion des comptes publics : les principaux arguments de Fouad Siniora)
Poursuites contre Omar Kaddouha
Plus tôt, mercredi, le procureur financier a lancé des poursuites pour blanchiment d'argent et échange de pots-de-vin contre le président de l'Agence pour la sécurité de l'aviation civile à l'Aéroport international de Beyrouth, Omar Kaddouha.
Le juge Ibrahim a déjà lancé dernièrement plusieurs procédures contre des responsables et sociétés accusés de corruption. Hier encore, il a engagé des poursuites contre l'ancien ministre Fayez Chokr (Parti syrien national social) pour "négligence dans l’exercice de sa fonction", suite à une plainte déposée par le collectif d’avocats "Moutahidoun". Le groupe rapporte que "M. Chokr, qui est médecin de métier, était enregistré auprès de la Caisse nationale de Sécurité sociale en tant que médecin observateur sans avoir jamais honoré sa mission", révèle une source proche du dossier à L’Orient-Le Jour. Lundi, le procureur avait engagé des poursuites judiciaires contre le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) et plusieurs sociétés pour gaspillage de fonds publics dans le dossier du barrage de Brissa, sur les hauteurs de Denniyé (Liban-Nord). Ce barrage n’a jamais été en mesure, depuis son inauguration en 2001, de stocker efficacement de l’eau.
Ces actions en justice interviennent au moment où le Liban connaît une contestation populaire inédite qui touche tout le territoire depuis le 17 octobre. Les Libanais réclament, par dizaines de milliers, la chute de la classe dirigeante, accusée de corruption.
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06 h 47, le 07 novembre 2019