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À La Une - Irak

Affrontements et tirs à Bagdad, après des violences meurtrières à Kerbala

La désobéissance civile paralyse routes, infrastructures pétrolières et administrations.



Des manifestants à Bagdad, le 4 novembre 2019. REUTERS/Khalid al-Mousily

La contestation en Irak a repris un tour violent avec des affrontements lundi dans le centre de Bagdad, les forces de l'ordre y tirant sur des manifestants pour la première fois en dix jours, dans la foulée d'une nuit de violences près du consulat iranien à Kerbala.

Lundi soir, les forces de sécurité ont tiré à balles réelles sur des manifestants qui avançaient vers le siège de la télévision d'Etat à Bagdad, ont rapporté des témoins. Une vingtaine de personnes ont été blessées, de sources médicales et policières.

Des affrontements opposaient également des manifestants jetant des pierres aux forces qui tiraient des grenades lacrymogènes aux abords de rues menant vers l'ambassade d'Iran, le siège du gouvernement et les ministères des Affaires étrangères et de la Justice, dans le centre de Bagdad, a constaté un photographe de l'AFP.

La mobilisation a été marquée depuis son début le 1er octobre par la mort d'environ 270 personnes, principalement des manifestants --selon un bilan compilé par l'AFP, les autorités ayant cessé de communiquer sur les victimes.

Dans la nuit, de nouveau, quatre manifestants ont été tués alors qu'ils tentaient d'incendier la représentation diplomatique de l'Iran, pays voisin et grand parrain de la politique irakienne, à Kerbala, ville sainte chiite (100 km au sud de Bagdad) visitée chaque année par des millions de pèlerins iraniens. Ils ont déployé des drapeaux irakiens sur le mur d'enceinte du consulat et y ont écrit "Kerbala libre, Iran dehors", alors que les protestataires accusent Téhéran d'être l'architecte du système politique irakien qu'ils jugent corrompu et incompétent.

Les forces de l'ordre ont répliqué avec des rafales de balles réelles. Wissam Chaker, père d'Ali, 20 ans et qui figure parmi les victimes, a affirmé à l'AFP que son fils avait été mortellement touché par une balle à l'épaule et une autre à la tête.


(Lire aussi : De Beyrouth à Bagdad, en passant par Téhéran, le commentaire d'Anthony SAMRANI)



Pierres contre balles" 

"Que le gouverneur ne vienne pas nous dire que (les manifestants) étaient armés alors qu'ils n'avaient que des pierres contre les balles des forces de sécurité", a lancé un proche d'une autre victime, refusant de donner son nom. Les forces de l'ordre "protègent le consulat d'un pays étranger alors que nous, on veut seulement que notre pays soit libre", a affirmé dans la nuit un manifestant à l'AFP.

Depuis quelques jours, la colère des protestataires --qui réclament "la chute du régime"-- se concentre sur l'Iran, l'une des deux puissances agissantes en Irak avec les Etats-Unis. Ces derniers sont absents des slogans des manifestants, et n'ont que faiblement réagi à la crise.

A l'opposé, en octobre, le général Qassem Soleimani, commandant des forces chargée des opérations extérieures des Gardiens de la Révolution --l'armée idéologique iranienne--, a multiplié les visites en Irak. Et les commentaires du guide suprême iranien Ali Khamenei, qui dénonce un "complot" américain et israélien ont exacerbé l'ire des Irakiens.

Depuis le début de la semaine --dimanche en Irak--, la désobéissance civile paralyse routes, infrastructures pétrolières et administrations. A Bagdad et dans le sud du pays, la plupart des écoles publiques sont fermées, tandis que dans plusieurs villes du sud, des cortèges de manifestants ont accroché d'immenses banderoles "Fermé au nom du peuple" sur des dizaines de bâtiments publics et coupé routes et ponts.

La route menant au port d'Oum Qasr (sud) --vital notamment pour les importations alimentaires-- est coupée par des blocs de béton sur lesquels figure la même inscription: "Fermé sur ordre du peuple". Des dizaines de bateaux ont repris la route sans avoir pu décharger, de source portuaire.


(Lire aussi : A Bagdad, un immeuble abandonné est devenu la tour de contrôle de la contestation)


"Révolution d'Octobre"

A Missane (sud), les manifestants bloquaient deux champs pétroliers exploités par des compagnies chinoises: Halfaya, l'un des plus grands champs du pays, et Buzurgan. La production n'a pas été interrompue mais des employés ont affirmé à l'AFP ne pas avoir pu accéder à leurs installations. Dans l'autre ville sainte chiite du pays, Najaf, les manifestants ont symboliquement effacé le nom de la rue "Imam Khomeiny" pour la renommer "Rue de la révolution d'octobre".

Contrairement à la première semaine d'octobre --officiellement 157 morts en cinq jours--, le second épisode est désormais organisé par étudiants et syndicats, et les manifestants occupent des places devenues d'immenses camps autogérés, parfois dans une atmosphère festive. Jusqu'ici, ils ont répondu à toutes les déclarations des autorités par une contestation accrue. L'annonce d'un couvre-feu à Bagdad a provoqué en réaction la multiplication des manifestations nocturnes.

En sortant dimanche soir de son silence pour réclamer "un retour à la vie normale", décrétant que "de nombreuses revendications ont déjà été satisfaites", le Premier ministre Adel Abdel Mahdi semble avoir un peu plus durci le bras de fer.


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