« Aucune personne, aucun groupe, aucune partie régionale ou internationale ne peut confisquer la volonté des Irakiens et leur imposer son opinion », a affirmé hier l’ayatollah Sistani, plus grande autorité religieuse d’Irak, dans son sermon lu à Kerbala par un de ses représentants. Il répondait au guide suprême iranien Ali Khamenei qui avait, mercredi, appelé « ceux qui se sentent concernés » à « répondre à l’insécurité » en Irak.
Jeudi soir, des membres du groupe paramilitaire pro-iranien Hachd el-Chaabi (Unités de mobilisation populaire) ont défilé à Bagdad dans un concert de klaxons, faisant redouter aux manifestants antigouvernementaux – qui protestent depuis début octobre dans tout le pays – le début d’un mouvement qui s’opposerait au leur. Parallèlement, le chef de la force al-Qods (unité d’élite des gardiens de la révolution iraniens), le général Qassem Soleimani, s’était rendu mercredi dans la capitale irakienne pour une réunion « secrète » avec Hadi al-Ameri, à la tête du Hachd el-Chaabi au Parlement irakien, et avec ses chefs de milice afin de leur demander de continuer à soutenir le Premier ministre irakien Adel Abdel Mahdi, dont beaucoup réclament la démission, en particulier le leader religieux chiite et populiste Moqtada al-Sadr qui dirige le premier bloc politique du Parlement irakien.
Un responsable iranien a confirmé à l’agence Reuters que M. Soleimani était à la réunion de mercredi pour « donner des conseils ». « La sécurité (en Irak) est importante pour nous et nous les avons aidés dans le passé. Le chef de notre force al-Qods se rend régulièrement en Irak et dans d’autres pays de la région, en particulier lorsque nos alliés nous demandent de l’aide », a déclaré ce responsable iranien, sous le couvert de l’anonymat.
Le déplacement de M. Soleimani à Bagdad est intervenu au lendemain d’un arrangement passé entre MM. Ameri et Sadr, qui s’étaient engagés mardi à « travailler ensemble » pour écarter le Premier ministre irakien. Mais à la suite de la rencontre avec Qassem Soleimani, Hadi el-Ameri a changé radicalement de discours, expliquant à M. Sadr que se débarrasser du chef du gouvernement causerait finalement plus de chaos et menacerait la stabilité (du pays), selon des propos rapportés par un politicien proche du clerc tribun. En réponse, ce dernier a déclaré publiquement que sans démission, il y aurait davantage de « sang versé » et qu’il ne travaillerait plus avec M. Ameri. « Je ne conclurai jamais d’alliances avec vous après aujourd’hui », a-t-il déclaré dans un communiqué.
Législatives anticipées
Les récentes manœuvres de l’Iran en Irak pourraient refléter une certaine inquiétude par rapport au déroulé des événements. Les milices chiites pro-iraniennes sont pointées du doigt dans les affaires de tirs de snipers contre les manifestants. Dans le nord de Bagdad, les manifestants arrachaient jeudi un portrait de l’ayatollah Khomeyni, fondateur de la République islamique. D’autres grandes figures iraniennes, comme Ali Khamenei et Qassem Soleimani, ont été également prises pour cibles par les manifestants. L’influence iranienne, qui n’a cessé de croître depuis la chute du régime de Saddam Hussein, est dénoncée par une partie de la population en Irak.
Dans ce contexte, des élections législatives pourraient jouer un mauvais tour aux Iraniens. Le président irakien Barham Saleh a proposé jeudi soir l’organisation d’élections anticipées après le vote d’une nouvelle loi électorale qui sera soumise au Parlement « la semaine prochaine ». « L’Iran et ses partisans en Irak ont beaucoup à perdre en cas de nouvelles élections », explique Fanar Haddad, professeur à l’Université de Singapour, contacté par L’Orient-Le Jour. « Lors du précédent scrutin de 2018, la participation avait été la plus faible de l’histoire électorale de l’Irak depuis 2003. Le “Fatah” (la coalition des milices pro-iraniennes au Parlement) était arrivé en deuxième position », rappelle-t-il, précisant que « dans le contexte actuel, si le système basé sur un mode de scrutin proportionnel reste en place et en cas de participation plus importante, ils seront moins bien lotis et ne seront plus à la deuxième place ».
Ces élections, si elles sont organisées, seront supervisées par une « nouvelle commission électorale ». Mais la procédure se heurte à un double problème. Le premier concerne les manifestants qui continuent de réclamer la « chute du régime » et le départ de toute la classe politique irakienne jugée incapable et corrompue. Le second reste la difficulté de modifier le système électoral irakien, qui n’a pas changé depuis 2005. « Il y a actuellement en Irak un mode de scrutin proportionnel. Si une nouvelle loi est votée, elle risque de tout changer. Il faudra attendre et voir les modifications qui seront apportées », précise de son côté pour L’OLJ Fayçal al-Istribadi, ancien ambassadeur d’Irak aux Nations unies. Par ailleurs, l’organisation d’éventuelles élections n’est possible qu’avec l’accord du Parlement. Le président n’a en effet pas les mains libres pour les organiser. « Il y aura sûrement une certaine résistance de la part des élus au Parlement. La majorité absolue est nécessaire pour la tenue du scrutin et c’est là que réside la vraie difficulté », estime de son côté Fanar Haddad. Aucun parti ni aucune coalition n’est cependant actuellement en mesure de former une majorité au Parlement. Si Téhéran est contre l’idée d’organiser un nouveau scrutin, il fera pression sur ses alliés pour capoter l’initiative présidentielle. Autrement dit, les lignes ne sont encore pas totalement définies, et tout reste à faire.
Je dirais aussi sans aucune hésitation : L’Iran bien décidé à sauver sa place au Liban . C'est du pareil au même , et la contre-réaction des américano-sionistes est arrivée juste en même temps dans les deux pays après la débacle des américains au Moyen-Orient
23 h 58, le 02 novembre 2019