Le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, s’exprimant hier à Téhéran. website/Handout via Reuters
L’Iran a de quoi s’inquiéter. Jamais, au cours de ces dernières années, son influence dans le monde arabe n’avait été aussi menacée. Non par les sanctions américaines, non par les risques d’une guerre régionale, mais par le soulèvement des populations au Liban et en Irak. Certes, les manifestants dans les deux pays se révoltent avant tout contre la corruption de la classe politique et pour demander de meilleures conditions de vie. Certes, la dénonciation de l’influence iranienne n’est pas l’un des moteurs de la contestation à Beyrouth, alors qu’elle est directement pointée du doigt à Bagdad. Certes, la République islamique peut considérer qu’elle n’a pas grand-chose à craindre d’une bande de pacifistes, quelle que soit leur nombre, criant des slogans dans la rue.
Mais si le guide suprême iranien Ali Khamenei s’est senti obligé de dénoncer la main des Occidentaux derrière les troubles qui agitent « les pays voisins », si le général Qassem Soleimani s’est rendu en Irak au lendemain du début des manifestations en se vantant de savoir comment gérer ce type d’événements, si les milices chiites pro-iraniennes ont tiré sur la foule à Bagdad et si le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a multiplié les discours visant à diviser la rue, c’est bien pour une seule et même raison : Téhéran craint de perdre beaucoup de la remise en question du statu quo dans ces deux pays.
Au Liban, la révolte a mis en exergue le véritable talon d’Achille du Hezbollah, mis en difficulté par les revendications socioéconomiques de sa base bien plus que par les critiques qui lui sont adressées en raison de ses choix géostratégiques. En Irak, la manifestation a fini de révéler l’ampleur de la domination iranienne qui, guidée par un sentiment d’hubris, a considéré que les milices pouvaient se substituer à l’État et que le nationalisme irakien allait se diluer dans le wilayet el-faqih.
À Beyrouth comme à Bagdad, la rue chiite est descendue dans la rue pour manifester son mécontentement. Cela entre en contradiction avec la vision du monde arabe propagée par l’Iran qui se veut le protecteur du « monde chiite », face à une majorité sunnite agressive. Pire encore, cela rappelle les revendications exprimées par les classes populaires en Iran au début de l’année 2018 et crée une solidarité symbolique, dangereuse pour le régime iranien, entre Beyrouth, Bagdad et Téhéran.
Dans les deux pays arabes, les obligés de l’Iran apparaissent désormais comme les principaux défenseurs du « système », dont ils se servent pour donner une façade de légalité à leurs actions et pour en tirer, comme les autres acteurs, des bénéfices économiques. L’État dans l’État ne leur suffit plus, ils veulent dans le même temps être en capacité de contrôler, à défaut de pouvoir complètement dicter, tout ce qui se passe dans le champ institutionnel.
De Beyrouth à Bagdad, en passant bien sûr par Damas, la République islamique d’Iran est aujourd’hui la principale force contre-révolutionnaire. Elle n’est certes pas la seule puissance étrangère à souhaiter orienter le cours des événements en sa faveur – il suffit de se rappeler qu’il y a seulement deux ans de cela, le Premier ministre Saad Hariri était retenu en otage par son principal allié, l’Arabie saoudite – mais elle est la seule à avoir un tel pouvoir de nuisance pour le faire.
En Irak comme au Liban, la révolution ressemble par nature à une tâche herculéenne. La résistance de l’ensemble de la classe politique, la sensibilité des « assabiyas », le jeu des puissances régionales apparaissent comme des obstacles difficilement surmontables. Mais c’est bien la présence des obligés de l’Iran qui rend aujourd’hui la révolution impossible. Non pas que les autres partis soient « du côté du bien » ou qu’ils ne soient pas prêt à tout pour garder leur emprise. Mais aucun ne peut se permettre de dire non de façon aussi frontale à toute perspective d’évolution qui remettrait en question son influence. Aucun ne peut se permettre de répondre au défi de la rue par l’équation suivante : si vous voulez la révolution, vous aurez la guerre.
L’Iran a de quoi s’inquiéter. Jamais, au cours de ces dernières années, son influence dans le monde arabe n’avait été aussi menacée. Non par les sanctions américaines, non par les risques d’une guerre régionale, mais par le soulèvement des populations au Liban et en Irak. Certes, les manifestants dans les deux pays se révoltent avant tout contre la corruption de la classe...
commentaires (7)
De l axe de la resistance....a l axe de la revolte....la fin d un monde ! Les peuples arabes ont enfin ouvert leurs yeux et ont vu qui est reellement le GRAND SATAN.
HABIBI FRANCAIS
08 h 58, le 17 novembre 2019