Rechercher
Rechercher

Liban - Crise

Pris en tenailles, Hariri tentera aujourd’hui de sauver son cabinet

Les choix du Premier ministre sont limités : soit il parvient à convaincre la foule avec une batterie de réformes, soit il rend son tablier.

Les manifestants au centre-ville de Beyrouth le 20 octobre 2019. REUTERS/Mohamed Azakir

Devant le raz-de-marée populaire réclamant, depuis jeudi, la démission du gouvernement, le Premier ministre Saad Hariri se trouve pris en tenailles. Attendue aujourd’hui en début de soirée après l’expiration du délai de 72 heures qu’il s’est octroyé, sa réponse au vaste mouvement de révolte qui s’est étendu aux quatre coins du pays sera probablement l’une des décisions les plus ardues qu’il aura jamais été acculé à prendre durant sa carrière politique. Les choix qui s’offrent à lui ne sont pas nombreux : soit il rend son tablier – une option qui vraisemblablement ne lui a pas été conseillée par la France et les États-Unis –, soit il opte pour des mesures de réforme qui seront, cette fois-ci, radicales pour pouvoir calmer la colère populaire.

Le ras-le bol général a en effet largement dépassé le stade des revendications socio-économiques. Désormais, c’est une refonte totale d’un système politique que réclament les protestataires. Faire table rase et en finir avec un système confessionnel clientéliste constituent des revendications majeures de la rue, même si elle n’est pas unanime. D’où la mission difficile qui attend le Premier ministre, qui va présenter une feuille de route comprenant une série de réformes radicales.

Les premières informations sur l’éventualité de la démission de M. Hariri se sont vite dissipées, notamment après le discours considéré commme « condescendant » du secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah, qui a donné le « la » en affirmant qu’il n’était pas en faveur de la chute du gouvernement.



(Lire aussi : La soixante-treizième heure, l'édito d'Elie FAYAD)



L’annonce de la démission samedi des ministres des Forces libanaises a laissé croire un moment à l’éventualité d’une réaction similaire du Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt et donc d’un plus grand « risque » de voir le gouvernement démissionner.

Resté fidèle à son engagement aux côtés de M. Hariri dont il s’est dit « solidaire », le leader druze a fini par définir les conditions du soutien que sa formation est prête à accorder au chef du gouvernement. Le ministre de l’Industrie Waël Bou Faour a annoncé hier que lui et ses camarades du PSP resteront au sein du gouvernement de Saad Hariri « provisoirement et sous conditions », après avoir pris connaissance de la feuille de route des réformes du Premier ministre. Il a justifié cette position par la crainte d’un effondrement économique et présenté une série de réformes à ajouter aux mesures présentées par M. Hariri.

Le PSP a haussé la barre en suggérant de s’attaquer non seulement aux dossiers susceptibles de renflouer les caisses de l’État en épargnant les plus pauvres, mais en touchant à des dossiers ultrasensibles largement pointés du doigt par les manifestants, comme la question des allocations des députés et ministres, les biens-fonds maritimes, le renflouement des institutions de contrôle, etc.

Selon l’agence Reuters, les mesures préconisées par le Premier ministre comprennent notamment une réduction de 50 % des salaires des responsables officiels, actuels et anciens, la privatisation du secteur des télécoms et une refonte du secteur de l’électricité. Ces mesures seront aujourd’hui examinées au cours du Conseil des ministres, prévu à 11h30. Selon des sources gouvernementales, le chef du gouvernement semble avoir repris les commandes en faisant avaliser par les parties politiques des réformes jadis inconcevables. En tablant sur la crainte de tous les protagonistes (avec à leur tête le Hezbollah et le CPL) de voir le navire couler avec tous ses passagers sous la pression de la rue, M. Hariri semble avoir imposé ses desiderata.



(Lire aussi : Le gouvernement se réunit aujourd’hui, mais la crise de confiance est trop profonde, le décryptage de Scarlett HADDAD)



Scénario
Il reste à voir si les arrangements ponctuels que compte révéler le Premier ministre seront à même de calmer la rue qui réclame à cor et à cri la chute du gouvernement et l’émergence de nouvelles forces politiques. Les solutions qui seront présentées par l’actuel gouvernement risquent de s’avérer insuffisantes par rapport au plafond assez élevé fixé par les manifestants, qui martèlent depuis quatre jours leur perte totale de confiance dans la classe dirigeante et l’ensemble du système politique.

D’où le risque de voir le chef du gouvernement acculé, sinon dans l’immédiat, du moins à moyen terme, à rendre son tablier et charger l’armée, seule institution qui « continue de bénéficier d’une certaine crédibilité et de la confiance des gens », selon un analyste, d’assurer la sécurité sur le territoire, en attendant de mettre en place une nouvelle équipe dirigeante. Ce serait, selon des analystes, l’un des scénarios plausibles si les mesures annoncées par le Premier ministre devaient être rejetées par les protestataires.

À défaut de pouvoir constituer un nouveau gouvernement exclusivement composé de spécialistes, comme préconisé il y a quelques jours par les FL et le PSP, M. Hariri, s’il est à nouveau désigné, pourrait aussi considérer la mise sur pied d’une équipe mixte, composée de spécialistes – des professionnels intègres et compétents – et de figures politiques, croit savoir un analyste. Ces derniers seraient d’autant plus « incontournables » que la mise sur pied de tout nouveau gouvernement, quelle que soit sa forme, devra obtenir l’aval des groupes et partis politiques. D’où la difficulté de voir ces derniers accepter de se mettre hors du jeu en se pliant aux desiderata de la rue.

Autre question qui taraude les esprits, celle de savoir si, dans le cas d’un nouveau gouvernement, Saad Hariri ou son successeur seraient prêts à reproduire les mêmes équilibres politiques qui prévalaient jusque-là.

Le CPL, dont le chef Gebran Bassil a été conspué par les citoyens avec la même intensité que le président de l’Assemblée Nabih Berry – aux abonnés absents depuis quelques jours – ferait-il partie du nouveau paysage politique ? En soirée, M. Joumblatt a écarté la possibilité de participer à un gouvernement dans lequel siégerait M. Bassil.

Mais écarter le CPL du nouvel exécutif signifierait la mort clinique du compromis présidentiel, une option que le chef de l’État n’avalisera jamais. Un gouvernement sans les ministres du mouvement Amal signifierait par ailleurs que le Hezbollah aurait accepté de lâcher son principal allié, pour contenter la base chiite et alléger la pression sur lui. Une hypothèse également difficile à concevoir pour l’heure.



Lire aussi

Geagea à « L’OLJ » : Je n’aurais pas souhaité ce sort à Aoun

La faillite du modèle de gouvernement libanais ou le réveil d’une nation, le commentaire d'Anthony SAMRANI

Dans la rue chiite, un tabou a été brisé

Du nord au sud, les Libanais unis conspuent leurs dirigeants

La révolte du vivre-ensemble

Devant le raz-de-marée populaire réclamant, depuis jeudi, la démission du gouvernement, le Premier ministre Saad Hariri se trouve pris en tenailles. Attendue aujourd’hui en début de soirée après l’expiration du délai de 72 heures qu’il s’est octroyé, sa réponse au vaste mouvement de révolte qui s’est étendu aux quatre coins du pays sera probablement l’une des décisions les...

commentaires (9)

Si un gouvernement sans telle ou telle formation n'est pas possible, comment procéder au changement? Et pourquoi çà ne serait pas possible? De quel droit on devient client et élu à vie? Quant à l'exigence de la rue de changer de sang et d'en remettre un nouveau et du propre, il faut en rajouter une non négociable, celle de lever le secret bancaire et de faire payer toutes cette clique qui a sucé ce peuple exsangue durant plus de 30 ans. Restez unis et ne laissez pas la confession, la religion ou l'appartenance à un clan vous détourne de cette cause juste et noble.

Citoyen

12 h 19, le 21 octobre 2019

Tous les commentaires

Commentaires (9)

  • Si un gouvernement sans telle ou telle formation n'est pas possible, comment procéder au changement? Et pourquoi çà ne serait pas possible? De quel droit on devient client et élu à vie? Quant à l'exigence de la rue de changer de sang et d'en remettre un nouveau et du propre, il faut en rajouter une non négociable, celle de lever le secret bancaire et de faire payer toutes cette clique qui a sucé ce peuple exsangue durant plus de 30 ans. Restez unis et ne laissez pas la confession, la religion ou l'appartenance à un clan vous détourne de cette cause juste et noble.

    Citoyen

    12 h 19, le 21 octobre 2019

  • Si un gouvernement sans le CPL est inconcevable. Si exclure BERRY et sa clique est inenvisageable pour les barbus.... Que faire? Il est indéniable qu'il faut changer de sang et en remettre du neuf mais surtout du propre, mais surtout et surtout lever le secret bancaire et faire payer tous ces corrompus qui ont sucé ce peuple devenu exsangue pendant plus de 30 ans. C'est l'une des premières exigences que doivent avoir les libanais sinon ce système phagocytaire perdurera et le verre restera dans le fruit. Oui je suis fier d'être libanais et je me demandais depuis des années, comment en Tunisie, en Egypte et en Algérie, on a fait la révolution pour virer des corrompus (avec plus ou moins de réussite il faut l'admettre) etb pas a

    Citoyen

    12 h 13, le 21 octobre 2019

  • À tous les pessimistes et les sourds qui n’entendent Pas le rugissement du peuple mais croient à un complot Externe je leur dis: C’est la seule et unique chance que les libanais ont pour sortir de cette tornade. N'écoutez Pas les défaitistes et les Corbeaux qui depuis leur canapé osent des commentaires indignes de ce mouvement patriotique. Ne vous divisez pas. Restez unis maintenant et après pour choisir ensemble ce qui est bon pour notre chère Patrie. Je suis super fière d'être Libanaise et fière de tous ces libanais dans la rue.

    Sissi zayyat

    11 h 34, le 21 octobre 2019

  • Il ne s’agit pas de sauver un cabinet, mais un pays à la dérive...

    Gros Gnon

    11 h 27, le 21 octobre 2019

  • Ces manifestations font penser à un gigantesque skybar avec du m'as tu vu à foison. La résistance libanaise a déjà penser à la riposte contre CE COMPLOT.

    FRIK-A-FRAK

    09 h 52, le 21 octobre 2019

  • JE NE LE VOIS PAS. LE PEUPLE EST DECIDE AU GRAND CHANGEMENT. MILLIARDAIRES ET MULTI MILLIONNAIRES DEVRAIENT VERSER A L,ETAT LES PREMIERS AU MOINS UN MILLIARD ET LES SECONDS QUELQUES MILLIONS... ON NE DEVIENT PAS MILLIARDAIRES ET MULTI MILLIONNAIRES COMME CA... QUE HARIRI SE TRANSFORME EN MBS ET S,Y APPLIQUE. AINSI LE PAYS SERA SAUVE ET CES MESSIEURS RESTERONT TOUJOURS DES MILLIARDAIRES ET DES MULTI MILLIONNAIRES. VOILA LE NOUVEAU SLOGAN POUR LES MANIFESTANTS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 48, le 21 octobre 2019

  • ENFIN LES LIBANAIS SONT UNIS!!!

    Hamed Adel

    09 h 35, le 21 octobre 2019

  • Il n'a aucun pouvoir. Toute initiative qu'il prendra sera contrée par le Président HN et le gouverneur Aoun tout en faisant gesticuler Bassil qui rêve de prendre la place de S.Hariri...

    FAKHOURI

    01 h 51, le 21 octobre 2019

  • Si Hariri démissionne , il nous faudra des mois pour former un nouveau gouvernement , et toutes les réformes seront paralysées ... Ces manifestations n'auraient aboutu strictement à rien , sauf au vide total et à l'effondrement de la livre libanaise . Qui cherche donc a nous anéantir de la sorte ?

    Chucri Abboud

    01 h 39, le 21 octobre 2019

Retour en haut