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Liban - Reportage

La mobilisation dépasse les frontières du Liban

Une pancarte où est inscrit « Le pouvoir du peuple reviendra au peuple », lors d’un rassemblement en solidarité avec le peuple libanais, le 19 octobre, à Londres. Photo Marion Lefèvre

Si depuis jeudi, les Libanais sont mobilisés à travers tout le Liban pour protester contre la corruption de la classe politique, la mauvaise gouvernance et la crise socio-économique, ils le sont aussi à travers le monde entier.

À Paris, quelque 2 000 membres de la diaspora se sont retrouvés hier, malgré la pluie battante, sur la place du Trocadero (voir par ailleurs). Cette solidarité des Libanais de la diaspora s’est aussi exprimée à Sydney, en Australie, et ce de manière massive, puisqu’ils étaient cinq mille à se réunir hier dans le centre-ville, drapeaux estampillés du cèdre levés bien haut, et à réclamer « la chute du régime » libanais. Les manifestants ont déclaré être « solidaires de leurs frères et sœurs vivant au Liban, afin qu’ils puissent enfin bénéficier de leurs droits les plus élémentaires ».

Aux États-Unis

Aux États-Unis, ce sont des scènes similaires qui ont dans plusieurs grandes villes du pays. À New York, des membres de la diaspora se sont réunis dès jeudi soir devant le consulat du Liban. Ils s’y sont retrouvés de nouveau le lendemain, et ce dans les deux cas à l’instigation de Nour Mohammad Jamil Hodeib (29 ans), Elsa Saadé (27 ans). Dans les rangs des manifestants, pacifiques, beaucoup de jeunes. « Nous ne sommes pas une organisation. Nous constituons une communauté d’amis. Les manifestations devant le consulat ont été spontanées et improvisées. Nous étions une trentaine jeudi devant le consulat du Liban et 200 le lendemain. La nouvelle du rassemblement s’est rapidement répandue sur les réseaux sociaux, entraînant un élan contagieux de solidarité », indique Nour MJ Hodeib à L’Orient-Le Jour. Établi à New York depuis cinq ans, il fait son PhD en histoire à la New York City University et enseigne l’histoire du Liban à Brooklyn College.

Après le rassemblement du jeudi, le groupe d’expatriés libanais a rédigé une déclaration de protestation officielle avec des recommandations en six points qu’ils ont soumise au consul général du Liban, Majdi Ramadan. Des recommandations qui reprennent les revendications des manifestants au Liban. « Dans cette missive, nous nous présentons comme des Libanais expatriés qui ont souffert du régime au Liban et qui sont victimes des promesses d’un gouvernement incompétent », poursuit le jeune organisateur. Que souhaitent les manifestants mobilisés à New York ? « Rentrer au Liban. C’est en grande partie la raison pour laquelle nous nous mobilisons en ce moment pour soutenir le mouvement du retour au pays, car la révolution représente toutes les ambitions que nous avons », insiste-t-il.

À San Francisco, avec le pont suspendu du Golden Gate en toile de fond, les Libanais ont appelé à « la révolution », à grand renfort de dabké et de percussions, selon des vidéos postées sur les réseaux sociaux. À Houston, les manifestants appelaient Beyrouth à « se soulever et faire tomber le gouvernement ».

En Europe

Outre Paris, des rassemblements ont eu lieu un peu partout en Europe. « Ce qui se passe à Beyrouth fait chaud au cœur, mais c’est aussi déchirant », déclarait samedi, devant l’ambassade du Liban, à Londres, Bilal Malaeb, chercheur postdoctorant à la London School of Economics. Samedi, plus d’un millier de Libanais se sont mobilisés devant l’ambassade après un appel lancé sur les réseaux sociaux.

Toutes les générations, toutes les religions étaient là : nombre de pancartes soulignaient d’ailleurs cette mixité et cette unité si rares pour un Liban souvent divisé par le confessionnalisme. « Nous réalisons que nous sommes privilégiés, mais nous partageons les inquiétudes de nos compatriotes au Liban. D’une certaine manière, il n’y a pas de place pour nous non plus au Liban », soulignait Bilal Malaeb. « Cela fait longtemps que le peuple devait se réveiller », expliquait, de son côté, Randa Smadi, qui passe sa retraite entre Londres et Beyrouth. Des larmes dans la voix, habillée d’une élégante veste bleue et maquillée pour l’occasion, elle avouait être très émue en entendant l’hymne libanais retentir à nouveau.

Interrogée sur les 72 heures demandées par le Premier ministre Saad Hariri pour sortir de l’impasse, Randa Smadi s’écriait que « c’est trop long ». « J’ai peur du vide. Si un vide (politique) se crée, d’autres personnes risquent de l’occuper », notamment le Hezbollah, disait-elle aussi. Pour elle, l’ennemi, c’est le confessionnalisme.

La plupart des membres de la diaspora libanaise rassemblés à Londres n’avaient eux aussi, samedi, qu’une idée fixe : rentrer au Liban, développer le potentiel d’un pays qu’ils portent tous dans leurs cœurs, malgré tout.

Malgré la pluie, plus d’une centaine de personnes se sont rassemblées à Bruxelles hier, devant l’ambassade libanaise. « Au fait, ce n’est pas à cause de WhatsApp », pouvait-on lire sur une pancarte brandie par une manifestante, en référence à la taxe que voulait imposer jeudi le ministère des Télécommunications sur les appels faits par VoIP, annulée depuis. Une taxe qui a mis le feu aux poudres. « Nous sommes en Belgique, mais notre cœur est au Liban », a écrit un autre.

À Milan aussi, des dizaines de Libanais se sont rassemblés devant le consulat de leur pays. Et à Barcelone, en Espagne, ville actuellement marquée par un important mouvement de contestation envers le gouvernement espagnol et en solidarité avec les responsables catalans, quelques Libanais se sont aussi réunis hier. Sur une pancarte, les manifestants avaient écrit être « unis contre les responsables corrompus. De Barcelone, nous sommes avec vous ». Des rassemblements ont également eu lieu, entre autres, à Lyon, en France, et à Amsterdam, aux Pays-Bas.

Au Canada

À Montréal, qui abrite une vaste communauté d’origine libanaise, des centaines de Libanais se sont rassemblés dès vendredi en solidarité avec leurs compatriotes au Liban. « Révolution » ou « Il n’est pas question de WhatsApp », pouvait-on lire sur des pancartes brandies par les manifestants qui ont entonné l’hymne national libanais et crié : « Le peuple veut la chute du régime. »

« Je vis au Canada depuis 30 ans, mais mon cœur est au Liban. En étant là aujourd’hui, je me sens plus proche des Libanais (qui sont restés au Liban) », déclarait Aref Salem, conseiller pour la ville de Montréal. « Je suis née au Canada, nos parents ont immigré pour nous. Comment ne pas manifester aujourd’hui ? Pour eux, pour nous, pour revenir un jour au Liban », affirmait Jenny, étudiante à Ottawa. « On ne peut pas se sentir libanais sans être solidaire des Libanais qui vivent au Liban et qui sont dans la rue aujourd’hui », renchérissait une autre étudiante, Sarah Belle.

Lamia Charlebois, fondatrice du groupe Libanais de Montréal-Sirop d’arabe, affirmait, pour sa part, avoir « beaucoup hésité à venir manifester aujourd’hui ». « On appelle à la chute du gouvernement. D’accord, mais après ? demandait-elle. Je suis inquiète pour l’avenir… mais solidaire. » Une nouvelle manifestation était prévue hier à Montréal.

Si depuis jeudi, les Libanais sont mobilisés à travers tout le Liban pour protester contre la corruption de la classe politique, la mauvaise gouvernance et la crise socio-économique, ils le sont aussi à travers le monde entier.À Paris, quelque 2 000 membres de la diaspora se sont retrouvés hier, malgré la pluie battante, sur la place du Trocadero (voir par ailleurs). Cette solidarité...

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