Il est un peu plus de huit heures du matin quand les premiers clients d’un grand supermarché de Beyrouth surgissent pour faire leurs courses. Un homme pressé hésite avant de franchir le pas de la porte. Il semble calculer s’il dispose du temps nécessaire pour acheter un article avant d’aller à son travail. Plus loin, deux jeunes à la démarche hésitante, qui ont manifestement passé une courte nuit, cherchent à travers les rayons ce dont ils ont besoin. Ces clients ne le savent sans doute pas encore, mais ils sont sur le point d’être les premiers témoins d’une petite révolution.
Mardi, le Liban a pris, enfin, un engagement fort dans la lutte contre la pollution plastique. En accord avec 17 enseignes de grande distribution et sur l’initiative du ministre de l’Environnement Fady Jreissati, en collaboration avec son homologue de l’Économie Mansour Bteich, les sacs plastiques à usage unique sont désormais facturés 100 livres libanaises. Cette mesure vise à réduire la consommation de sacs plastiques, évaluée à 1 400 sacs par an et par foyer (selon des chiffres du ministère de l’Environnement), en favorisant l’usage de sac réutilisable.
Apparus dans les années 1970, les sacs plastiques se sont rapidement imposés par leur côté pratique et leur faible coût. À tel point qu’ils ont remplacé le traditionnel sac en tissu ou en papier et ont fini par inonder le monde, les profondeurs les plus sombres des océans et les sommets des montagnes les plus élevées. Ils sont à l’origine de problèmes environnementaux majeurs et leur réduction est un impératif écologique. Il s’agit aussi d’une mesure fondamentalement économique : le Liban produisant 280 000 tonnes de déchets par an et le prix du traitement de la tonne de déchet se situant autour de 125 dollars, bannir les sacs en plastique réduirait drastiquement ces coûts.
(Pour mémoire : Au Liban, les sacs en plastique vont devenir payants)
Un coût « probablement pas dissuasif »
Première surprise en passant l’entrée principale du supermarché, le tout premier rayon est désormais consacré aux sacs réutilisables, vendus à 1 999 livres libanaises (un peu plus d’un dollar américain). La petite vingtaine de clients présents l’a bien remarqué et on aperçoit plusieurs de ces cabas en polyester dans les caddies déjà bien garnis. Le passage en caisse est un peu plus long que d’habitude, et pour cause : la caissière doit expliquer à chaque client l’origine des quelques centaines de livres libanaises ajoutées au prix total. À la sortie du magasin, les réactions sont mitigées. Maria, une jeune femme d’origine espagnole munie de son nouveau sac réutilisable, semble ravie. « Je suis contente que cette pratique arrive au Liban, en Espagne cela fait quelques années que j’ai arrêté d’utiliser les sacs en plastique », dit-elle. Quelques minutes plus tard, une vieille dame tente de manœuvrer son caddie rempli sur le trottoir escarpé. « J’ai acheté beaucoup de légumes et les sacs plastiques sont plus pratiques pour les transporter », remarque-t-elle. Un jeune homme arrive, souriant, et l’aide à descendre les deux marches la séparant du taxi qui l’attend, garé sur le bas-côté. Il est lui aussi muni d’un sac réutilisable. « J’ai été surpris en arrivant au magasin et j’ai acheté ce sac », affirme-t-il. « C’est une bonne chose, mais il faudrait peut-être que les sacs plastiques soient vendus à plus cher encore », ajoute-t-il, estimant que ce surcoût de 100 livres n’est probablement pas dissuasif.
Quelques centaines de mètres plus loin, une autre enseigne de grande distribution affiche des promotions sur les produits frais. Ici, les résultats sont différents. Au passage en caisse, le caissier semble perturbé quand vient la question du prix des sacs en plastique. « Ils sont gratuits bien sûr ! » s’écrie-t-il. Visiblement, la réforme n’est pas arrivée jusqu’ici. Interrogé à la sortie sur le fait que les sacs en plastique sont désormais payants, un homme exprime une certaine réticence. « La vie est déjà trop chère pour que l’on nous fasse payer, en plus, les sacs plastiques », affirme-t-il.
Cette mesure n’a pas été imposée par voie légale aux supermarchés, dont les plus grandes enseignes se sont jointes volontairement à la campagne lancée par le ministère de l’Environnement.
Cette réforme s’inscrit en outre dans la durée. Les premiers résultats ne seront probablement pas visibles avant plusieurs années. Toutefois, elle est le symbole d’une politique ambitieuse qui vise à changer durablement les mentalités et les habitudes de consommation. Une communication active et une sensibilisation à la question environnementale sont, à cet effet, incontournables. Si elle ne concerne pour l’instant que dix-sept grandes enseignes, le passage au payant pour les sacs plastiques doit, à terme, concerner toutes les enseignes pour être réellement efficace. C’est à ce moment-là qu’un impact vraiment fort pourrait être enregistré.
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UNE BONNE NOUVELLE CAR ELLE REDUIRAIT LE NOMBRE DES SACS EN PLASTIQUE LES ACHETEURS SE NANTISSANT DORENAVANT DE SACS EN TISSUS REUTILISABLES PRESQUE INDEFINIMENT. MAIS IL SERAIT MIEUX SI LES VENDEURS REMPLACENT LES SACS EN PLASTIQUE PAR DES SACS DE PAPIER.
12 h 49, le 17 octobre 2019