« Golf Club du Liban : préservez ce rare espace vert à Beyrouth ! » Tel est l’appel lancé hier par le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt, suite aux informations diffusées dans les médias selon lesquelles pourrait être fermé le club de golf de la capitale, vaste espace vert situé à Ouzaï en plein cœur de la banlieue sud. Rare havre de paix au milieu d'une ville surbétonnée. De fait, une décision a été prise par la municipalité de Ghobeyri de fermer ce club fondé en 1963 sur des parcelles appartenant à l’État, en raison du refus du Golf Club de payer ses taxes municipales, précise l’avocat de la municipalité, Abbas el-Ghoul, interrogé par L’Orient-Le Jour. « En 2016, nous avions déposé une plainte auprès du parquet financier pour non-règlement des frais de municipalité. Nous nous en étions toutefois ensuite désistés après avoir conclu avec le club – dont l’avocat était alors l’ancien ministre Ziyad Baroud – un arrangement en vertu duquel il devait s’acquitter de 300 millions de livres pour cette année-là. L’arrangement avait été parrainé par Mohammad Fneich, à l’époque ministre de la Jeunesse et des Sports, autorité de tutelle. Mais dès 2017, nos interlocuteurs ont commencé à atermoyer, tant et si bien qu’au début de l’année en cours, ils nous ont clairement indiqué qu’ils ne paieraient pas les sommes dues », à savoir 900 millions de livres pour l’ensemble des années 2017, 2018, et 2019. « Toutefois, tempère Me el-Ghoul, les mesures de fermeture sont momentanément reportées en raison des directives que nous a adressées le mohafez du Mont-Liban, Omar Mekkaoui, après que nous lui eûmes transmis un rapport sur le sujet. »
300 millions ou 14 millions ?
Joint également par L’OLJ, l’actuel avocat de Golf Club, Imad Hamdane, affirme que son mandant « détient bien un récépissé de 300 millions de livres délivré par la municipalité de Ghobeyri, mais il n’y a aucune trace écrite de l’arrangement conclu pour l’année 2016, et encore moins pour les années suivantes ». « D’ailleurs un tel arrangement est illégal parce que c’est la loi qui définit les taxes à payer et non une institution officielle en accord avec l’administré », martèle-t-il.
Me Hamdane indique en outre qu’« après avoir réglé le montant dû, le Golf Club a été surpris par une sommation de paiement de 14 millions de livres délivrée cette fois par la municipalité de Bourj Brajneh, dont le club s’est avéré en dépendre ». « En 2018, après investigations, nous avons découvert que les deux municipalités ont conclu par la suite un accord soumis au mohafez du Mont-Liban, en vertu duquel nous sommes affiliés à la municipalité de Ghobeyri », poursuit-il, notant au passage : « Il y a une nette différence entre un montant de 14 millions de livres et un autre de 300 millions. »
L’avocat raconte qu’au début de 2019, le club a reçu de la municipalité de Ghobeyri une sommation de payer 900 millions de livres, « soit les montants prétendument dus durant ces trois dernières années ». Devant le refus de payer, la municipalité a procédé à une saisie des biens meubles du club, ce qui a poussé ce dernier, le 10 juin, à former un recours auprès de la municipalité, en se fondant sur le point que « les taxes municipales équivalent à 8 pour cent de la valeur locative ». « Comme nous payons 75 millions de livres en vertu de notre contrat d’investissement agricole avec l’État, les impôts à payer ne doivent donc pas dépasser 6 millions », déduit-il.
Au-delà des activités sportives qu’il propose, le club de golf a l’avantage, grâce aux plantations qui y sont faites, de neutraliser les dangers liés à la nature sablonneuse des terrains, qui risquent de se répercuter sur la sécurité de l’aéroport tout proche et des avions. "La municipalité était censée répondre à notre opposition dans le délai d’un mois, c’est-à-dire le 11 juillet, avec pour elle deux options : soit admettre que le club lui doit seulement 6 millions de livres par an, soit se désister du dossier et le transférer au comité chargé des recours en opposition, au siège du mohafazat du Mont-Liban", indique maître Hamdane. Interprétant le manque de réaction de la municipalité comme « une connaissance de son tort », l’avocat affirme avoir présenté une plainte devant le ministère de l’Intérieur pour lui demander de presser la municipalité de communiquer sa réponse ou de transférer le dossier au comité chargé d’examiner les oppositions. Pour lui, les démarches de la municipalité de Ghobeyri s’inscrivent dans le cadre de pressions exercées en vue de « ne pas faire renouveler le contrat de travaux publics, qui vient à échéance tous les 7 ans ». Il en veut pour preuve que la sommation de paiement avait été reçue peu de temps avant le renouvellement du contrat en 2017. Des sources qui s’intéressent au dossier se demandent à cet égard s’il ne s’agirait pas de manœuvres liées à la construction de l’ambassade d’Iran sur un terrain jouxtant le Golf Club.
« Club message »
Contacté par L’OLJ, Karim Salam, président de Golf Club et fils de son fondateur Salim Salam, regrette pour sa part que « nombre de gens pensent que le club réalise des bénéfices commerciaux ». « Or nous sommes une association sportive à but non lucratif, et les bénéfices réalisés sont exclusivement réinvestis dans le club », assure-t-il.
M. Salam évoque par ailleurs l’apport écologique précieux de l’espace exploité. « De nombreux arbres et plantes y sont plantés et des oiseaux de toutes sortes les habitent », relève-t-il, estimant que le « Golf Club est une utilité nationale, un gage national ». Et d’ajouter : « En collaboration avec le ministère de l’Éducation et des associations caritatives, le club initie au golfe de nombreux élèves d’écoles privées et officielles, ainsi que de nombreux enfants à besoins spéciaux ». Ce qui, selon lui, fait mériter au Golf Club l’appellation de « club message ».
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C'est la seule oasis verte de la région, le bétonnage ne peut plus attendre, il s'agit de l'avenir de la cimenterie de Aïn-Dara, entre autres. Qu'est devenu le slogan "Lebnan el-Akhdar" (Le Liban vert). Où est aussi l'autre slogan du président Sleiman Frangieh : "Némou w khallou bouabkom maftouha" (Dormez en laissant vos portes ouvertes).
Un Libanais
15 h 46, le 12 octobre 2019