Ce n’est plus un Parlement. C’est une cour de récréation. Les mots les plus blessants sont échangés entre des députés qui sont censés représenter le pays réel. Bien fait pour nous !
Mais toutes les bornes ont été franchies par Ziad Assouad qui, harcelé dans un talk-show, s’est permis de « trois fois maudire » Rafic Hariri, dont l’assassinat a servi d’électrochoc pour réveiller toute une communauté à son appartenance, son identité.
On ne maudit pas un mort. C’est une règle morale élémentaire. La malédiction gratuite retombe sur celui qui la profère. Il y a des lois invisibles qui valent autant, sinon plus, que les autres.
Quand l’ancien député Nawaf Moussaoui a traité Bachir Gemayel d’agent, son parti, le Hezbollah, l’a interdit de parole un mois durant, et a présenté ses excuses aux partisans du président assassiné. Un président dont l’élection s’est effectivement tenue dans des conditions particulières, alors que l’armée israélienne occupait toujours une partie de pays.
Ni Ziad Assouad ni sa formation, le Courant patriotique libre, n’ont présenté des excuses pour une offense inqualifiable à la mémoire d’un homme assassiné et, finalement, à une bonne partie du peuple libanais que Ziad Assouad, en tant que député de la nation, représente aussi.
Le spectacle qui nous est offert est celui de pratiques politiques d’une vulgarité et d’une dégradation insupportables ; népotisme, favoritisme et clientélisme s’affichant sans vergogne et offensant l’élémentaire sens de la justice du premier venu.
On rapporte que le patriarche maronite, confesseur et médiateur officieux de la République, est le premier témoin de cette descente en enfer d’un pays qui a perdu ses repères. Une déchéance plus grave que la crise économique – dont elle pourrait être l’origine –, car elle est morale et même spirituelle. Le pays semble éclaté parce que ses communautés, maronite en tête, sont en train de tourner le dos à ce qui est constitutif du Grand Liban dont on se prépare à fêter le centenaire : les libertés et le pluralisme. « Cet été, on a même vu l’Église maronite prête à jeter la liberté par peur d’une chanson », s’indignent certains. Ainsi, la perte des repères a commencé par l’institution chargée de défendre ces repères. Une fois de plus se vérifie le principe que le monde est malade de la maladie de l’Église. Ce faisant, l’Église maronite, et avec elle une partie des chrétiens du Liban, et avec eux d’autres courants communautaires, se retrouvent en dehors de leur identité profonde, celle qu’ils ont choisie en choisissant le Liban.
Quand Georges Clemenceau a mis en garde le patriarche Hoayek sur le fait que le Liban qu’il demandait n’était pas dans l’intérêt des chrétiens, ce dernier lui a répondu en substance que l’intérêt des chrétiens est de vivre avec et pour les autres. En d’autres termes, que leur mission est d’être levain dans la pâte, ferment de liberté, d’ouverture. Ne disons pas de tolérance, car dans ce terme trop large, il y a un risque de relativisme malvenu.
Bref, les maronites qui ont « fait » le Liban pour les libertés et le pluralisme se conduisent aujourd’hui, pour un certain nombre d’entre eux du moins, en ennemis des libertés et du pluralisme. Au nom de leurs « droits », ils bafouent ceux des autres, redoutant servilement le statut de minoritaires qui pourrait leur échoir, si l’évolution démographique et l’expatriation économique continuent d’être ce qu’ils sont.
Quelque part, nous payons le prix de nos erreurs, celui de la guerre insensée déclenchée en 1975, puis détournée de ses buts, et du tri démographique et confessionnel qu’elle a provoqué, de sorte que les ensembles chrétiens, qui étaient le ciment de la nation libanaise, se sont effrités et repliés sur des régions où ils sont « entre eux », réflexe de peur qui se poursuit – alimenté par un tissu de mensonges–, et qui menace la raison d’être même du Liban.
L’identitarisme et le populisme qui se propagent sont une interprétation du christianisme totalement opposée à ce qui fait l’essence même du christianisme. Nous sommes en ce moment « en dehors de nous-mêmes », proches d’être, n’étaient des ferments de renouveau, un Ku Klux Clan suprématiste chrétien, phase sénile de la mort d’une certaine chrétienté.
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Conclusion de M. Noun : ""Nous sommes en ce moment « en dehors de nous-mêmes », proches d’être, n’étaient des ferments de renouveau, un Ku Klux Clan suprématiste chrétien, phase sénile de la mort d’une certaine chrétienté."" Il ne faut aucun effort pour suivre un laïc, fin connaisseur de sa société, sans jamais faire de la caricature, absolument. A retenir donc, les chrétiens sont proches d’être un Ku Klux Clan suprématiste. Où ça, au Liban ? Non ! … C. F.
L'ARCHIPEL LIBANAIS
18 h 01, le 08 octobre 2019