Elle s’appelle Yana Shamseddine. Elle a 15 ans et quatre mois. Il y a quelques jours, le juge communautaire druze l’a mariée à Baakline, dans le Chouf, à son petit ami, un jeune homme de 18 ans, de la famille Yahia. Ce dernier l’avait enlevée quelques jours auparavant, pour la seconde fois. Les parents de l’adolescente avaient aussitôt signalé sa disparition à la gendarmerie et émis le souhait que leur fille rentre à la maison. Mais face à la pression sociale, craignant de la voir stigmatisée pour avoir passé la nuit chez son amoureux, ils ont baissé les bras et accepté l’union. L’enlèvement (khatifé) étant une pratique interdite dans la communauté druze car considérée antireligieuse, le père n’a pas assisté au mariage de sa fille, pour exprimer sa désapprobation. Il a délégué son frère, l’oncle paternel de Yana, qui a donné son autorisation, la signature de la mineure n’étant pas reconnue.
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Des normes sociétales discriminatoires envers les femmes
Au Liban, en l’absence d’un code civil sur le statut personnel, toutes les questions liées à la famille sont régies par les lois communautaires. Le mariage de Yana est donc légal aux yeux de la communauté druze, qui fixe l’âge légal du mariage pour les filles à 15 ans révolus et pour les garçons à 16 ans révolus (compte tenu des exceptions). Sans compter que l’adolescente prend sa décision de son plein gré. Il n’en demeure pas moins qu’aux yeux de l’Unicef (Fonds des Nations unies pour l’enfance), Yana reste une enfant tant qu’elle n’a pas atteint 18 ans, l’âge légal de la majorité.
Outrées par cette union qui « risque de mettre en danger la jeune mariée », les associations féministes montent au créneau sur les réseaux sociaux et dénoncent à cor et à cri « la violation flagrante des droits de Yana ». « À cet âge, estiment-elles, il est difficile de prendre une décision aussi grave. » Menées par l’Union des femmes progressistes (joumblattiste), mobilisée sous le slogan « Ce n’est pas un jeu d’enfant », les militantes montrent du doigt les lois communautaires d’un autre âge et les normes sociétales discriminatoires envers les femmes. Elles invitent « l’État à accomplir son devoir et protéger les victimes de mariages précoces ». Dans cette campagne, elles peuvent compter sur le soutien notamment du Rassemblement démocratique des femmes libanaises (RDFL), qui est à l’origine d’une proposition de loi contre le mariage avant l’âge de 18 ans, qui attend toujours d’être étudiée par le Parlement.
« Nous avons réussi à parler avec le père et la sœur de la jeune mariée », déclare à L’Orient-Le Jour la présidente de l’Union des femmes progressistes, Manal Saïd, qui condamne la persistance des mariages de mineures au Liban. « Ils se sont dit surpris de la décision de Yana, le père ayant souvent découragé ses filles de se marier trop jeunes », explique-t-elle. La militante souligne toutefois « le milieu conservateur et traditionnel » dans lequel évolue la famille et évoque « la pression sociale qui a poussé le père de Yana à accepter l’union de sa fille, pour lui épargner la honte d’avoir été enlevée et ramenée à ses proches ». Mme Saïd précise que c’est la seconde fois que le jeune homme enlève Yana. « La première fois, il avait moins de 18 ans et n’a pas eu l’autorisation de l’épouser », dit-elle.
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Quelques amendements déjà… mais il reste tellement à faire
Dénonçant un « scandale », l’association invite l’État « à adopter une loi civile pour le statut personnel qui s’applique à tous les Libanais et fixe l’âge minimal du mariage à 18 ans, afin d’instaurer l’égalité sociale ». Dans l’attente, elle exhorte les communautés religieuses « à amender leurs lois, hausser l’âge du mariage à 18 ans et interdire les exceptions qui deviennent des règles ». « Nous espérons pouvoir rencontrer la jeune mariée, avec une assistante sociale, afin de la sensibiliser aux dangers d’une grossesse précoce, dit enfin Manal Saïd. Nous avons de plus demandé à être reçues par le cheikh Akl druze, Naïm Hassan, pour lui présenter nos revendications. Nous espérons qu’il voudra bien nous écouter. »
Contacté par L’OLJ, le juge druze, cheikh Ghandi Makarem, préfère ne pas se prononcer sur une affaire dont il n’a pas toutes les données, mais rappelle « le caractère légal du mariage » contracté par le couple, aux yeux de la communauté druze. Il reconnaît cependant que les lois de la communauté sur l’âge légal du mariage nécessitent d’être amendées. « Nous avons déjà amendé certaines lois discriminatoires envers les femmes, concernant la garde des enfants, la maternité et l’héritage », assure-t-il. À titre d’exemple, en cas de divorce, le droit de garde accordé à la mère a été élevé à 14 ans pour la fille et à 12 ans pour le fils, au lieu de 9 ans précédemment. De plus, une femme qui n’a pas de frère peut désormais hériter de son père. Le cheikh Makarem reconnaît toutefois que beaucoup de choses restent à faire. « Dans les affaires d’héritage, chaque femme reçoit la moitié de l’héritage de son frère, constate-t-il. Quant à l’âge du mariage, il ne fait toujours pas l’objet d’un débat au sein de la communauté. »
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commentaires (8)
Une chose est a signale quand meme Les parents /freres/etc.. n'ont pas tue la jeune fille pour avoir deshonore la famille comme ce fut la cas pour encore moins ( juste une photo normal ) en Palestine ou le frere a frappe et a tue sa soeur de plus de 20 ans merci les parents mais il aurait certes valu mieux attendre encore 3 ans A QUAND LA REFORME DE CES LOIS RELIGIEUSES QUI NOUS VIENNENT DE PLUS DE 1500 ANS SANS CHANGEMENT ET QUI SONT LES PLUS INFAMES , TOUTES RELIGIONS CONFONDUES et qui n'ont rien a faire avec les commandements de Dieu mais uniquement avec le patriarcha qui existait en ce temps la Ah qu'elle est belle la vie dans les pays laiques dans ce domaine
LA VERITE
01 h 34, le 15 septembre 2019