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Liban - Médias

« 180° », le journalisme... autrement

Le site de « 180° », nouveau média libanais.

Dans le triste paysage médiatique libanais, où les mauvaises nouvelles sur des fermetures et des licenciements se succèdent, il y a tout de même quelques lueurs d’espoir. Après le quotidien Nida’ al-watan, qui a commencé à paraître en juin dernier, c’est maintenant le tour d’un média double d’être lancé, une revue mensuelle accompagnée d’un site internet qui a pour nom 180°.

Dès leur apparition sur la scène médiatique, le site et la revue dans son numéro 1 ont rapidement créé l’événement et trouvé leur place auprès des lecteurs. Il est vrai que la plupart des noms de l’équipe qui se tiennent derrière ces nouveaux médias sont connus, la majorité d’entre eux étant en effet des anciens du quotidien as-Safir, dont la fermeture a laissé un grand vide dans le monde médiatique.

Ce nouveau double média est la propriété de Merhaj, une SAL, dont les actions sont réparties entre les fondateurs, un noyau dur constitué de Hussein Ayoub (directeur responsable), Amine Ammouriyé (ancien d’an-Nahar), Samy Kleib, Wissam Matta et Ali Chéhab. Il y a aussi beaucoup de grandes signatures comme celle de Mona Succariyé, Hassan Mokalled et d’autres, tous des journalistes connus, ayant fait leurs preuves à l’époque où la presse écrite libanaise vivait son âge d’or. Pour Hussein Ayoub, qui était un des piliers d’as-Safir, l’idée était dans l’air depuis la fermeture de ce quotidien en janvier 2017. Mais entre-temps, il y a eu la brève aventure du quotidien al-Ittihad, qui n’a duré que trois mois (octobre-décembre 2017) pour plusieurs raisons, dont le décès de son propriétaire Moustapha Nasser.

Ce groupe de journalistes chevronnés, qui ne trouvaient plus vraiment leur place dans les médias actuels, a donc décidé de se jeter à l’eau. D’abord par amour du métier qui, si on le pratique selon les règles, est, plutôt qu’un gagne-pain, une véritable vocation, et ensuite parce que ces grands noms du journalisme libanais ont senti qu’il y avait malgré tout une demande de la part des lecteurs et donc une place à prendre.



(Pour mémoire : Fermeture d’« as-Safir » : l’ordre des journalistes appelle l’État au secours du secteur)



Défiant la crise et les pronostics pessimistes, ils ont donc lancé à la fois une revue mensuelle et le site qui l’accompagne depuis le début de la semaine. La question qui se pose d’abord est la suivante : pourquoi ce nom de « 180° » ? Hussein Ayoub répond qu’en géométrie, un angle de 180° permet de voir l’image complète. C’est donc là le premier souci de ce média, qui se veut au-dessus des petites zizanies, cherchant avant tout à expliquer pour permettre à ses lecteurs de comprendre ce qui se passe autour d’eux, et non de les entraîner dans de vaines polémiques.

Ensuite, 180° ne cache pas que son objectif est de couvrir la région en commençant par l’Égypte, puis la Palestine, la Jordanie, le Liban, la Syrie et, pour finir, l’Irak. Or, si l’on regarde une carte, cette région a la forme d’un demi-cercle, c’est-à-dire justement un arc de 180°.Ce média double ne prétend pas remplacer le journal as-Safir, qui avait de longues années de professionnalisme derrière lui, mais il s’en inspire. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si le propriétaire et ancien rédacteur en chef Talal Salmane a fourni au groupe la licence d’un des titres qu’il possède, « al-Jihad », et contribue aussi au contenu à travers des éditoriaux. Mais il n’est pas le seul. À peine le site mis en ligne, beaucoup de grands noms du monde médiatique libanais et arabe se sont déclarés prêts à contribuer, et les demandes d’abonnement ont commencé à affluer, alors que la structure pour les recevoir n’avait pas encore été mise en place. Selon Hussein Ayoub, le financement sera donc assuré par des contributeurs sans aucune coloration politique ou autre ainsi que via les abonnements. Il s’agit d’un projet qui a suscité l’enthousiasme de nombreux vétérans du monde des médias, qui ont voulu ainsi l’aider à se concrétiser. Dès les premiers jours de parution, les réactions des lecteurs étaient positives. En plus de l’actualité qui s’impose à tous les médias, 180° cherche à expliquer en profondeur les grands tiraillements qui secouent la région, ainsi que les enjeux et les perspectives. Le premier dossier porte sur la guerre du gaz et du pétrole, un sujet de fond et surtout de grande actualité. Mais on peut aussi lire d’autres articles sur l’avenir des armées et leur rôle dans plusieurs pays de la région, comme l’Égypte, le Soudan, la Libye, l’Algérie et le Liban ;

sur la visite de Walid Joumblatt à Moscou et les craintes qui hantent le leader druze ; la visite à Beyrouth de l’émissaire américain David Schenker, dans le cadre d’une tournée régionale. Sont également publiés des extraits des Mémoires de l’ancien ambassadeur de l’Union soviétique au Liban, Vassili Kolotocha, qui avait joué un rôle important à une certaine époque et était même entré en conflit avec le chef des services de renseignements syriens sur place, le général Ghazi Kanaan. Cela se passait pendant le mandat du président Amine Gemayel (1982-1988) et avant l’effondrement de l’URSS.

Tous ces articles aident les lecteurs à mieux comprendre les développements actuels et surtout à prévoir un peu l’avenir. Tout en ne cachant pas l’identité arabe du double média, concernant notamment la cause palestinienne, Hussein Ayoub précise que son souhait et son objectif sont de donner aux lecteurs des clés pour comprendre certains développements, et non de prendre position et lancer des polémiques. Tous les membres de l’équipe qui travaille sur ce projet sont convaincus que l’ère de la presse écrite n’est pas révolue. Mais celle-ci doit trouver les moyens de se réinventer et adopter une approche différente de celle qu’elle avait dans le passé. Un grand défi, mais qui peut être relevé. Tel est le principal message de 180°, qui veut ainsi faire du journalisme... autrement.



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commentaires (1)

Ce n'est pas le journalisme autrement, c'est le journalisme généralement, normalement quoi !

Tina Chamoun

16 h 17, le 13 septembre 2019

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Commentaires (1)

  • Ce n'est pas le journalisme autrement, c'est le journalisme généralement, normalement quoi !

    Tina Chamoun

    16 h 17, le 13 septembre 2019

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