Le chef du parti Kataëb, le député Samy Gemayel, a fermement critiqué mercredi le dernier discours tenu par le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qui menaçait Israël et les Etats-Unis dans un contexte de tensions régionales avec l'Iran et a interpelé le chef de l'Etat, Michel Aoun, lui demandant de défendre la souveraineté nationale.
Qualifiant les propos du leader chiite de "dangereux", Samy Gemayel a rappelé, lors d'une conférence de presse, que le chef du Hezbollah a dit qu'une guerre contre l'Iran "enflammerait toute la région".
"Le discours (de Hassan Nasrallah) est en violation de la Constitution et du partenariat (...). C'est le Conseil des ministres, qui représente tous les Libanais, qui décide de la guerre et de la paix et de l'avenir des citoyens", a martelé le leader maronite, après avoir rappelé que l'article 65 de la Constitution dit clairement que les forces armées du pays sont sous le commandement du gouvernement.
"Au gouvernement de décider de la guerre ou de la paix"
Dans son discours télévisé prononcé le 16 août à l'occasion du 13ème anniversaire de la "victoire" du Hezbollah à l'issue du conflit l'ayant opposé à l'armée israélienne durant 33 jours en juillet et août 2006 et qui avait fait 1.200 morts côté libanais, et 160 côté israélien, Hassan Nasrallah avait menacé Israël et affirmé qu'"une guerre contre l'Iran signifierait une guerre contre l'axe de la résistance (qui inclus le Hezbollah) et l'embrasement de l'ensemble de la région".
"Ce qui est dangereux, c'est que le Hezbollah se permet de choisir l'ennemi et l'allié, la paix et la guerre (...). Nous respectons les points de vue de Hassan Nasrallah, mais ses points de vue ne reflètent pas ceux de l'Etat. C'est au gouvernement de décider de la guerre ou de la paix", a insisté le chef des Kataëb. "Les alliés de Hassan Nasrallah sont majoritaires au sein du gouvernement. Par là, le Hezbollah veut entraîner l'Etat dans ses équipées et lui faire porter les conséquences de ses décisions", a estimé le député.
"Le partenariat se limite-t-il seulement à certaines fonctions publiques? Le partenariat au niveau des décisions de paix et de guerre ne vous concerne pas?", a-t-il ensuite demandé, en allusion au Courant patriotique libre du chef de la diplomatie, Gebran Bassil, allié du Hezbollah et qui brandit régulièrement le "partenariat" comme slogan politique.
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Les missiles du Hezbollah
Plaidant encore une fois pour le renforcement de l'armée libanaise, Samy Gemayel a dit : "Si les missiles du Hezbollah sont dissuasifs contre Israël, ne le seraient-ils pas aussi entre les mains de l'armée, cette armée qui représente tous les Libanais? Tout ce que le Hezbollah peut faire, l'armée libanaise peut le faire aussi, et elle a fait ses preuves. Certes, plusieurs pays ont adopté le principe de la résistance populaire, comme la Suisse, mais l'organisation et la délimitation de cette résistance se fait toujours par l'Etat et sous le seuil de l'Etat".
"Le plus dangereux, c'est que les menaces et les missiles n'étaient pas dirigés contre Israël, mais contre les Etats-Unis, qui sont en rivalité avec l'Iran. (...) Tout cela ne concerne pas le Liban", a encore estimé Samy Gemayel. Dans son discours, le chef du Hezbollah avait affirmé que "la guerre de 2006 n'a pas été menée par Israël, qui n'était qu'un instrument, mais sur décision américaine".
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"Où êtes-vous M. le président?"
Après avoir critiqué les propos de Hassan Nasrallah et les armes en dehors du cadre étatique, le chef des Kataëb a adressé ses reproches aux alliés du parti chiite.
"Où sont les réactions (aux propos du chef du Hezbollah) ? On a dit que le Liban pourrait s'embraser et qu'il serait amené à payer le prix d'une guerre régionale. Où sont les responsables? Personne ne s'est senti heurté au niveau de sa dignité ? Quid des responsabilités constitutionnelles dont sont tenus les dirigeants? Ce silence est-il le prix de l'entente ? Oui, c'est le cas, car ils ont choisi de se taire et d'abandonner l'Etat", a martelé Samy Gemayel.
En février 2006, le Courant patriotique libre fondé par Michel Aoun et le Hezbollah de Hassan Nasrallah ont signé un document d'entente, scellant ainsi leur alliance qui perdure à ce jour.
"Sayyed, Hassan, comment pouvez-vous nous dire que vous n'avez pas mis la main sur l'Etat alors que vous contrôlez son destin? M. le président de la République, vous étiez chef de l'armée, vous avez juré de préserver la Constitution (...). Où êtes-vous, M. le président? Nous vous appelons à taper du poing sur la table et à revenir à la situation d'avant 2005, car votre pays est menacé par les sanctions et la guerre et sa décision est prise en otage", a insisté M. Gemayel, en s'adressant au chef de l'Etat.
"M. le président, vous avez promis dans votre discours d’investiture, il y a trois ans, de mettre en place une stratégie de défense, mais rien n'a été fait jusque-là. Si le président ne veut pas assumer ses responsabilités, dans ce cas-là, il n’appellera pas à l'élaboration d'une stratégie de défense. Nous devons nous réapproprier la décision de paix et de guerre pour pouvoir ensuite mettre en place une stratégie de défense. Cette stratégie doit être élaborée par l'armée libanaise qui est plus qualifiée que nous pour le faire", a par ailleurs affirmé le chef des Kataëb, en rebondissant sur la polémique suscitée par les propos tenus à ce sujet lundi par le président Aoun.
Le chef de l'Etat avait indiqué lundi que "tous les critères à prendre en compte pour l’élaboration de la stratégie de défense, même les zones d’influence, ont changé". "Je suis le premier à avoir préparé un projet pour la stratégie de défense, mais est-il encore pertinent aujourd’hui ?" avait souligné le président Aoun. De nombreux observateurs ont estimé que ces propos signifiaient un report sine die de la question de la stratégie de défense qui est censée porter, entre autres, sur les armes illégales, notamment l'arsenal du Hezbollah. Hier, la présidence de la République a publié une mise au point à ce sujet précisant que "le chef de l’État ne faisait que décrire une situation de fait, dix ans après que le sujet eut été soulevé en congrès de dialogue national". Le bureau de presse assure que "le chef de l’État se considère toujours tenu par les positions antérieures en matière de défense stratégique, et par la nécessité de les examiner dans un climat consensuel".
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Les "vantardises"
Enfin, Samy Gemayel a affirmé que les propos du chef du Hezbollah portent un coup à l'économie fragile du pays.
"Les missiles n'encouragent clairement pas l'économie (...) alors que le pays est au bord de l'effondrement économique, et ces missiles n'aident pas le chef du gouvernement, Saad Hariri, qui supplie certains Etats de ne pas imposer de nouvelles sanctions. Ces vantardises étaient-elles nécessaires ?", a lancé le député.
"Nous avons vu venir cela dès le début, c'est pourquoi nous avons refusé le compromis. Ceux qui l'ont accepté assument la responsabilité des sanctions internationales (contre le Hezbollah), de la mise à l'écart du Liban par ses voisins régionaux, ainsi que la responsabilité de toutes les atteintes portées à l'Etat", a estimé le chef des Kataëb. "Nous n'allons pas nous taire. Nous n'avons pas peur, même si nous nous retrouvons seuls", a-t-il conclu.
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commentaires (14)
Si le Hezbollah est là c'est bien parce que l'armée libanaise est faible dans le sens qu'elle ne peut pas nous défendre efficacement contre nos ennemis qui sont Israël pour certains, la Syrie pour d'autres et Daesch pour tout le monde (enfin je crois). Et si l'armée libanaise est faible c'est bien parce que l'Occident les Etats unis en tête ne veulent pas qu'elle soit forte et ce n'est plus un secret. Si Mr Gemayel n'arrive pas à analyser ou comprendre celà je ne sais plus quoi dire. Sinon pour répondre à sa question "Ou êtes-vous Mr le président ?" Je pense qu'il est au palais d'été si je ne me trompe.
Zorkot Mohamed
21 h 36, le 23 août 2019