Alors que le Paraguay a pris lundi la décision de classer le Hezbollah sur sa liste d'organisations terroristes, devenant ainsi le deuxième pays d'Amérique latine à le faire, après l'Argentine, de hauts responsables gouvernementaux brésiliens envisageraient de faire de même, rapporte l'agence américaine Bloomberg, citant des sources proches des discussions. Si la décision est prise, elle pourrait être annoncée juste avant la visite prévue en octobre du président brésilien, Jair Bolsonaro, en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, tous deux opposés au Hezbollah, selon Bloomberg, qui cite trois personnes au courant du dossier et ayant requis l'anonymat.
"Fâcher une partie de la diaspora libanaise"
Au Brésil, la désignation du parti chiite comme organisation terroriste ne rencontre toutefois pas un soutien unanime au sein de l'administration de M. Bolsonaro. Si elle est prise, cette décision ne serait par ailleurs pas facile à mettre en œuvre, en raison des spécificités de la législation brésilienne, ajoute l'agence de presse spécialisée dans les informations économiques et financières. En effet, la définition du terrorisme reste vague dans la législation brésilienne, qui définit les actes de terrorisme mais pas les organisations terroristes et ne prend pas en compte les motivations politiques à l'origine d'éventuels attentats. Même si la décision est prise par le Brésil d'ajouter le Hezbollah sur la liste d'organisations terroristes, toute mesure spécifique prise contre le parti chiite pourrait donc devoir être approuvée, ultérieurement, par le Congrès, et donc rencontrer une opposition éventuelle, explique Bloomberg.
De plus, cette décision risque non seulement de tendre les relations entre Brasilia et Téhéran, principal soutien du Hezbollah, et qui importe 2,5 milliards de produits brésiliens par an, mais également de fâcher une partie de la diaspora libanaise présente au Brésil, et qui y jouit d'une influence considérable, analyse Bloomberg. Une des trois sources contactées par l'agence prévoit en outre qu'elle risque de faire du Brésil une cible pour les terroristes.
Toutefois, le chef de la diplomatie brésilienne a affirmé à Bloomberg que son pays ne considère pas le Hezbollah comme un groupe terroriste et n'a aucune intention de changer ce statut pour le moment. Ni la présidence, le ministère de la Justice ou la police fédérale, chargée de la lutte contre le terrorisme, n'ont souhaité commenter cette information.
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Influence de Washington
Ces informations sur une éventuelle volonté brésilienne de faire du Hezbollah une organisation terroriste interviennent alors que la politique du président brésilien, Jair Bolsonaro, s'aligne de plus en plus sur celle des États-Unis en matière diplomatique, avec notamment en ligne de mire la signature d'un accord commercial entre les deux pays. En outre, le fils de M. Bolsonaro, Eduardo, qui pourrait devenir ambassadeur du Brésil à Washington, avait appelé, lors de la campagne électorale de son père, à des prises de position sévères vis-à-vis notamment du parti chiite et du Hamas.
En novembre, lors d'une réunion entre M. Bolsonaro, alors président élu, et le conseiller américain à la sécurité nationale, John Bolton, ce dernier avait affirmé que le président américain s'attendait à un renforcement de la coopération américano-brésilienne, notamment en matière de lutte contre le terrorisme.
Actuellement, le Brésil ne considère comme terroriste que les organisations qui sont qualifiées comme telles par le Conseil de sécurité de l'ONU, ce qui comprend notamment el-Qaëda et l’État islamique. Selon la législation brésilienne, toute personne suspectée d'appartenir à un de ces groupes peut être interdite d'entrée sur le territoire, arrêtée et ses actifs peuvent être gelés.
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Selon le quotidien israélien Jerusalem Post, le Hezbollah opère dans la région située entre l'Argentine, le Brésil et le Paraguay, dans le cadre d'une économie illicite ayant pour but de financer les opérations du parti chiite ailleurs dans le monde. C'est ce qui aurait entre autres poussé le Paraguay à prendre la décision de reconnaître le parti chiite libanais comme terroriste, une décision saluée notamment par le ministre israélien des Affaires étrangères, Israel Katz, cité dans le Jerusalem Post. "Cette décision contribue à la lutte internationale contre la terreur semée par le Hamas et le Hezbollah et subventionnée par l'Iran", a affirmé M. Katz, qui a appelé d'autres pays à rejoindre la liste des pays considérant le parti chiite comme terroriste.
Le Paraguay s'est considérablement rapproché ces derniers mois de l’État hébreu, étant devenu notamment un des rares pays à avoir transféré son ambassade de Tel Aviv à Jérusalem.
Mi-juillet, l'Argentine était devenue le premier pays d'Amérique latine à qualifier le parti de Hassan Nasrallah d'organisation terroriste et à avoir gelé les actifs du parti chiite libanais sur son territoire, l'accusant de deux attaques commises en 1992 et 1994 sur son sol. Le 18 juillet 1994, une bombe avait pulvérisé l'immeuble abritant les institutions juives d'Argentine, tuant 85 personnes. Vingt-cinq ans après, malgré de nombreux rebondissements, cette affaire délicate où se mêle géopolitique et manipulations n'a toujours pas été élucidée. Israël et la justice argentine affirment que l'Iran a ordonné cet attentat, exécuté en Argentine par des hommes du Hezbollah, ainsi que celui de 1992 contre l'ambassade d'Israël qui avait fait 29 morts et 200 blessés. Téhéran et le parti chiite libanais démentent toute implication dans ces attaques.
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09 h 07, le 01 septembre 2019