Mardi dernier, le ministre de l’Environnement, Fady Jreissati, annonçait une solution à la crise des déchets au Liban-Nord, dont les rues sont noyées de poubelles jusqu’aux quartiers résidentiels. Une crise qui s’était exacerbée durant le mois de juillet avec la fermeture du dépotoir de Adwé pour non-conformité aux normes sanitaires. La solution envisagée impliquait l’installation d’une décharge sanitaire dans le village de Terbol qui devait recevoir les ordures ménagères des quatre cazas de Minié-Denniyé, Zghorta, Bécharré et Koura. Elle a obtenu l’aval de dignitaires locaux, notamment du chef du bloc parlementaire des Marada, Tony Frangié, du député proche du CPL, Michel Moawad, et des présidents de l’union des municipalités de Zghorta Ehden, Zeeny Khair, et de Minié-Denniyé, Mohammad Saadiyé. Sauf que ce projet n’est pas du goût des habitants de la localité mieux connue sous le nom de Jabal Terbol, appartenant au caza de Minié-Denniyé et enclavée dans le caza de Zghorta, et qui abrite une importante population « arabe d’origine nomade ».
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Terbol proteste, soutenue par les écologistes
Résultat, des habitants de Terbol ont dressé une tente permanente devant le lieu consacré à l’édification de la décharge sanitaire, histoire d’empêcher les camions d’y déverser leurs ordures. À l’issue de la prière du vendredi et à l’appel du cheikh Mohammad Assoum, d’autres protestataires de la région ont organisé un sit-in devant la mosquée Aamoud. À leur tour, des dignitaires sunnites locaux sont montés au créneau, martelant leur refus de la moindre déchetterie ou même d’un incinérateur, non seulement dans la localité, mais dans les environs. Faisant part de leur opposition au projet, des députés du bloc Mikati, notamment Ali Darwich et l’ancien député Kazem Kheir, se sont dit « solidaires des habitants de Terbol », lors d’une conférence de presse devant la décharge, allant même jusqu’à proposer « un vote de défiance à l’encontre du ministre de l’Environnement, Fady Jreissati ». M. Darwich a même fait part de son étonnement quant à la proposition d’édifier une décharge à Terbol, située à proximité de Tripoli et de Minié, « sans avoir obtenu l’aval de ses habitants ». « Ce qui est en contradiction avec la loi 444 du ministère de l’Environnement », a-t-il dit. Notons que Terbol n’a pas de municipalité, mais un moukhtar qui est opposé au projet de décharge.
Même opposition ferme de la part des dignitaires du courant du Futur, notamment du député Osman Alameddine (courant du Futur) et du président de la municipalité de Markabta, Bassam Atiyé, qui ont adressé une pétition au Premier ministre, Saad Hariri, lors d’un meeting à Minié, énumérant « les conséquences néfastes sur les plans écologique, économique et sanitaire d’une telle décharge ». Des conséquences que n’a pas manqué de dénoncer l’association écologique Lebanon Eco Movement, présidée par le militant Paul Abi Rached, et, notamment, les risques de pollution des nappes phréatiques et d’une eau qui alimente la ville de Tripoli. Dans un communiqué, l’ONG indique avoir présenté « une dénonciation auprès du parquet général ennvironnemental du Nord, contre l’édification illégale de la décharge dans la montagne de Terbol ». Elle propose, comme « alternative pour sortir de la crise, la transformation d’anciennes carrières en décharges sanitaires d’urgence ».
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Enlever les poubelles des rues, une urgence
Dans ce contexte, la décision du Premier ministre n’a pas tardé. Saad Hariri a demandé au ministre Jreissati de cesser toute opération d’aménagement de la décharge de Terbol menée par son ministère. Une initiative saluée par certains dignitaires proches du courant du Futur et du bloc Mikati, mais décriée par d’autres.
Interrogé par L’Orient-Le Jour, le député Michel Moawad (« Le Liban fort ») regrette l’intervention de Saad Hariri. « Nous étions parvenus à un accord avec les quatre cazas de la région, le courant du Futur et le ministre de l’Environnement », affirme-t-il, assurant que l’affaire n’est « absolument pas confessionnelle », mais qu’« une personnalité de la région qui habite à 4 km à vol d’oiseau du lieu de la décharge s’est sentie lésée ». Et de préciser que la décharge sanitaire de Terbol était « une solution à court terme pour enlever les déchets des rues, qu’elle est située loin de toute habitation et qu’elle devait être complétée par l’aménagement d’une usine de tri et de compostage ».
Même désappointement du député Tony Frangié qui assure à L’OLJ qu’il n’y a « pas d’autre solution possible ». « Plus de 300 000 habitants souffrent aujourd’hui d’une grave crise des déchets. Ils ne supportent plus de voir les poubelles dans les rues », dénonce-t-il, insistant sur la nécessité d’une « solution urgente, dans l’attente que le tri à la source se développe, opération préalable au compostage et à l’incinération ». « Une solution qui, regrette-t-il, a été contrée par une démarche liée à des intérêts personnels. » Et de déplorer que « les quatre cazas n’en soient pas encore au point de trier leurs ordures ou de les composter correctement, même si des initiatives se développent ». Il précise, en revanche, qu’ « une étude est en cours pour cerner les conséquences écologiques de l’édification d’une décharge sanitaire à Terbol ».
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commentaires (6)
Pourquoi ne pas déposer les ordures devant les résidences des députés et autres ministres? Peut être qu'ils trouveraient une solution plus rapidement....
nakad nathalie
11 h 36, le 11 août 2019