Dans le cadre du processus de sanctions touchant des membres du Hezbollah, les États-Unis ont procédé à une escalade, mardi, et frappé à la tête, sanctionnant deux députés et un haut-cadre du parti chiite : Mohammad Raad, le chef de son bloc politique, le député Amine Cherri et le responsable de l'appareil sécuritaire du Hezbollah, Wafic Safa. Les trois hauts responsables hezbollahis sont accusés d'"exploiter le système politique et financier" du Liban au profit du parti chiite et de l'Iran, selon un communiqué du Trésor.
C'est la première fois que des parlementaires affiliés au Hezbollah, considéré comme une organisation "terroriste" par Washington depuis 1997, sont visés par des sanctions américaines.
Selon le Trésor américain, le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, Mohammad Hassan Raad, "continue à donner la priorité aux activités du Hezbollah et à prendre en otage la prospérité du Liban".
Amine Cherri, député de Beyrouth, "exploite son poste officiel pour faire avancer les objectifs du Hezbollah qui sont souvent au détriment du peuple et du gouvernement libanais". M. Cherri est également accusé d'avoir menacé les responsables d'une banque et leurs familles après que l'établissement a gelé les comptes de membres du parti chiite placés sur la liste des sanctions américaines.
Dans son communiqué, le Trésor diffuse une photo de M. Cherri aux côtés de Kassem Soleimani, chef de la Force Qods, la branche chargée des opérations extérieures des Gardiens de la Révolution iraniens. Cette proximité "illustre l'absence de distinction entre les activités politiques et militaires du Hezbollah", affirme le ministère américain.
Une photo du député hezbollahi Amine Cherri (d) aux côtés de Kassem Soleimani, l’un des hauts responsables des pasdaran.
Âgé de 62 ans, Amine Cherri a été élu député à Beyrouth en 2005 puis réélu en 2018. Il est proche de l'appareil sécuritaire du Hezbollah. M. Raad, 64 ans, est le chef du groupe parlementaire du Hezbollah et l'un des "anciens" du parti. Il a été élu pour la première fois en 1992 lors du premier scrutin organisé après la guerre (1975-1990).
Outre les deux élus, le responsable de l’appareil sécuritaire du Hezbollah, Wafic Safa, a été visé par les sanctions. Proche du chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, il est responsable de la coordination du parti avec la communauté internationale et avec les forces de sécurité libanaises, selon le Trésor américain.
"Une humiliation pour le peuple libanais"
Le ministre libanais des Finances, Ali Hassan Khalil, membre du mouvement Amal qui forme avec le Hezbollah le "tandem chiite", est le premier responsable de l'État libanais à avoir réagi. "Ces sanctions concernent tous les Libanais, même si elles visent le Hezbollah", a déclaré M. Khalil lors d'un entretien télévisé. "Les mesures prises par le Liban rendent ces sanctions, qui ne servent la stabilité financière, injustifiées", a-t-il ajouté. "Nous sommes engagés par toutes les normes juridiques qui concernent cette question. Le Liban est un pays qui respecte ses engagements. Les banques respectent tous ces textes de loi. L'aggravation des sanctions est injustifiée", a jugé le ministre des Finances.
Ali Fayyad, également membre du bloc parlementaire du Hezbollah, a qualifié ces sanctions d'"humiliation pour le peuple libanais". "Ces sanctions constituent avant tout une humiliation pour le peuple libanais", a-t-il déclaré lors d'une intervention télévisée. "Le Parlement et le gouvernement doivent exprimer une position officielle sur cette atteinte à la souveraineté du Liban", a ajouté le député hezbollahi.
En novembre 2018, les États-Unis avaient renforcé leurs sanctions à l'encontre de la formation chiite après la signature, par Donald Trump, de la loi "Hezbollah International Financing Prevention Amendments Act (HIFPAA) of 2018", une version amendée (S.1595) d'une loi précédente, votée par le Sénat le 5 octobre 2017. La S.1595 impose notamment des sanctions à toute personne, entité ou État étrangers aidant directement ou indirectement le parti pro-iranien.
Récemment, le Washington Post rapportait que les sanctions américaines contre l'Iran avaient drastiquement réduit le financement de Téhéran au parti chiite.
Dans ce cadre de sanctions renforcées, le département d'État américain avait sanctionné mercredi dernier un cadre militaire du Hezbollah, Hussein Ali Hazimé, en charge d'une unité du renseignement au sein du parti chiite.
Et en avril dernier, les États-Unis avaient imposé des sanctions à l'égard de deux personnes et trois entités, deux basées en Belgique et une en Grande-Bretagne, liées au Hezbollah. Le même mois, le département d'État américain a offert des récompenses allant jusqu'à 10 millions de dollars à toute personne susceptible de fournir des informations sur les mécanismes de financement du Hezbollah et nommément identifié trois des grands bailleurs de fonds du parti.
En tout, 50 membres ou entités liés au Hezbollah ont été placés depuis 2017 sur la liste des sanctions américaines pour terrorisme.
Créé au début des années 80, le Hezbollah est classé comme "organisation terroriste" par les États-Unis. Depuis sa création, plusieurs attentats lui ont été attribués notamment en France, au Liban ou en Bulgarie. Il est l'un des principaux alliés du régime syrien dans sa guerre contre les rebelles en Syrie. Avec la fin de la guerre civile libanaise en 1990, le Hezbollah est la seule formation à avoir maintenu son arsenal. Cette question divise la classe politique libanaise entre ceux qui défendent la légitimité de cet arsenal qui est censé être dirigé contre Israël, et ceux qui rejettent la présence de ces armes en dehors du cadre étatique.
Le secrétaire américain au Trésor Stephen Mnuchin avait en outre annoncé fin juin des sanctions prochaines contre le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif. "Il est clair que nous étudions différentes voies pour des sanctions supplémentaires (et) le ministre Zarif reste une personne d'intérêt clé", a expliqué mardi un haut responsable du Trésor.
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commentaires (9)
David et Goliath ! Pauvre amérique , ridiculisée !
Chucri Abboud
13 h 35, le 10 juillet 2019