La plage publique de Ramlet el-Baïda n’en finit pas d’être au cœur des tiraillements entre le mohafez de Beyrouth Ziad Chebib, soutenu par la municipalité de la capitale, d’une part, et l’association « Operation Big Blue », à laquelle le ministère des Travaux publics et des Transports vient de renouveler un contrat de gestion des lieux vieux de 2003, d’autre part. Des tiraillements qui auraient pour origine déclarée « une volonté des autorités beyrouthines locales de détruire les infrastructures et baraquements non autorisés », comme l’explique à L’Orient-Le Jour une source proche du dossier. Sauf que leur résultat ressemble plutôt à « une campagne orchestrée contre l’ONG et les aménagements qu’elle a mis en place à l’intention des usagers », regrette le directeur de la plage publique au sein d’ « Operation Big Blue », Nazih el-Rayess.
Car, à la mi-juin, et malgré un accord entre les gérants des lieux et le président du conseil municipal de Beyrouth, Jamal Itani, sur la nécessité de démolir quelques bâtisses qui gâchent la vue sur la plage, des bulldozers ont non seulement détruit les baraques indésirables, mais également les toilettes et les douches destinées aux usagers, de même que les petits kiosques en parfait état qui servent de quartier général à la direction et aux premiers soins. Une opération qui a été vue comme « répressive », car elle s’est accompagnée d’une présence de la police municipale et des forces antiémeute, qui ont empêché les responsables de la plage de sauver leurs équipements.
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Gratuité de la plage
Le dernier rebondissement a eu lieu hier. « Des forces actives et des associations beyrouthines » ont donné une conférence de presse à l’ordre de la presse à Raouché « pour expliquer ce qu’il se passe à Ramlet el-Baïda ». Mais en réalité, ce mouvement, inconnu jusque-là, qui bénéficie du soutien du président de l’ordre de la presse Aouni el-Kaaki, est carrément tombé sur l’association « Operation Big Blue ». Non seulement l’a-t-il accusée « de faire payer les baigneurs, alors que cette plage publique est censée être totalement gratuite », mais « d’avoir aménagé un restaurant, une cuisine, un café servant des narguilés, un four à manaqiche, une épicerie et même une salle des fêtes ». « Et qui plus est, l’ONG a aménagé un poulailler et un enclos à chiens qui font peur aux usagers. » Et de clôturer la conférence de presse par la promesse que « le mohafez de Beyrouth, Ziad Chebib, s’engage à équiper la place de Ramlet el-Baïda de tables, de chaises et de parasols, équipements qui seront totalement gratuits pour les usagers ».
La réponse du directeur de la plage n’a pas tardé. « Le mohafez et la municipalité de Beyrouth refusent notre présence. Et pourtant, elle est légale, sur base d’un contrat conclu avec le ministère des Travaux publics qui est responsable des plages publiques. Tous nos papiers sont d’ailleurs en règle, martèle Nazih el-Rayess. Nul n’a d’ailleurs jamais présenté la moindre plainte contre nous. Et notre coopération avec les autorités et la police des mers est excellente. » Le responsable au sein d’ « Operation Big Blue » tient à mettre les choses au clair. « La plage est gratuite. Et les usagers peuvent y apporter librement leur pique-nique et leurs équipements pour s’installer sous les larges parasols sans devoir débourser un seul sou. Des chaises, tables, parasols sont de plus proposés à la location pour ceux qui le désirent. Ils peuvent aussi acheter à manger », affirme M. Rayess. Le responsable rappelle à ce titre que « l’ONG doit assumer les frais de fonctionnement de la plage. Elle doit payer les sauveteurs et entretenir les lieux ».
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Un contentieux qui serait lié à l’Eden Bay
Mais il ne peut s’empêcher d’évoquer ce vieux contentieux avec le mohafez de Beyrouth lié à la construction du complexe hôtelier Eden Bay. « Nous avions ouvertement pris position contre l’édification de cet hôtel car nous considérons que cette parcelle fait partie des biens-fonds publics. Nous avions alors accusé Ziad Chebib de couvrir les infractions. » Aujourd’hui, le responsable de la plage publique est convaincu que l’attitude du mohafez n’est autre qu’une « réaction de vengeance à la prise de position ferme d’ “Operation Big Blue” contre l’Eden Bay et contre toute construction sur la plage publique de Ramlet el-Baïda ». Preuve en est, « les actions de sabotage délibéré de ces lieux, la destruction de toutes les installations sanitaires (eau et toilettes), le refus de consacrer des équipes municipales au nettoyage de la plage, et ces canalisations d’eaux usées qui ont été détournées directement sur la plage ». « Nous recevons en week-end entre 5 et 10 000 personnes. Comment feront-elles sans eau ni toilettes ? » s’insurge-t-il.
Il semblerait enfin que la plage publique de Ramlet el-Baïda soit aménagée sur un terrain dont seulement les deux tiers font partie de l’espace public. « Un tiers de la plage, dans sa partie proche du mur, est une propriété privée », révèle M. Rayess, craignant « l’émergence d’un quelconque projet » qui priverait Beyrouth de sa seule plage publique.
Mais au ministère des Travaux publics, on ne l’entend pas de cette oreille. « Le ministère est seul responsable des plages publiques. Et il a accordé à l’association “Operation Big Blue” la gestion de la plage de Ramlet el-Baïda », assure une source de la direction générale du ministère, contactée par L’Orient-Le Jour. « Cette plage est au service des gens et le restera, comme toutes les plages publiques du pays », ajoute-t-elle, regrettant « le manque de crédits pour équiper la seule plage de la capitale accessible à tous », mais aussi « la mauvaise foi des autorités beyrouthines locales, à savoir le mohafez et la municipalité de Beyrouth ».
L’OLJ n’a pas réussi à joindre les deux responsables locaux. Mais une question se pose aujourd’hui : la plage de Ramlet el-Baïda restera-t-elle un espace public ?
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commentaires (7)
De l'extérieur, on ne connait pas et on ne suite pas tout ce qui se passe au liban La seule chose qu'on sait : c'est qu'il n'y a personne au liban qui pense à l'avenir du pays: emploi, vision du futur, planification, combat de la pollution, garantir la gratuité des plages "propres".... Voici ce qu'on remarque de l'extérieur... Des pays de la région qui sont déjà dans l'espace, des pays du monde qui parlent technologie, alors qu'au liban, ils ne savent même pas comment traiter les ordures ménagères et assurer le courant electrique , eau potable aux citoyens..... Les libanais que nous cotoyons ici, ne demandent pas la lune pourtant...Juste le B A BA que devrait assurer un pays à ses citoyens. Lamentable.
LE FRANCOPHONE
20 h 10, le 07 juillet 2019