C’est une « bonne nouvelle pour les Beyrouthins » qu’a annoncé hier le président de l’ordre des ingénieurs, Jad Tabet, sur son compte Facebook : « Le littoral de Beyrouth mis sous étude. »
M. Tabet, qui, de par sa fonction, est membre du Conseil supérieur de l’urbanisme (CSU), explique qu’une décision du conseil municipal de Beyrouth datant du 13 juillet 2017, portant le numéro 555, et visant à mettre le littoral de Beyrouth allant du Summerland au Movenpick sous étude pour un an renouvelable (en gros la zone de Ramlet el-Baïda), a été approuvée le 1er août par le CSU. Dans le texte de sa décision, le CSU a cependant décidé de demander au conseil municipal de Beyrouth « d’étendre la zone à mettre sous étude jusqu’au Bain militaire, et de faire en sorte que les dispositions à adopter soient plus strictes que les règles appliquées actuellement dans cette zone ».
À L’Orient-Le Jour, Jad Tabet souligne qu’une « mise sous étude signifie que tout nouveau permis de construire ne peut être délivré dans ladite zone, sans devoir passer par le CSU pour approbation ». « Une étude globale de cette zone examinera un éventuel changement des règles de construction, du coefficient d’exploitation, etc., poursuit-il. Ce sera une étude globale pour modifier toutes les règles régissant la zone. »
À une question sur l’exigence d’élargissement de la zone à étudier, M. Tabet a estimé qu’« une telle mesure n’a pas de sens si elle n’inclut pas l’intégralité de ce qu’on appelle la zone 10 de Beyrouth dans l’étude à venir ». Il fait remarquer que « la zone allant du Bain militaire jusqu’à Aïn el-Mreissé est formée de propriétés publiques non constructibles, bien qu’il y ait des infractions », rappelant que cette zone élargie compte aussi la côte très symbolique de Raouché-Dalié.
Pour ce qui est de la deuxième demande du CSU, M. Tabet a réitéré la nécessité d’imposer des règles plus strictes que celles qui ont régi cette zone, qui est la façade maritime de Beyrouth, durant les dernières décennies.
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Sans changement de lois, une urbanisation galopante
Interrogé sur la genèse de cette mesure, le mohafez de Beyrouth, Ziad Chbib, indique à L’Orient-Le Jour que le code régissant cette portion du littoral de la capitale a connu de nombreuses modifications ces dernières décennies. Il cite plus particulièrement deux grandes périodes d’amendements : l’une dans le cadre du décret pour la construction de la corniche en 1966, et une suite de modifications dans la période de 1995-2005. « Dans les modifications de la seconde période, une brèche importante a été ouverte dans le décret de 1966 », explique-t-il. En d’autres termes, toute la portion de la corniche qui n’avait pas encore été construite a été annulée. Les terrains qui devaient faire partie de cette corniche (et qui sont sous la route) ont été soumis à un autre régime, devenant bâtissables après avoir été non aedificandi, c’est-à-dire non bâtissables.
Bien qu’étant celui qui a délivré à la base le permis de construire au très controversé projet de l’Eden Bay Resort, à même la plage de Ramlet el-Baïda, le mohafez de Beyrouth tient à préciser que « ce projet ne serait pas le seul si le statut légal de cette côte n’était pas drastiquement modifié », assurant même que « c’est le projet d’Eden Bay qui a montré la gravité de l’urbanisation future de cette côte si son statut légal reste le même ». Une polémique qui n’en a pas fini de faire couler de l’encre et qui l’oppose régulièrement à la société civile…
Dans sa décision, le CSU va plus loin que la décision municipale, suggérant que toute la zone 10 de Beyrouth soit mise sous étude et non seulement Ramlet el-Baïda. M. Chbib se dit « très favorable à cette recommandation, qu’il va communiquer au conseil municipal ».
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Quant à la décision de gel des permis pour les études, elle ne devient effective qu’après un décret voté en Conseil des ministres. « La procédure est la suivante : la décision est prise par le conseil municipal, elle est entérinée par le CSU puis elle passe en Conseil des ministres, dit-il. En cas de modification, pour un élargissement de la zone à mettre sous étude par exemple, il faut que ce processus recommence et suive le même parcours. »
En d’autres termes, la décision ne sera en vigueur qu’une fois le décret adopté en Conseil des ministres. Et ce sera le gel de tous les permis (qui devront passer au CSU) durant un an renouvelable, donc pratiquement deux ans. Mais M. Chbib assure que même avant cette date, le conseil municipal tiendra compte du fait que cette zone est pratiquement sous étude.
Concernant la demande du CSU pour des règles plus strictes que celles en vigueur actuellement, le mohafez acquièsce sans réserve. Pour lui, « si ce n’est pas le cas, alors cette mesure n’a pas lieu d’être ».
Pour sa part, Jad Tabet se dit satisfait de cette réaction. « Si la procédure est à recommencer pour élargir la zone, ce n’est pas un problème, a-t-il assuré. La première décision ne nous est parvenue de la part du mohafez qu’un an après avoir prise en conseil municipal, et nous l’avons tranchée en dix jours. Si une nouvelle décision est prise, nous y répondrons très rapidement. »
Qu’adviendra-t-il d’un projet comme l’Eden Bay si de nouvelles règles plus strictes sont appliquées dans cette zone ? « D’éventuelles nouvelles règles ne pourront être appliquées a posteriori et ne concerneront pas les anciens projets, explique M. Tabet. Mais le problème de l’Eden Bay n’est pas là, c’est un projet qui est en nette infraction avec les anciennes règles déjà. »
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commentaires (9)
Belle blague du soir , dans un pays ou les chefs de tribus font tout ce qui est interdit .
Antoine Sabbagha
23 h 44, le 10 août 2018