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Liban - Libertés

Bisri, Aïn Dara, Eden Bay... c’est la chasse aux militants

Le jeune Roland Nassour a été sauvagement attaqué par cinq individus au moins, lors d’une randonnée dans la vallée de Bisri où il conteste la construction d’un barrage.

Roland Nassour, jeune militant agressé à Bisri.

La violence contre les détracteurs du barrage de Bisri (vallée entre Jezzine et le Chouf) est montée d’un cran, le week-end dernier. Roland Nassour, le jeune coordinateur de la Campagne nationale contre le barrage de Bisri, guidait des visiteurs à travers les vestiges historiques et naturels de la vallée, quand il a été attaqué par une bande d’individus qui l’ont sévèrement battu. Le jeune homme a dû user de toute son agilité pour échapper à ses agresseurs, avant d’être hospitalisé, avec une blessure grave à l’oreille.

« Nous étions dans un domaine public, mais ces hommes sont sortis de nulle part, nous accusant de nous trouver sur des terrains expropriés, dit-il. J’en ai reconnu deux : ils prétendaient souvent être des nôtres et participaient à nos manifestations, mais causaient aussi de nombreux problèmes, nous empêchant parfois d’aller sur les terrains, essayant de mettre la main sur notre page Facebook et refusant les critiques contre certains politiciens… »

Roland Nassour assure que ce jour-là, il participait à une marche pacifique, mais que ses agresseurs, eux, avaient une attitude belliqueuse dès le départ. « Je me souviens de cinq assaillants, mais les personnes qui m’accompagnaient assurent qu’ils étaient plus nombreux, raconte-t-il. Ils m’ont frappé sur différentes parties du corps, ont cassé mes lunettes, l’un d’entre eux m’a même mordu l’oreille, en arrachant une partie. Par trois fois j’ai essayé de leur échapper, avant de réussir à me sauver, tout en sang. J’ai couru dans la plaine durant une vingtaine de minutes avant de regagner la voiture la plus proche. On m’a emmené à l’hôpital Aïn w Zein au Chouf, puis j’ai été transporté à l’Hôpital de l’Université américaine où j’ai été opéré. »

Le jeune homme souffre toujours de contusions aujourd’hui et son oreille a été endommagée de manière permanente. Pourquoi une agression aussi sauvage contre un militant pacifique ? « Je pense que notre campagne a été très efficace et commence à constituer une menace pour les intérêts de ceux qui défendent le barrage, estime-t-il. C’est une tentative d’intimidation que je place dans le cadre d’une campagne bien plus vaste à laquelle nous sommes tous exposés : certains habitants sont même menacés d’être chassés de leurs emplois. »

Roland Nassour compte porter plainte contre ses agresseurs. L’enquête donnera-t-elle les résultats escomptés ?



(Lire aussi : La campagne contre le barrage de Bisri se poursuit sur tous les fronts)



Convoqués… pour avoir critiqué l’Eden Bay
Cette agression intervient alors que d’autres militants ont également fait l’objet de tentatives d’intimidation récemment. Le Bureau de lutte contre la cybercriminalité a ainsi convoqué trois militants de la société civile, Zeina el-Hélou, Nada Nassif et Wadih el-Asmar, à comparaître lundi dernier sur base d’une plainte déposée par l’hôtel Eden Bay Resort, l’établissement ultracontesté construit à même la plage publique de Ramlet el-Baïda à Beyrouth. Zeina el-Hélou a déclaré au site de la Fondation Samir Kassir (SKeyes) que la plainte a été déposée « suite à des messages lancés aux artistes Maya Diab, Ziad Bourgi et Abbas Jaafar, leur demandant d’annuler un concert prévu dans cet hôtel, qui occupe illégalement la plage ». La militante a cependant « refusé de comparaître, étant donné qu’une convocation par téléphone ne peut être considérée comme officielle ». « Après deux autres refus pour la même raison, on m’a fait savoir que je m’exposais à des procédures légales supplémentaires », explique-t-elle à SKeyes. « J’attends toujours qu’on m’envoie une convocation officielle chez moi », insiste-t-elle.

Wadih el-Asmar indique à L’Orient-Le Jour que « cette convocation est très étrange », assurant n’avoir « jamais reçu d’appel de quiconque ». Et de poursuivre : « J’en ai été notifié la première fois par Zeina el-Hélou, qui a elle-même été appelée par une personne prétendant être du Bureau de lutte contre la cybercriminalité. Au cours de la conversation, cette personne lui a textuellement demandé d’emmener ses amis avec elle, nommément Nada Nassif et moi-même. Elle lui a alors rétorqué qu’elle n’était pas l’un de nos parents et qu’il n’avait qu’à nous appeler. »

« La seconde fois que j’en ai entendu parler, poursuit-il, c’est par une information parue sur une page gérée par l’Eden Bay, ouverte par les “amis de (Wissam) Achour” (le propriétaire de l’établissement). Selon cette information, j’avais été appelé pour être convoqué au Bureau de cybercriminalité mais mon téléphone portable était fermé. Or ceci est faux, puisque ma ligne était ouverte jusqu’à 23 heures et que je suis abonné à un service qui me notifie des appels en absence. Je suis aussi joignable sur WhatsApp. Je considère donc que le Bureau de cybercriminalité ne m’a pas notifié officiellement d’une quelconque convocation. »

Le militant trouve « inacceptable qu’un service qui prétend protéger les citoyens véhicule des informations non vérifiées sur l’un d’eux ». « Pour ce qui est de la plainte elle-même, déposée par l’Eden Bay et M. Achour, j’estime qu’il est du droit de chacun d’avoir recours à la justice, tout comme il est de mon droit de porter plainte contre eux pour diffamation et poursuites abusives une fois que je serai officiellement notifié de la convocation, dit-il. Je n’ai pas contrevenu à la loi et j’attends d’être convoqué dans les règles. Et comme cela a été le cas une première fois, je me rendrai au Bureau de lutte contre la cybercriminalité, mais je ne déclarerai rien tant que je ne serai pas exactement informé de la teneur de la plainte. »



(Lire aussi : Un hydrogéologue répond au CDR : Pourquoi stocker de l’eau superficielle sur un réservoir d’eau propre ?)



« Quatre blessés par des tirs ! » s’insurgent les habitants de Aïn Dara
Pour leur part, les habitants du village de Aïn Dara (caza de Aley) ont apporté des précisions sur un incident survenu lundi dernier, qui a opposé des manifestants aux hommes du propriétaire de la méga-cimenterie al-Arz, Pierre Fattouche (voir L’OLJ du mardi 11 juin). Hier, dans un communiqué, ils ont fait le point pour rectifier ce qu’ils ont appelé « des informations incorrectes parues sur certains sites d’informations ». Ils ont ainsi précisé que « dans l’après-midi du lundi 10 juin, alors que des habitants s’apprêtaient à manifester pacifiquement à Dahr el-Baïdar contre l’usine de la mort, leur voiture a été prise dans une embuscade tendue par des éléments armés envoyés par Pierre Fattouche ».

Et le texte d’ajouter : « Durant ce sit-in pacifique, les milices de Pierre Fattouche ont tiré sur les habitants non armés, faisant quatre blessés : Antoine Badr, Samir Yammine, Rachid Badr et Raymond Badr, qui ont tous été hospitalisés. » Les habitants assurent que les tentatives d’intimidation ne les décourageront pas et qu’ils continueront à s’opposer à la construction de ce qu’ils considèrent comme une industrie polluante.



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commentaires (8)

Rien ne va dans notre beau pays ...sali, souillé, martyrisé par des incapables intellectuellement et puissant par la violence barbare. Qui va aider le Liban pour sortir de ce merdier ?

Sarkis Serge Tateossian

11 h 21, le 14 juin 2019

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Commentaires (8)

  • Rien ne va dans notre beau pays ...sali, souillé, martyrisé par des incapables intellectuellement et puissant par la violence barbare. Qui va aider le Liban pour sortir de ce merdier ?

    Sarkis Serge Tateossian

    11 h 21, le 14 juin 2019

  • Réponse : Ce n'est pas le Liban, mais presque. Il s'agit de Malte Le texte est de l'archevêque Mgr Scicluna qui a donné une leçon au gratin politique maltais réuni dans la cathédrale Saint-Jean à La Valette, capitale de l'île. Publié dans L'OBS du 6/6/2019 p.51.

    Un Libanais

    15 h 38, le 13 juin 2019

  • Aïn Dara, Bisri, Eden Bay, bateaux turcs, hydrocarbures offshore, carrières de Nahr-Ibrahim, sables de Meyrouba, occupation du domaine maritime public etc. "Si la première et la seule chose que nous cherchons est le gain ou les profits, la démocratie devient une kerdocratie (une société basée sur la course folle au profit) et de là, il est très facile de glisser vers une kleptocratie, un système de corruption d'Etat à grande échelle". De quel pays parle-t-on ? D'Albanie, de Chypre, de Kirghizistan, du liban, DE Malte,de la Roumanie, de Tadjikistan ou du Venezuela ? Je vous répondrai dans 15 minutes.

    Un Libanais

    14 h 01, le 13 juin 2019

  • AU LIEU DE FAIRE LA CHASSE AUX CONTREVENANTS ON CHASSE CEUX QUI PROTESTENT SUR LES CONTRAVENTIONS. LE PAYS ROULE A L,ENVERS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 41, le 13 juin 2019

  • Une cinquieme colonne agissant pour le compte de politiciens puissants et véreux fait impunément le chaud et le froid dans le pays. Notre système commence de plus en plus a ressembler a celui d’un voisin dont nous critiquions les libertés contrôlées et les abus sociaux d’expression il n’y a pas longtemps.

    Cadige William

    08 h 44, le 13 juin 2019

  • Chez nous, au Liban, c'est le monde à l'envers ! 1) un hôtel, l'Eden Bay, construit illégalement et contesté de toutes parts...porte plainte contre des militants 2) le clan Fattouche, protégé par certains de nos "resposables", fait tirer sur des manifestants protestant contre la méga-cimenterie de Aïn Dara 3) à Bisri, un manifestant se fait arracher une partie de son oreille Où allons-nous, Messieurs et Mesdames Michel Aoun, Raya el Hassan et autres ministres anciens et nouveaux de l'environnement, manifestement incapables de mettre de l'ordre dans notre société ? Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 39, le 13 juin 2019

  • Allez, la corruption au Liban a atteint un tel degré d’énormités que nos politiciens partenaires de toutes les magouilles illégales avec des hommes d’affaites véreux et sans foi ni loi, et qui se sentent intouchables car protégés par la loi du silence complice, trouvent normal d’user de méthodes mafieuses à relents communautaires pour envoyer leurs hommes de main terroriser les simples citoyens qui manifestent pacifiquement contre leurs projets scandaleux... Et notre Président ainsi que d’autres partis qui prétendent faire de la lutte contre la corruption leur priorité, non mais quelle honte... Pitié pour ce pauvre citoyen naïf qui croit encore pouvoir changer quoi que ce soit dans cette grotte d’Ali Baba!

    Saliba Nouhad

    03 h 23, le 13 juin 2019

  • MAIS DANS QUEL PAYS VIVONS NOUS? DES AGRESSEURS CONNUS NE SONT PAS POURSUIVIS DES MESSAGES CONTRE UN HOTEL EVIDEMENT CONSTRUIT EN DEPIT DE TOUTES REGLES MEME SI DES POTS DE VIN ONT ETE PAYE PROBABLEMENT POUR AVOIR QUELQUES LICENCES, UN HOTEL QUI BOUCHE AU CIMENT UNE VOIE D'EAU ET QUI FAIT DES DEGATS ENORMES DANS BEYROUTH ET OU AUCUNE ACTION N'EST ENTAMEE MAIS LA CYBERCRIMINALITES POURSUIT CEUX QUI ECRIVENT UNIQUEMENT CONTRE CET ETAT DE FAIT DES HOMMES ARMES DE FATTOUCH TIRENT SUR DES CIVILS DESARMES ET LE CHANTIER CONTINUE COMME SI RIEN NE S'EST PASSE QUAND EST CE QUE NOS POLITICIENS COMPRENDRONT QU'EUX MEMES ET LEURS PARTIS DOIVENT IMPERATIVEMENT ARRETTER LEURS COUVERTURES A DES CRIMINELS SI CE GOURNEMENT FORT PAR LE NOM UNIQUEMENT NE REALISE PAS QU'UN OURAGAN SE PREPARE CONTRE LUI PAR DES CENTAINES DE MILLIERS DE LIBANAIS QUI ONT EN MARRE DE CETTE SITUATION, C'EST QU'IL EST UN GOUVERNEMENT AVEUGLE ET SOURD AUX REVENDICATIONS DE LA POPULATION DE CE PAYS ANCIENEMMENT CONNU COMME LA SUISSE DU MOYEN ORIENT

    LA VERITE

    01 h 26, le 13 juin 2019

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