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Liban - Législatif

Le Parlement régularise les infractions immobilières

Fidèle à une pratique désormais ancrée dans les mœurs, l’élection de cinq membres du Conseil constitutionnel agréés d’avance suscite des protestations.

Le Parlement a observé une minute de silence à la mémoire des députés Robert Ghanem et Sami el-Khatib.

C’est dans un climat de contestation que le Parlement, réuni hier après une interruption de plusieurs mois, a relancé le travail législatif en adoptant une série de lois dont deux d’entre elles ont suscité une polémique se résumant à une tempête dans un verre d’eau. Les deux textes controversés – la régularisation des infractions immobilières enregistrées entre le 13 septembre 1971 et l’année 2018, et l’élection de cinq des dix membres du Conseil constitutionnel agréés d’avance – ont suscité une série de protestations qui n’ont vraisemblablement pas réussi à affecter l’issue du vote.

En début d’après-midi, les députés ont élu pour la première fois depuis 2015 cinq des dix membres du Conseil constitutionnel, laissant au gouvernement la tâche de nommer les cinq autres membres

Les cinq membres élus sont : Tannous Mechleb (maronite, proche du Courant patriotique libre, 72 voix) ; Aouni Ramadan (chiite, appuyé par le mouvement Amal, 73 voix) ; Akram Baassiri (sunnite, bénéficiant de l’aval du courant du Futur, 71 voix) ; Antoine Breidi (grec-orthodoxe, soutenu par le CPL, 72 voix) et Riad Abou Ghida (druze, soutenu par le Parti socialiste progressiste, 73 voix).

L’élection des cinq membres du Conseil constitutionnel, dont les noms convenus en amont selon la pratique de la répartition des quotes-parts à la tête des postes-clés de l’État avait filtré d’avance à la presse, ont suscité le courroux des députés Samy et Nadim Gemayel, auxquels s’est jointe la députée Paula Yacoubian pour dénoncer dans une conférence de presse un « détournement des institutions » et une « violation de la Constitution », cette élection n’ayant pas été prévue à l’ordre du jour.

L’objection des trois parlementaires a notamment porté sur le fait que les membres actuels du Conseil constitutionnel vont être remplacés, alors qu’ils ont encore entre les mains des dossiers en cours qui n’ont toujours pas été tranchés. Les députés ont critiqué également la manière dont les institutions continuent d’être contournées par des arrangements faits en amont.

« Les noms des candidats nous ont été distribués, ce qui constitue un coup fatal porté à l’indépendance de la justice », a commenté Mme Yacoubian. Déplorant à son tour « une mascarade qui perdure », Samy Gemayel a déclaré : « Ils ont imposé aux Libanais un Conseil constitutionnel concocté selon les règles de la distribution des quotes-parts. »

C’est le même son de cloche qu’avaient fait entendre la veille les Marada, par la voix du ministre des Travaux publics Youssef Fenianos, qui a ironisé sur les réunions « loin des feux de la rampe et qui usurpent le rôle du Parlement ».



(Lire aussi : La Chambre vote une loi exemptant de permis de travail les enfants de mère libanaise


Infractions immobilières et lutte anticorruption
Autre texte de loi qui a provoqué un tollé parmi les parlementaires, mais qui est quand même passé comme une lettre à la poste : la régularisation des infractions immobilières enregistrées entre le 13 septembre 1971 et l’année 2018. En dépit de la contestation du vote par vingt-cinq députés, le texte a été adopté après avoir toutefois subi un lifting de dernière minute, qui en dit long sur la perpétuation du clientélisme et des arrangements à l’amiable. Le texte de loi initial, qui portait sur les irrégularités enregistrées jusqu’en 2016, a été modifié de sorte à étendre son application notamment à l’Eden Bay, un complexe balnéaire largement décrié pour avoir été construit à même la plage publique de Ramlet el-Baïda, et pour avoir accumulé les infractions et les violations à la loi.

Dans un commentaire recueilli par L’Orient-Le Jour, le député du groupe joumblattiste, Bilal Abdallah, a estimé que cette loi est plutôt destinée à « camoufler les infractions commises surtout par les gens influents. Il y a des dizaines d’autres Eden Bay qui vont en profiter », a-t-il ironisé.

Prenant la défense du texte durant la séance, le ministre des Finances, Ali Hassan Khalil, a cherché à minimiser son impact, estimant qu’il permettra de « résoudre les problèmes des citoyens tout en assurant à l’État des rentrées importantes ». La loi prévoit en effet des taxes élevées que devront payer les contrevenants pour régulariser leur situation.

Parmi les contestataires de ce texte, le député Jamil Sayyed, qui a estimé qu’il équivaut à « une amnistie devant absoudre des crimes » commis contre l’urbanisme et l’environnement, et le député Michel Moawad, qui s’est demandé qu’est-ce qui pouvait justifier le motif « de circonstances exceptionnelles qui auraient prévalu de 1994 à 2018 » pour faire passer une telle loi.



(Lire aussi : Conseil constitutionnel : le devoir d’ingratitude)



Par ailleurs, les parlementaires ont approuvé la loi sur la lutte contre la corruption dans le secteur public qui prévoit notamment une commission nationale en charge de cette lutte, venant s’ajouter à la batterie de commissions créées et à l’efficacité extrêmement limitée. Cette proposition de loi avait été préparée par l’ancien député Robert Ghanem, disparu en février dernier, en étroite collaboration avec l’ancien député Ghassan Moukheiber qui, en coordination avec les membres du groupe parlementaire contre la corruption qu’il préside, a apporté certaines modifications au texte initial. Cette nouvelle loi prévoit des mesures préventives pour assurer un meilleur contrôle des comptes publics et lutter contre la corruption, mais elle n’est pas unique dans le genre. C’est ce qu’a rappelé le député du Hezbollah, Ibrahim Moussaoui, qui a relevé que ce texte vient s’ajouter à une série de lois destinées à lutter contre la corruption et qui, selon lui, devraient être rassemblées en un seul texte. Allant droit au but, le député du groupe Amal, Yassine Jaber, a affirmé qu’il était en faveur de cette loi « à condition qu’elle puisse s’appliquer ».

En outre, le Parlement a approuvé la modification du code pénal de sorte que chaque journée de détention pour un délit non infamant soit remplacée par huit heures de travaux d’intérêt général.

La Chambre a également adopté une loi qui exempte les enfants de mère libanaise et de père étranger de l’obtention d’un permis de travail, dans le cas où ces enfants bénéficient d’une carte de séjour de courtoisie. Les mères libanaises ne peuvent toujours pas transmettre leur nationalité à leurs enfants et leur conjoint en raison de la loi libanaise en vigueur.

Quelques heures après le début de la séance, les députés ont approuvé un texte de loi repoussant du 30 juin au 31 juillet la date d’expiration de la règle du douzième provisoire en matière de dépenses publiques, alors que la Chambre n’a toujours pas adopté le projet de budget de l’année en cours, approuvé par le gouvernement. Ce texte a été proposé par le président du Parlement Nabih Berry, qui a toutefois reconnu que la prolongation de l’adoption du douzième provisoire est une entorse à la Constitution, faisant assumer au gouvernement la responsabilité de cette entorse en raison, selon lui, du retard accusé dans l’approbation du projet de budget.


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commentaires (6)

Je constate que le pays a atteint le zero absolu en termes de pouriture éthique et politique. CEDRE ? N'y pensons même plus, le concept est mort-né.

Remy Martin

15 h 27, le 27 juin 2019

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • Je constate que le pays a atteint le zero absolu en termes de pouriture éthique et politique. CEDRE ? N'y pensons même plus, le concept est mort-né.

    Remy Martin

    15 h 27, le 27 juin 2019

  • PRECISION DE RIGUEUR : LES NOMS DES 5 " CANDIDATS" FURENT CARREMENT FORCES A NOS HONORABLE 128.

    Gaby SIOUFI

    12 h 36, le 27 juin 2019

  • La nomination de cinq des dix membres du Conseil constitutionnel dont deux pour le CPL du beau-père et et du beau-fils. C'est dégoûtant pour ne pas dire c'est chiant. La régularisation des infractions immobilières entre 1971 et 2018, cela fait vomir les descendants de Ali Baba et les 40 voleurs. Cela dégoûte un émigré de venir mettre les pieds au Liban, serait-ce une semaine. Tfeh sur tout ce monde qui gouverne le pays.

    Un Libanais

    11 h 38, le 27 juin 2019

  • "...la loi prévoit en effet des taxes élevées que devront payer les contrevenants pour régulariser leur situation..." Ben oui, promis, juré...!!! les contrevenants deviendront tout à coup des citoyens honnêtes et respectueux des lois, qui iront docilement et en grande vitesse payer ces "taxes élevées"...dont les montants rejoindront le circuit bien rôdé de la corruption, c'est à dire finiront dans les poches de ces très brillants et vertueux ministres, députés et autres responsables de ce malheureux pays. Messieurs, on en arrive à vous poser cette question: vous rendez-vous compte de l'état dans lequel vous plongez notre pays ??? Ou est-ce trop tard, étant vous aussi déjà rongés et détruits moralement par cette pourriture qui vous fait perdre toute notion de décence et d'honneur ??? Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 39, le 27 juin 2019

  • une fois n'est pas coutume - je suis d'accord avec Jamil Sayyed. Au Liban, les lois sont faites pour être violées. Dans un pays où règne un Etat de droit, les bâtiments construits illégalement doivent être détruits aux frais du coupable. Ici, le coupable est autorisé à profiter de son crime.

    Yves Prevost

    06 h 38, le 27 juin 2019

  • ILS REGULARISENT LA CORRUPTION DES PETITS ET MOYENS POUR REGULARISER CELLE DES ABRUTIS GRANDS REQUINS. LE STRATAGEME EST CLAIR COMME LE JOUR. LES BARGES TURQUES EN PREMIER EXEMPLE. ETC... ETC... ETC...

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 11, le 27 juin 2019

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