Rechercher
Rechercher

Les collections institutionnalisées - Collections

Des maîtres anciens aux œuvres contemporaines, les « pièces choisies » par Raymond Audi

Derrière la riche collection d’art international et libanais de Bank Audi, un amateur éclairé, esthète visionnaire et généreux mécène : Raymond Audi.

La « Tour dentellière » de Jean Dubuffet postée à l’entrée de Bank Audi au centre-ville. Photo Michel Sayegh

Qui ne s’est pas arrêté devant la Tour dentellière, impressionnante sculpture monumentale de Jean Dubuffet postée dans le hall d’entrée du siège central de Bank Audi, au centre-ville ? Une pièce emblématique de la collection internationale de cette institution financière. L’une des toutes premières, sinon la première, au Liban à avoir introduit l’art dans ses locaux. Et cela grâce à la passion du beau de Raymond Audi, son ex-PDG. Un amateur éclairé et visionnaire qui, au-delà du plaisir égoïste de la jouissance personnelle des œuvres, a été le précurseur, dès le début des années 1970, d’une forme de mécénat encore inexistante au pays du Cèdre. Celle qui consiste à promouvoir l’art sous toutes ses formes (picturale, sculpturale, architecturale et patrimoniale) et à soutenir la création libanaise.

En fait, l’un des éléments déclencheurs de la collection a été l’acquisition et la restauration, quelques années avant le début de la guerre, d’une belle demeure ancienne à Achrafieh (aujourd’hui villa Audi) pour en faire le siège de la banque. Ce geste, inédit à l’époque au Liban, a naturellement impliqué pour Raymond Audi un comportement d’esthète, que ce féru d’architecture n’a pas eu de difficulté à endosser. Dès lors, les achats d’œuvres anciennes et contemporaines ont naturellement accompagné l’établissement des différentes branches de la banque dans les édifices de prestige que ce banquier, à l’âme de bâtisseur, n’a cessé d’ériger tout au long de sa carrière. Depuis le centre Sofil, à la construction entamée avant la guerre, jusqu’à l’actuel siège central à Bab Idriss (signé Kevin Dash, en 2001), qu’il a voulu comme un écrin pour les peintures et sculptures accumulées.

D’ailleurs, quiconque pénètre dans cet immeuble ne peut que ressentir qu’il est littéralement « habité » par l’art. Et notamment par des pièces internationales de très grande valeur. Ainsi, outre la Tour dentellière de Dubuffet, une gigantesque huile sur toile de François Rouan accueille les visiteurs. Tandis qu’au fil des espaces et des patios, des sculptures de Bernar Venet, d’Alain Kirili ou encore d’A.R. Penck, ainsi que des huiles de Marwan Bachi et des toiles de Jean-Pierre Pincemin donnent le ton d’une prédilection pour le contemporain et l’abstrait.

Des débuts classiques

C’est pourtant avec la peinture flamande des XVIe et XVIIe siècles que Raymond Audi a véritablement démarré sa politique d’acquisition d’œuvres artistiques. En Suisse, où la banque s’était implantée au cours des premières années de la guerre libanaise, il achète, sur les conseils avisés de grands spécialistes, plus d’une vingtaine de tableaux de maître anciens. Des portraits, des scènes de genre, des paysages et des natures mortes signés, entre autres : Pierre Brueghel, Lucas Cranach l’Ancien, Jan Cornelius Verspronck, Jan Van Goyen ou encore Louise Moillon… Un premier ensemble de haut vol qui orne depuis les murs du siège social de la banque à Genève.

Puis, à la faveur de la récupération d’une créance, l’art moderne est venu nourrir cette collection de quelques belles toiles d’Édouard Vuillard, de Raoul Dufy, Bernard Buffet ou encore Paul Delvaux…

Virage contemporain

Mais le grand virage se fera à partir des années 1980, lorsque, avec la complicité de son fils, le philosophe Paul Audi, Raymond Audi se tourne vers l’art contemporain. Pour ce passionné d’archéologie, qui a rassemblé une collection personnelle d’objets de fouilles gréco-romains et surtout de mosaïques – dont les plus importantes sont exposées à la villa Audi, désormais transformée, sous l’égide de la Fondation Audi, en musée didactique et centre d’art –, le contact et la confrontation de l’art ancien et actuel enrichissent la vision et la compréhension du présent et du passé. Car, derrière le désir de ce banquier de faire travailler ses équipes au sein d’une architecture et parmi des œuvres de qualité, pointe sa volonté d’apporter des éléments fédérateurs dans une société encore trop souvent dominée par des divergences d’opinions politiques et religieuses…

Soutien aux artistes libanais

Un engagement citoyen par l’art, l’architecture, la préservation du patrimoine que cet homme, qui a toujours aimé intervenir dans la cité et pour la cité, va couronner par une vaste collection d’art libanais. Moderne bien sûr, avec des toiles de Georges Cyr (auquel il est particulièrement sensible pour avoir été le professeur de son frère Jean Audi, peintre amateur trop tôt disparu), de Chafic Abboud ou encore d’Élie Kanaan…

Mais surtout contemporaine.

Car ce mécène, qui a toujours cru dans le Liban et a toujours voulu mettre en avant ses lieux de vigueur, va accompagner dès la fin de la guerre le renouveau de sa scène artistique. Il sera, là aussi, l’un des premiers chefs d’entreprise de la place à se lancer dans une forme d’acquisition de soutien aux artistes dans lesquels il croyait. À l’instar de Mohammad el-Rawas, Chawki Chamoun, Amin el-Bacha et surtout la génération des Hannibal Srouji, Bassam Geitani et Youssef Aoun… Sans oublier Paul Wakim et Jean-Marc Nahas, auxquels il a commandé nombre d’œuvres réalisées in situ dans différentes branches de la banque. Une institution financière dont la collection de pièces choisies témoigne, s’il en faut, que l’art et l’argent font bon ménage quand ils sont utilisés à bon escient et avec une discrète élégance !

Qui ne s’est pas arrêté devant la Tour dentellière, impressionnante sculpture monumentale de Jean Dubuffet postée dans le hall d’entrée du siège central de Bank Audi, au centre-ville ? Une pièce emblématique de la collection internationale de cette institution financière. L’une des toutes premières, sinon la première, au Liban à avoir introduit l’art dans ses locaux. Et...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut