Deux partisans du Parti démocratique libanais (du député druze Talal Arslane) sont décédés et deux autres personnes ont été blessées dimanche en fin de journée dans le caza de Aley lors d'échanges de tirs visant le convoi du ministre libanais d’État pour les Affaires des réfugiés, Saleh Gharib. Cet incident intervient dans un contexte de tension entre les partisans du Parti socialiste progressiste (PSP du leader druze Walid Joumblatt) et le convoi du ministre des Affaires étrangères et chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, en tournée dans la région.
Réagissant à ces incidents, le chef de l'Etat, Michel Aoun, a convoqué lundi matin le Conseil supérieur de la défense, tandis que l'armée et les Forces de sécurité intérieure se déployaient dans la région de Aley.
"Tentative d'assassinat de Bassil"
Alors que le convoi de M. Gharib passait dans la localité de Qabr Chamoun, son véhicule s'est retrouvé au centre d'une fusillade avec des partisans supposés du PSP. Trois des gardes du corps du ministre, Karim Gharib, Rami Salmane et Samer Abi Faraj, ont été blessés et les deux derniers sont morts de leurs blessures après avoir été hospitalisés. Un membre du PSP, Samer Ghosn, a également été blessé par les tirs de représailles en provenance du convoi du ministre.
Selon des informations de la chaîne de télévision locale LBCI, M. Gharib avait rejoint Gebran Bassil dans la localité de Chemlane, où il a été convenu d'annuler la visite du chef du CPL à Kfarmatta, en raison d'incidents ayant éclaté, plus tôt, avec les habitants. C'est à son départ de cette réunion avec M. Bassil que le convoi de Saleh Gharib a été pris pour cible par des tireurs.
Selon une source du Parti démocrate libanais de Talal Arslane, rival du chef du PSP Walid Joumblatt, la fusillade était "un piège armé et une tentative d'assassinat de Gebran Bassil". "Ceux qui ont ouvert le feu sont des partisans du PSP et ils ne savaient pas que le convoi qu'ils ont visé était celui du ministre Gharib", a ajouté cette source à la chaîne de télévision locale LBCI.
Dans un communiqué, le PSP a de son côté affirmé que les gardes du corps du ministre Gharib ont "tiré en l'air et en direction de manifestants, dont un a été blessé. Certains de ces manifestants, qui étaient armés, ont réagi et ont ouvert le feu en direction des tirs, afin de se défendre". Le texte précise que ce déroulement des événements est attesté dans différentes vidéos, qui ont été transmises aux forces de l'ordre.
Déploiement de l'armée et des FSI
Après l'annonce du décès des deux gardes du corps de M. Gharib, le président de la République, Michel Aoun, a mené différents contacts afin d'assurer que la situation sécuritaire est sous contrôle dans la région de Aley. Il a appelé le Conseil supérieur de la défense à se réunir lundi matin au palais de Baabda. Le Premier ministre, Saad Hariri, a de son côté affirmé avoir pris contact avec Gebran Bassil et les responsables du PSP et du PDL, de même qu'avec le directeur des Forces de sécurité intérieure, le général Imad Osman, afin de leur demander de "mettre un terme aux incidents dans la montagne" et de déployer tous les efforts possibles pour apaiser la situation.
En fin de journée, le ministre de la Défense, Elias Bou Saab, a assuré que l'armée avait été massivement déployée dans la Montagne. "Il ne faut pas prendre à la légère cet incident", a-t-il affirmé, appelant les habitants du caza de Aley à l'apaisement et à "laisser la justice suivre son cours". La ministre de l'Intérieur, Raya el-Hassan, a affirmé qu'une enquête avait été ouverte par les forces de l'ordre. "Ce qui compte maintenant, c'est d'apaiser les esprits", a-t-elle souligné, estimant que les incidents de dimanche "mettent de l'huile sur le feu" des dissensions internes ce qui "donne une image négative du Liban alors que nous sommes aux portes d'un été prometteur".
Des agents des FSI et des soldats ont également été massivement déployés sur l'autoroute de Khaldé, où se trouve le domicile de M. Arslane, qui avait été fermée dans les deux sens par des manifestants. Les forces de l'ordre ont procédé à la réouverture de cette route.
"La montagne est à tout le monde"
Le député Talal Arslane a affirmé que son parti, le PDL, n'a "jamais contribué aux dissensions dans la Montagne". "La Montagne n'est pas un canton réservé à une seule partie, elle est à tout le monde", a-t-il affirmé, annonçant qu'il tiendrait une conférence de presse sur les circonstances de la fusillade lundi. Walid Joumblatt a pour sa part refusé de se laisser entraîner dans "des bagarres médiatiques concernant ce qu'il s'est passé". "Je demande une enquête loin des médias", a-t-il écrit sur Twitter.
Dimanche soir, le CPL a souligné dans un communiqué que le mouvement de protestation des habitants du caza de Aley, pendant les deux jours de la visite du ministre Bassil dans cette région, indiquaient "des intentions suspectes" au niveau de la sécurité. Le parti aouniste souligne que la tournée de Gebran Bassil visait à "rendre visite aux partisans chrétiens et musulmans et ouvrir des bureaux dans des régions mixtes du pays". Le CPL appelle ses partisans dans la région de Aley à "se tenir à l'écart des tensions", réaffirmant "son engagement à persévérer dans la voie de la réconciliation dans la montagne libanaise".
En fin de soirée, des responsables des partis alliés au CPL et au PDL se sont réunis au domicile de Talal Arslane, à Khaldé. Étaient notamment présents le député aouniste César Abi Khalil, et son collègue au sein du CPL, le ministre des Déplacés, Ghassan Atallah, l'ancien ministre druze Wi'am Wahhab et le ministre d’État aux Affaires du Parlement, Mahmoud Comati, membre du Hezbollah. A l'issue de cette réunion, le ministre Atallah a déclaré que les deux "martyrs" tués ce dimanche ne seraient pas enterrés tant que les assaillants ne seraient pas traduits en justice. "Ce n'est pas une seule personne qui a perpétré ce meurtre mais une partie qui veut que la montagne reste un +canton+ qui lui est réservé", a-t-il ajouté.
Cet incident est survenu alors que plus tôt dans la journée, des dizaines de jeunes, identifiés comme partisans du PSP, avaient coupé les routes menant à la localité de Kfarmatta devant le convoi du chef du CPL, en tournée dans le casa de Aley.
Selon l'ANI, toutes les routes menant à la localité avaient été coupées par des habitants, notamment au moyen de voitures parquées au milieu des voies de circulation et de pneus enflammés. Des échauffourées ont éclaté entre les manifestants et des soldats dépêchés sur place, ce qui a mené à l'arrestation de plusieurs personnes.
Le ministre de l’Éducation Akram Chehayeb (PSP) et un autre responsable du parti joumblattiste ont mené des démarches pour débloquer la situation et rouvrir les routes, rapporte encore l'Ani.
Présent sur place à Kfarmatta, M. Chehayeb a affirmé que le chef du CPL était "le bienvenu" dans la localité "à condition que sa visite ne prenne pas de caractère politiquement radical et violent". Il a souligné que "des visites similaires ont ramené les relents de la guerre, que les habitants de la Montagne avaient oubliée". En 1983, Kfarmatta avait été le théâtre d'un massacre de druzes, dans le cadre de la guerre de la Montagne. "Les visites sont un droit démocratique, mais elles doivent se faire sur base de l'entente interne et fédérer le pays, pas le diviser, dans l'esprit de la réconciliation établie par le défunt patriarche Nasrallah Sfeir", a ajouté M. Chehayeb.
La réconciliation entre les druzes et les chrétiens dans la région a été scellée en août 2001, près de deux décennies après la guerre de la Montagne de 1983. Celle-ci avait opposé les miliciens druzes du PSP aux Forces libanaises, après le retrait de l’armée israélienne du Chouf. Les affrontements entre les deux camps se sont soldés par la mort de plusieurs milliers de personnes, la destruction de maisons et d’églises. Les chrétiens de la Montagne ont, en outre, été forcés de quitter leurs villages. Ils n’y retourneront que des années plus tard, et le processus sera couronné avec la visite qualifiée d’"historique" du patriarche Sfeir effectuée du 3 au 5 août 2001 et l’accueil triomphal qui lui a été réservé dans la totalité des villages.
De son côté, l'ancien ministre Wi'am Wahhab, autre opposant politique de M. Joumblatt, a reproché à ce dernier le comportement des jeunes ayant tenté d'empêcher le passage du convoi de M. Bassil. "Ce qu'il s'est passé lors de la tournée de Bassil ne vous ressemble pas, ni à vous Walid Bey, ni à Teymour (le député Teymour Joumblatt, fils du leader du PSP), un jeune homme prometteur et respectueux", a tweeté M. Wahhab. "Fermer les routes donne une image négative de nos villages", a-t-il ajouté.
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commentaires (11)
GENDRISSIMALEMENT BIEN SUR LE RISQUE.
LA LIBRE EXPRESSION
09 h 05, le 01 juillet 2019