Fitch Ratings, l’une des principales agences de notation financière américaine avec Moody’s et Standard & Poor’s, estime que même si le projet de budget de 2019 a pour objectif d’assainir les finances publiques, il ne sera pas entièrement exécuté comme le prévoit le gouvernement. « Nous ne prévoyons pas une mise en œuvre totale du projet de budget », a indiqué l’agence dans un communiqué publié hier.
Le projet de budget approuvé par le gouvernement fin mai, et examiné actuellement en commission parlementaire, « table sur un déficit à 7,6 % du PIB en 2019 contre 11,1 % en 2018 », rappelle Fitch Ratings, qui pense que ce ratio devrait plutôt atteindre 9 % en 2019. Car à l’instar de plusieurs économistes et hommes politiques libanais, l’agence américaine juge « optimistes » les prévisions de recettes fiscales compte tenu « d’une croissance économique minime et de l’inefficience de la collecte ». Elle pense aussi que les réductions budgétaires prévues, à travers le gel du recrutement dans la fonction publique et la réduction des primes accordées aux fonctionnaires, seront difficiles à mettre en œuvre.
Fitch Ratings considère aussi que « des réformes budgétaires et structurelles supplémentaires seraient nécessaires pour stabiliser le ratio dette publique/PIB ». Puisque « même si le projet de budget venait à être entièrement exécuté, il ne constituerait qu’un premier pas vers la stabilisation du ratio dette publique/PIB (à 151 % en 2018), car cela nécessiterait que le ratio déficit public/PIB soit réduit à au moins 5,5 % », a-t-elle relevé.
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Recours accru au financement de la BDL
En outre, l’agence américaine voit dans les propositions d’émettre des bons du Trésor en deçà des taux du marché, destinés à être achetés par la Banque du Liban, une preuve « de la difficulté de réduire les dépenses publiques, mais aussi d’une liquidité limitée dans le système financier ». Le gouvernement prévoit l’émission cette année de bons du Trésor à taux réduit (à 1 %, alors qu’un bon du Trésor d’une maturité de deux ans est actuellement à 7 %) d’une valeur de 11 000 milliards de livres libanaises, soit plus de 7,2 milliards de dollars, ce qui a pour objectif de contenir la hausse du service de la dette face à la hausse des taux d’intérêt et de la dette cette année. Comme l’a confirmé mardi le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, la BDL devra assumer seule le coût de cette opération, qui représentera selon les calculs de Fitch Ratings près de la moitié de l’effort de réduction budgétaire prévue dans le projet de budget, soit 0,6 % du PIB. Le gouvernement envisageait dans un premier temps d’inclure également les banques commerciales, mais elles ont refusé craignant que cela ait un impact négatif sur leur rentabilité. En 2018, une transaction similaire avait eu lieu entre le ministère des Finances et la BDL, qui avait souscrit à des bons du Trésor à 1 % d’une valeur de 8 300 milliards de livres, soit 5,5 milliards de dollars. « Si emprunter à un taux artificiellement bas permettra au gouvernement d’économiser de l’argent (les intérêts s’élèvent à 30 % du total des dépenses de l’État), cela indique également une certaine tension financière et soulève des questions sur la viabilité de la dette de l’État, compte tenu surtout du recours accru à la Banque centrale pour le financement », prévient l’agence américaine.
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Balance des paiements « sous pression »
Fitch Ratings considère également que la balance des paiements du Liban « est sous pression », au regard de la baisse continue des réserves en devises de la Banque du Liban et des dépôts bancaires au cours des quatre premiers mois de 2019. « Le total des dépôts dans les banques commerciales a diminué de fin 2018 à maintenant et n’a augmenté que de 0,7 % en avril par rapport à la même période un an plus tôt, alors que la croissance des dépôts en devises (4 à 5 %) reflète en partie la conversion en dollars des dépôts en livres libanaises », note l’agence. De plus, « étant donné que le taux d’intérêt moyen sur les dépôts en livres était de 8,6 % et sur les dépôts en devises de 5,7 %, les données d’avril suggèrent que le stock de dépôts (sans prendre en compte les gains d’intérêt réinvestis) a considérablement diminué, même en glissement annuel », alerte-t-elle.
Pour sa part, Riad Salamé s’est encore une fois montré rassurant hier sur l’équilibre du marché des changes et la stabilité de la situation monétaire, à l’issue d’un entretien avec le président Michel Aoun. « Les marchés des changes sont équilibrés et la situation monétaire est stable. La bourse électronique qui fonctionnera sous le contrôle de l’Autorité des marchés financiers contribuera à la croissance économique et attirera des fonds du monde entier, notamment des expatriés libanais », a affirmé le gouverneur de la BDL. M. Aoun a ensuite reçu une mission du Fonds monétaire international (FMI), conduite par Chris Jarvis et qui se trouve actuellement au Liban dans le cadre des consultations annuelles, et qui aura pour principal objectif l’évaluation du budget de 2019.
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commentaires (5)
Nous doutons du pays tout entier et non seulement du Budget. Même un effondrement total du système n’y changerait rien tant que nos pantins et incapables demeurent au pouvoir.
paznavour
10 h 29, le 27 juin 2019