Bien que toujours latente, la bataille dans la perspective des nominations administratives bat plus que jamais son plein, notamment entre le Courant patriotique libre et son partenaire chrétien, les Forces libanaises.
Hier, le chef des FL Samir Geagea s’est à nouveau invité dans la partie, tout en passant à l’acte. Deux jours après sa rencontre avec le Premier ministre, Saad Hariri, et son dernier point de presse au cours duquel il avait réitéré ses vues au sujet de l’adoption d’un mécanisme clair pour les nominations et exhorté le président de la République, Michel Aoun, à intervenir personnellement pour sauver la situation, M. Geagea a dépêché hier son proche collaborateur, Melhem Riachi, à Baabda pour un entretien avec le chef de l’État sur la question.
Selon un communiqué publié par le bureau de presse de la présidence, M. Riachi a remis au président Aoun un message de la part de Samir Geagea, articulé autour des derniers développements au Liban et dans la région.
Un cadre FL contacté par L’Orient-Le Jour explique que cette initiative s’inscrit dans la continuité du forcing mené par les FL pour que les nominations administratives obéissent à un mécanisme clair axé sur le mérite et permettant de mener les bonnes personnes aux bonnes places au sein de l’administration. « Outre la dimension liée au mérite, nous sommes convaincus que l’adoption d’un tel mécanisme est un acquis qui pourrait être enregistré à l’actif du mandat Aoun, et qui viendrait s’ajouter à celui de la nouvelle loi électorale (adoptée en juin 2017) », souligne le responsable proche de Samir Geagea. Il est revenu à la charge au sujet de la nécessité, pour le président Aoun, d’intervenir personnellement pour tenter de contenir son gendre et leader du CPL, Gebran Bassil, et mettre un terme aux querelles politiques à même de menacer la pérennité du compromis présidentiel.
Mais en dépit de ces critiques implicites adressées à Gebran Bassil, le cadre FL tient à assurer que le parti entretient de bons rapports avec le chef de l’État, en sa qualité de président de la République, qui devrait selon lui rester à l’écart des querelles liées à la politique politicienne. Il fait savoir, en outre, que le troisième point de la lettre de M. Geagea au locataire de Baabda porte sur l’importance de respecter la distanciation du Liban par rapport aux conflits des axes régionaux. « Nous exhortons Michel Aoun à convaincre le Hezbollah de respecter cette politique, à la lumière des développements dangereux dans le Golfe », soutient le cadre FL.
(Lire aussi : Bou Saab chez Hariri pour un replâtrage des relations)
Futur-CPL
En attendant la réaction du chef de l’État au message de Samir Geagea, le CPL poursuit ses préparatifs pour la bataille des nominations en Conseil des ministres, face aux FL. Mais il continue d’envoyer des signaux positifs à la Maison du Centre dans la foulée de la longue réunion tenue lundi entre Saad Hariri et Gebran Bassil. Une façon pour la formation orange de réaffirmer son attachement indéfectible à l’entente de 2016.
Le ministre de la Défense, Élias Bou Saab, s’est ainsi rendu à la Maison du Centre et y a rencontré M. Hariri, en présence de Ghattas Khoury, conseiller politique du Premier ministre. S’exprimant à l’issue de la rencontre, M. Bou Saab a déclaré avoir senti que M. Hariri « n’établit aucune distinction entre l’armée libanaise et le reste des appareils de sécurité » en matière de budget. Le ministre de la Défense se rétractait ainsi par rapport à des prises de position antérieures. Au lendemain de l’attaque terroriste perpétrée à Tripoli à la veille de la fête du Fitr, le 3 juin, M. Bou Saab avait déploré le fait que Saad Hariri n’était pas entré en contact avec lui, sachant que l’attaque avait coûté la vie à deux membres de l’institution militaire. « Peut-être qu’il se sent plus concerné par les FSI », avait-il lancé dans une allusion à peine voilée au fait que le général Imad Osman, directeur général des FSI, est proche du courant du Futur.
(Lire aussi : Vers une nouvelle collusion CPL-Futur ?)
C’est dans le même cadre que s’inscrivent les déclarations hier du ministre aouniste concernant le tribunal militaire. « Ma visite au tribunal militaire (effectuée le 29 mai dernier) n’a pas été évoquée aujourd’hui, dans la mesure où il s’agit d’un droit du ministre de la Défense. Je ne pense pas que M. Hariri estime que je me suis ingéré dans (l’activité du) tribunal », a-t-il souligné. Il faisait ainsi allusion au jugement émis par le tribunal militaire le 30 mai dernier (soit un jour après la tournée d’Élias Bou Saab) dans l’affaire Ziad Itani. M. Bou Saab répondait par la même occasion aux accusations lancées implicitement par M. Hariri contre le parti de Gebran Bassil de s’être ingéré dans l’action de la justice dans le cadre de cette affaire.
Engagés dans ces efforts pour consolider leur partenariat, aounistes et haririens continuent de s’attirer les foudres du chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt. Hier, le leader druze a posté un tweet critiquant, une fois de plus, le compromis politique de 2016 : « Le pacte bipartite n’a rien à voir avec le pacte national. L’un prône l’élimination (d’autrui) et l’arrivisme à tout prix, et l’autre défend la pérennité et le partenariat, quel qu’en soit le prix (...) », a-t-il écrit.
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commentaires (4)
Pourquoi tant de détours sinueux ? Le "gendre" n'aura pas une part plus grande que celle proportionnelle au nombre des députés de son bloc, vu que la règle adoptée dans les nominations administratives repose sur le nombre des élus de chaque parti. Toutes les discussions autour du sujet ne servent désormais qu'à envenimer gratuitement la situation .
Hitti arlette
22 h 26, le 21 juin 2019