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Chanson phare, mythique, universelle, increvable, que celle mise en paroles par l’écrivain Albert Vidalie et qu’interprétait magistralement, en 1967, le chanteur et comédien Serge Reggiani. D’emblée, Les Loups sont entrés dans Paris était perçue par le public comme une bouleversante évocation de l’entrée des troupes hitlériennes dans la Ville-Lumière. Vite récupérée par les rebelles de mai 68 affirmant faire face au fascisme policier, la même et magnifique chanson a connu un triste regain d’actualité, en France, avec l’irruption d’un fléau terroriste aussi omniprésent que meurtrier.

Si, en ce moment, au Liban, on parle beaucoup du loup, c’est bien d’ailleurs parce que le terrorisme vient d’y opérer un dramatique retour en force, avec la folle équipée de ce jihadiste qui, lundi à Tripoli, abattait deux militaires et deux policiers, avant d’être tué par l’explosion de la grenade qu’il s’apprêtait à lancer sur les forces de l’ordre qui l’assiégeaient. Vous avez bien lu, c’est du loup que l’on parle, et non des loups. Car, comme pour toute chose dans notre pays, on a commencé par polémiquer furieusement sur la question de savoir si le forcené a agi ou non de son propre chef et s’il avait ou non des complices. Hier, la ministre de l’Intérieur a paru s’en tenir à la thèse du loup solitaire, vocable désignant toute personne qui use de violence criminelle à titre individuel, hors de toute chaîne de commandement partisane ou idéologique. Elle a souffert mille martyres, toutefois, quand il lui a fallu cautionner vigoureusement le terme de déséquilibré mental décerné au terroriste : diagnostic qui, selon elle, ne visait pas, bien au contraire, à atténuer la gravité du crime.

Alors, loup solitaire ou meutes de loups tapis dans les sombres fourrés de la jungle politique libanaise ? Bénigne est la controverse, comparée aux accusations de complaisance, sinon de collusion avec le terrorisme, lancées contre un des principaux services sécuritaires du pays : et à travers lui contre le courant politique qu’il passe pour représenter. À l’appui de ces allégations a ainsi été avancée l’insistance dudit service à s’approprier le dossier, déjà bien lourd, du jihadiste de Tripoli qui a fait le coup de feu en Syrie. Également citées ont été les interventions occultes de ce même service auprès du tribunal militaire afin que soit écourtée, dans la mesure du possible, la mise à l’ombre de Abdel Rahman Mabsout.

Partout ailleurs, et la ministre Raya el-Hassan ne s’est pas fait faute de le rappeler, il arrive que des activistes pourtant fichés par la police, et théoriquement placés sous surveillance, parviennent quand même à accomplir leur sinistre mission. De même, tous les pays peuvent connaître une guerre des polices, l’impératif d’émulation portant l’une ou l’autre de celles-ci à refuser jalousement de partager avec les autres les renseignements dont elle dispose. Mais nulle part au monde la fracture nationale est telle qu’elle s’étend jusqu’aux appareils censés protéger l’État et les citoyens hors de toute considération clanique. Nulle part ailleurs les diverses officines d’espionnage ou de contre-espionnage ne font l’objet d’une répartition entre communautés religieuses, comme s’il ne s’agissait que d’une vulgaire attribution de portefeuilles ministériels à la libanaise. Nulle part les éventuels exploits et échecs des services ne sont matière à exploitation de propagande partisane ou à féroces règlements de comptes politiques.

Et dire que l’on trouve encore moyen de s’affoler à l’idée que les loups n’ont peut-être jamais cessé de folâtrer dans la ville…

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Chanson phare, mythique, universelle, increvable, que celle mise en paroles par l’écrivain Albert Vidalie et qu’interprétait magistralement, en 1967, le chanteur et comédien Serge Reggiani. D’emblée, Les Loups sont entrés dans Paris était perçue par le public comme une bouleversante évocation de l’entrée des troupes hitlériennes dans la Ville-Lumière. Vite récupérée par les...