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Liban - Éclairage

L’attentat de Tripoli entravera-t-il l’adoption d’une loi d’amnistie générale ?

Le texte, qui concernerait nombre de détenus islamistes et de personnes impliquées dans des affaires de drogue, pourrait moins faire l’unanimité après l’attaque menée par un « loup solitaire » relevant de l’EI.

Des proches de détenus islamistes manifestant en faveur d’une loi d’amnistie générale. Photo d’archives ANI

Le texte de loi sur l’amnistie générale, une revendication de longue date des familles de détenus islamistes qui se trouvent en prison depuis de nombreuses années, parfois sans jugement, est régulièrement mis sur le tapis sans jamais avoir été tranché. La question a été soulevée avant les élections législatives de mai 2018, mais reportée à plus tard, avant d’être de nouveau débattue au début de cette année, avec les mêmes problématiques comme la répartition communautaire entre les bénéficiaires et les critères de sélection à adopter pour définir la liste de ceux qui pourraient en profiter (voir L’OLJ du 19 avril 2019). Mais serait-elle compromise après l’attentat perpétré par Abdel Rahmane Mabsout lundi soir à Tripoli, faisant quatre morts dans les rangs de l’armée et des Forces de sécurité intérieure, sachant qu’il avait lui-même été emprisonné pour appartenance à une organisation terroriste, puis relâché ?

L’ancien député Moustapha Allouche, cadre du courant du Futur, pense que « certains pourraient utiliser cet incident pour suggérer qu’il ne faut pas sortir les islamistes de prison », faisant remarquer à L’OLJ qu’il « y a eu des commentaires ces derniers jours qui font l’amalgame entre tous ceux qui répondent à ce profil ». « Or c’est exactement le contraire qui devrait être fait, poursuit-il. Accélérer les procès de ceux qui croupissent en prison depuis des années, ou appliquer une loi d’amnistie générale, pourrait réduire le sentiment d’injustice susceptible de pousser certains individus à des actes tels que celui-là. »

Mabsout avait lui-même été libéré après une peine de prison… « Il avait cependant purgé sa peine, répond-il. Que faudrait-il faire ? Emprisonner toute personne qui serait susceptible de commettre un tel acte ou qu’on soupçonnerait d’en être capable ? Garder certains prisonniers derrière les barreaux à vie sans jugement ? À partir d’un certain moment, il faudrait faire un choix. »

La nécessité de lutter contre l’injustice afin de dissuader les jeunes de suivre la voie du terrorisme est un point de vue partagé par un responsable islamiste modéré de Tripoli, ayant requis l’anonymat. Il assure qu’une amnistie profitant aux personnes méritantes contribuerait à aider tous ceux qui combattent l’extrémisme dans la ville. Selon lui, des centaines de prisonniers libérés ont retrouvé une vie normale à Tripoli.


(Lire aussi : Services non compris, l'édito de Issa GORAIEB)


Amnistie ou accélération des jugements ?

Autre son de cloche : réagissant à l’attentat de Tripoli, le député Chamel Roukoz, du bloc aouniste, a exprimé une opinion assez nette sur le sujet lors d’un entretien à la MTV hier, estimant que l’amnistie générale devrait être remplacée par une loi pour l’accélération des jugements, afin que les innocents puissent sortir de prison, et que les criminels ne soient pas amnistiés pour autant. Il a affirmé avoir présenté une proposition de loi en ce sens.

Interrogé par L’OLJ, l’ancien député et cadre du Hezbollah Nawwar Saheli pense pour sa part que l’incident de Tripoli n’aura pas une incidence déterminante sur le projet de loi sur l’amnistie. Rappelons, à ce sujet, que le texte de loi sur l’amnistie dont il est question devrait concerner un millier de détenus islamistes, quelque 5 000 cas chrétiens et près de 30 000 chiites (qu’ils soient détenus ou faisant l’objet de mandats d’arrêt, voir L’OLJ du 19 avril).

« L’amnistie ne devrait en tout cas pas concerner les détenus jugés pour des crimes qu’ils ont effectivement commis, ou pour des attaques contre les forces armées par exemple, affirme M. Saheli. L’amnistie ne devrait porter que sur les personnes qui, même si elles ont été arrêtées sur soupçons d’appartenance à des organisations extrémistes, ne sont jamais passées à l’acte. Voilà pourquoi l’attaque terroriste de lundi dernier ne change pas vraiment la donne. »

Exprimant son point de vue personnel sur la question, l’ancien député de Tripoli Misbah Ahdab dénonce les nombreuses incohérences qui entachent ce dossier, estimant que « beaucoup de criminels sont protégés par des politiciens, alors que des innocents se trouvent toujours dans les prisons pour des raisons beaucoup plus triviales ». « Est-ce logique qu’un homme qui a combattu avec Daech soit libéré au bout d’un an alors que d’autres sont derrière les barreaux depuis des années sur de simples soupçons ? dit-il à L’OLJ. De quelle justice on parle ? Il faut éviter à tout prix que Tripoli ne tombe dans l’extrémisme. »


(Pour mémoire : L’amnistie contre la libération de Samaha?)


L’ancien député insiste sur la nécessité de trouver une solution, se disant favorable à la proposition du député Roukoz d’accélérer les jugements. « Si une loi d’amnistie devait être adoptée, il faut savoir avec précision qui en profite, afin qu’elle bénéficie à ceux qui en ont vraiment besoin », affirme-t-il.

Outre la question d’un éventuel impact de l’attentat de Tripoli sur l’adoption du texte de loi, celui-ci pourrait-il voir le jour bientôt ? Selon Moustapha Allouche, « cette loi ne devrait être remise sur le tapis qu’une fois le débat sur le budget clos au Parlement ». « À ce moment-là, je crois que les esprits se seront calmés et qu’il sera possible d’engager une discussion rationnelle sur le sujet », estime-t-il. De son côté, Nawwar Saheli pense que « la loi pourrait être discutée après le débat sur le budget, mais (que) son adoption ne semble pas imminente ».

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commentaires (2)

Il ne faudrait pas garder des prisonniers derrière les barreaux à vie sans jugement mais ceux qui sont dangereux doivent purger leur peine si lourd jugement ils en ont .

Antoine Sabbagha

08 h 36, le 08 juin 2019

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Commentaires (2)

  • Il ne faudrait pas garder des prisonniers derrière les barreaux à vie sans jugement mais ceux qui sont dangereux doivent purger leur peine si lourd jugement ils en ont .

    Antoine Sabbagha

    08 h 36, le 08 juin 2019

  • AU LIEU D,AMNISTIE JUGEZ LES DETENUS, LIBEREZ LES INNOCENTS ET INCARCEREZ LES CRIMINELS. ET GARDEZ CHEZ LEUR TANTE LES CRIMINELS DEJA JUGES CAR CA SENT QU,ON VEUILLE LIBERER CERTAIN TERRORISTE AUX 28 BOMBES IMPORTEES DE SYRIE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 07, le 08 juin 2019

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