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À La Une - Contestation

Premier vendredi de manifestations depuis l'annulation de la présidentielle en Algérie

"Personne ne veut se présenter et participer à cette mascarade. Le pouvoir semble manquer de figure consensuelle" pour le représenter, "cela est évident aujourd'hui", note Dalia Ghanem Yazbeck, chercheuse au Carnegie Middle East Center basé à Beyrouth.

Une manifestante algérienne et une foule rassemblés le 7 juin 2019 dans la capitale Alger. Photo AFP / RYAD KRAMDI

Les Algériens se sont à nouveau massivement mobilisés pour un 16e vendredi consécutif, le premier depuis l'annulation de la présidentielle qu'ils rejetaient en bloc et au lendemain de déclarations du président par intérim réaffirmant sa volonté d'organiser néanmoins un scrutin à très court terme.

Un impressionnant déploiement policier dès la matinée dans le centre d'Alger n'a pas empêché une foule massive de converger après la grande prière musulmane hebdomadaire, en début d'après-midi, aux abords de la Grande Poste, point de ralliement de la contestation dans la capitale, où plusieurs centaines de personnes étaient déjà rassemblées en chantant "Y en a marre de ce pouvoir".

Les manifestants ont crié "dégagez!" à Abdelkader Bensalah, président par intérim, et au général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'armée devenu de facto l'homme fort du pays depuis la démission du président Abdelaziz Bouteflika, le 2 avril, sous la pression de ce mouvement de contestation inédit.

Difficile à évaluer avec précision, faute de comptage officiel, la mobilisation a semblé intacte à Alger où plusieurs artères du centre débordaient de manifestants, selon des journalistes de l'AFP. Le cortège s'est dispersé dans le calme en fin d'après-midi. Des manifestants ont également défilé à nouveau massivement dans de nombreuses autres villes du pays, selon des médias et les réseaux sociaux.

Après le départ de l'impopulaire Premier ministre Ahmed Ouyahia, l'abandon d'un 5e mandat par M. Bouteflika puis sa démission après 20 ans au pouvoir, les manifestants qui défilent chaque vendredi depuis le 22 février ont à nouveau obtenu gain de cause, le 2 juin: le Conseil constitutionnel a constaté "l'impossibilité" de tenir le scrutin du 4 juillet, faute de candidats sérieux.

"Personne ne veut se présenter et participer à cette mascarade. Le pouvoir semble manquer de figure consensuelle" pour le représenter, "cela est évident aujourd'hui", note Dalia Ghanem Yazbeck, chercheuse au Carnegie Middle East Center basé à Beyrouth. C'est une victoire de la contestation "dans le sens où (l'élection) n'aura pas lieu" et "c'est ce que la rue voulait", explique à l'AFP la chercheuse, mais c'est aussi "un non-évènement car (l'élection) était, logistiquement parlant, impossible à organiser".

En outre, le chef de l'Etat par intérim, qui avait convoqué la présidentielle avortée, a maintenu jeudi soir le cap sans faire de concession à la contestation qui exige avant tout scrutin le départ du pouvoir des anciens fidèles de M. Bouteflika - dont M. Bensalah lui-même - et des réformes politiques confiées à des institutions de transition.


(Pour mémoire : En Algérie, la présidentielle du 4 juillet annulée)


"Mascarade"

Dans un discours télévisé, M. Bensalah a lui insisté pour une élection "dans les meilleurs délais" et chargé le futur président élu de mener les réformes réclamées. Quant au "dialogue" auquel il a appelé "la classe politique", largement discréditée aux yeux des manifestants, et une vague "société civile", semble d'ores et déjà rejetée par les manifestants à Alger.

"La seule condition pour dialoguer est qu'ils (les dirigeants actuels) partent tous", affirme Massi, chômeur de 26 ans. Pour Hamid, fonctionnaire de 45 ans, "il y a deux conditions au dialogue: ne pas fixer de feuille de route (préalable) et dialoguer avec le vrai détenteur de pouvoir, c'est-à-dire l'armée (...) ça ne sert à rien de dialoguer avec Bensalah qui ne décide de rien".

Quoiqu'il en soit, M. Bensalah, à qui la Constitution a confié l'intérim pour 90 jours, n'aura personne à qui transmettre le pouvoir à l'issue de ce délai, le 9 juillet, et sortira donc du "cadre constitutionnel" dont le haut commandement de l'armée, véritable détenteur du pouvoir, refusait jusqu'ici absolument de s'écarter. Le président par intérim a invoqué la situation "exceptionnelle" pour justifier la prolongation de fait de son mandat jusqu'à l'élection d'un nouveau chef de l'Etat, hors de tout cadre légal.

C'est la 2e fois qu'une présidentielle est annulée en moins de trois mois en Algérie. Incapable de calmer la contestation née de sa volonté de briguer un 5e mandat, M. Bouteflika avait annulé celle du 18 avril, tentant lui aussi de gagner du temps en prolongeant sine die son mandat. Une manœuvre qui avait démultiplié la colère.

"Réveillez-vous"!

Difficile de connaître le prochain pas d'un pouvoir qui semble naviguer à vue depuis le début de la contestation. "Les autorités sont "dans l'improvisation", estime Dalia Ghanem Yazbeck, "il n'y a pas de solutions sur le long terme et contrairement à ce que les dirigeants ont pensé au début, le mouvement (de contestation) ne s'épuise pas". C'est l'armée qui a les clés et la façon dont elle entend résoudre la crise suscite désormais de nombreuses questions. "Les options ne sont pas illimitées", note la chercheuse. "Les ressources coercitives sont toujours une option pendant les temps de crises politiques, surtout lorsque les acteurs, notamment l'armée ne veut pas perdre son pouvoir, regardons ce qui s'est passé au Soudan".

La sanglante répression à Khartoum par l'armée d'un mouvement de contestation qui a chassé le président Omar el-Bachir est dans toutes les têtes en Algérie. "A ceux qui appellent à négocier avec l'armée" en Algérie "réveillez-vous (...) on ne négocie jamais avec un militaire", écrivait jeudi un tweeto algérien au-dessus d'images de la répression soudanaise.


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