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Lifestyle - Souk el-Tayeb / 15e anniversaire

De quoi rêve encore Kamal Mouzawak...

Kamal Mouzawak à Beit el-Hamra. Photo Tanya Traboulsi

C’est à Beit el-Hamra (et sa Tawlet) que Kamal Mouzawak reçoit en ce moment ses invités, fier de ce nouveau bébé qui vient de voir le jour et qui trouve sa place, naturellement, dans la famille des Beit(s). « Nous allons reconquérir Hamra », dit-il en souriant. Et cette (re)conquête de charme commence avec une maison des années 50 transformée en maison d’hôtes, restaurant et jardin, qui sera inaugurée aujourd’hui même à partir de 8 heures du matin jusqu'à 16 heures. Ici, tout respire le label Souk el-Tayeb, le label Tawlet(s), il y en a 6, et celui des 5 Beit(s), que ce visionnaire a construit calmement et intelligemment en 15 ans, entouré d’une équipe fidèle et enthousiaste qui partage ses réussites, à leur tête sa partenaire Christine Codsi. La déco colorée, souriante, fleurie, les parfums des cuisines, et cet esprit de famille qui lie les invités entre eux, l’équipe, et les responsables des lieux, tout ici parle son langage et illustre bien la réussite d’un concept alors nouveau au Liban.

Même s’il ne cherche pas à (se) montrer, se vanter, prouver quelque chose, Kamal Mouzawak trace des sillons profonds dans le paysage agricole et culinaire libanais. Sans rien trahir de ses convictions, sans en aucune façon entrer dans le jeu du paraître, il réussit à être, continuer à être, ce fils d’agriculteur, fils de Qartaba, qui a hérité de ses grands-pères, de ses oncles l’attachement à la terre, le rythme des saisons, le goût des produits naturels. Il continue à partager ses messages ponctués de z sur les réseaux sociaux ; des messages d’amitié, de convivialité, de simplicité, la diplomatie en moins. Kamal Mouzawak est aussi difficile et exigeant au travail, que généreux. Qu’il soit dans un village libanais, à Venise ou à Copenhague, ce chef d’orchestre, aujourd’hui connu partout, le regard et les sens aiguisés, arrive à dénicher la personne, le chef, le producteur, le restaurant, le produit et, forcément, à les ramener au Liban et les inviter à ses tawlets. Des tables garnies de cuisines du terroir, concoctées tous les jours par une femme venue de son village lointain et qui se plaît à partager son savoir-faire et ses recettes personnalisées. Cette « cuisine du cœur » est un écho naturel aux Souks qui ont été le point de départ de cette aventure de 15 ans et qui a transformé le visage des marchés de fruits et de légumes et transformé la vie des producteurs, maillon faible, maillon oublié par les revendeurs et les consommateurs.

Influences

« Lionel Ghorra a été mon mentor, confie Kamal Mouzawak. En collaborant avec lui au Centre culturel de Zouk qu’il avait créé, en voyant tous ces gens venir des quatre coins du Liban, j’ai compris l’importance d’avoir un projet commun, mais aussi celui d’avoir un lieu. » En sillonnant le Liban, en découvrant sa gastronomie, ses traditions et ses coutumes, « j’ai réalisé que la bouffe était l’expression sincère et authentique d’une culture ». Il y eut enfin sa rencontre avec la très controversée Mariam Nour, « elle m’a introduit à la macrobiotique » et celle, très inspirante, avec Joumana Salamé et Myriam Shuman, qui lui ont confié en mai 2004 un espace au Garden Show.

Avec un petit groupe de producteurs, The Garden’s fruits sera l’ancêtre de Souk el-Tayeb, son brouillon réussi. 10 jours plus tard, le premier Souk el-Tayeb naît au parking du centre Sofil, « un marché de producteurs, exclusivement. Et pour moi un projet d’êtres humains qui manquent de reconnaissance dans le domaine important du développement rural, et pas du tout un marché de produits », aime-t-il à rappeler. « Nous avons voulu ramener du rural vers l’urbain. C’est certainement de l’activisme. Un message humain et politique à travers l’alimentation. Pour changer soi-même, changer son environnement, son pays et changer le monde. » Aujourd’hui, ce projet personnel, devenu une institution, cette réussite dans une parfaite cohérence, et qui en est le parfait message et exemple, sera célébré les 5, 6 et 8 juin. Pour Kamal Mouzawak, il fallait surtout « trouver ce qu’il y a de meilleur chez l’autre, après une guerre qui n’a fait que souligner nos différences ». Des centaines de projets dans la tête, et dans le cœur, dans la liste de ses envies, il répond : « Envie de faire plus et mieux. Je rêve de voir nos Tawlets à Paris, Sydney, ou ailleurs dans le monde. »



Demandez le programme !


Jeudi 6 juin, à Beit el-Hamra : Soirée d’échanges autour des vertus de la cuisine, de l’agriculture et du développement durable, ainsi que leur impact global au XXIe siècle, en présence des producteurs de Souk el-Tayeb et d’experts locaux et internationaux. L’introduction sera faite par Kamal Mouzawak, fondateur de Souk el-Tayeb à 18h15.

18h30 à 19h15 : Le visage humain de Souk el-Tayeb

Modératrice : l’architecte Mona Hallak, militante du patrimoine, directrice de l'AUB neighbourhood initiative.

Intervenants :Oum Ali, la « reine de la pâte à manakich » de Souk el-Tayeb (Majdelzoum); Rima Massoud, la « reine de la pâte à manakich » de Souk el-Tayeb (Ramliyeh) ; Soumaya Merhi, fondatrice de TAQA Bakery ; Abou Rabih, agriculteur organique du Akkar ; Paul Akl, producteur du Mont-Liban

19h15 à 20h00 : Éthique alimentaire, activisme et gastrodiplomatie

Modérateur : le journaliste libanais et rédacteur en chef à L’Orient-Le Jour, Ziyad Makhoul

Intervenants : Johnny Farah, restaurateur et producteur organique libanais ; René Redzepi, chef du restaurant Noma de Copenhague ; Christina Lassen, ambassadrice de l’Union européenne au Liban ; Gilbert Doumit, fondateur de BRDI Group

Samedi 8 Juin :

Célébration de 11h00 à 13h00 à Souk el-Tayeb, Souks de Beyrouth.

*Pour plus de renseignements : social@soukeltayeb.com


Les Tawlet et les Beit en quelques dates

Beit el-Hamra


2004 – Naissance de Souk el-Tayeb, marché de petits producteurs, fermiers et artisans au centre de Beyrouth. Il existe aujourd’hui 2 marchés hebdomadaires : l’un à Gefinor les mercredis de 9h à 16h, et l’autre aux Souks de Beyrouth, les samedis de 9h à 14h.

2006 – Naissance du projet Dekkenet, une épicerie qui vend les produits des producteurs et fermiers du souk en dehors du marché. Il existe à présent des dekkenet dans toutes les maisons d'hôte (Beit) et les Tawlet.

2007 – Naissance de Akl w Eid, des zones urbaines aux zones rurales, des festivals célébrant chaque année les traditions et les spécialités de plusieurs villes et villages au Liban : Hay el-Sellom en 2008, Zahlé en 2009, Enfé en 2011, Rachaya en 2015, Douma en 2017, Baalbeck en 2018...

2009 – Naissance de Tawlet, les tables de Souk el-Tayeb où l'on sert de la cuisine traditionnelle de femmes, de la cuisine « comme à la maison », qui rappelle celle de nos mères et nos grand-mères, tout en faisant découvrir les spécialités de tout le pays. Aujourd'hui, il existe deux tawlets à Beyrouth et quatre dans les régions libanaises.

Tawlet Mar Mikhael – la première, ouverte en 2009. Une cuisine ouverte ou l'on est reçu tous les jours par une femme d'une région différente au Liban un peu comme si elle recevait chez elle.

Tawlet Ammiq – un projet en partenariat avec Skaff Estate et la réserve du Chouf, on l'on mange des spécialités de la Békaa dans un cadre naturel protégé et un bâtiment écologique avec une vue panoramique à couper le souffle sur la vallée.

Tawlet Beit el-Qamar – en partenariat avec Rony Feghali et Mireille Boustany, une maison à Deir el-Qamar où l'on découvre les spécialités culinaires du Chouf avec un concept « du jardin à la table », car beaucoup d'ingrédients proviennent du jardin bio de la maison.

Tawlet Saïda – en partenariat avec la Fondation Hariri, une table au cœur du souk de Saïda avec des spécialités du Sud, surtout à base de poisson, et une vue magnifique sur le port de la ville.

Tawlet Biomass – en partenariat avec la ferme organique Biomass à Jrebta, où l'on déjeune des spécialités du Nord tous les week-ends sous les arbres.

Tawlet el-Hamra – le dernier-né de la famille. Une table ouverte de 8h à 22h en service continu dans une villa des années 50 au cœur du quartier de Hamra.


Souk el-Tayeb


2012 – CPB (capacity building program) : un programme de développement et d'éducation autour de la cuisine et des compétences culinaires : pour habiliter les petits producteurs, cuisinières et femmes et toutes les communautés défavorisées en leur fournissant un savoir-faire nécessaire qui leur permette de devenir économiquement et socialement indépendants. Ce programme a déjà aidé plus de 700 bénéficiaires, essentiellement des femmes à travers l’ensemble du pays.

2014 – Ouverture d’une cafétéria au sein des bureaux du HCR suite à un projet de CBP avec les réfugiées syriennes. Il a notamment permis à plus d’une trentaine de femmes réfugiées syriennes de retrouver une dignité de vie et un travail qui les a aidées à survivre provisoirement.

2015 – Lancement du concept des Beit(s) – les maisons d'hôtes, synonyme d’hospitalité libanaise, de confort et de patrimoine. Chaque Beit a un caractère unique qui met en valeur les traditions de son village ou de sa ville. Il existe aujourd’hui deux maisons à Beyrouth et trois dans les régions libanaises :

Beit Douma – Douma est l'un des derniers villages libanais préservé, une carte postale au cœur des montagnes de Batroun. Beit Douma est une ancienne maison libanaise traditionnelle qui a été restaurée de manière simple et subtile. La partie la plus ancienne du rez-de-chaussée remonte au XVIIIe siècle.

Beit Ammiq – Une maison écologique dans le village paisible de Ammiq qui jouit d'une vue panoramique sur la plaine fertile de la vallée de la Békaa.

Beit el-Qamar – Une maison de « téta » au cœur du Chouf située sur une colline au-dessus de Deir el-Qamar, entourée de potagers et de terrasses colorées.

Beit el-Tawlet – Une paisible maison d’hôtes située au cœur de Mar Mikhael, avec une décoration des années 70 : des abat-jours audacieux, du rotin et des pièces uniques de la scène artistique locale s’ajoutent à une végétation luxuriante et une vues sur la mer et les montagnes.

Beit el-Hamra – La nouvelle maison d'hôtes qui vient d’ouvrir ses portes à Hamra dans une villa jaune des années 1950.

2016 – Aasha el-Tayeb. Un projet d’action de solidarité afin de lutter contre l’exclusion et la pauvreté en servant des repas chauds aux plus démunis en collaboration avec une multitude d’ONG. Aasha el-Tayeb a servi des repas à plus de 4 000 personnes.

2017 – Tawlet Catering, une expérience authentique de la cuisine libanaise maison préparée par les cuisinières et l’équipe de Tawlet.



« Souk el-Tayeb et Tawlet ont changé ma vie... »

Témoignages recueillis par Patricia KHODER


Les producteurs

Chawki Boustani

86 ans, originaire de Debbiyé (caza du Chouf). Presque quinze ans à vendre légumes, fruits et huile d’olive à Souk el-Tayeb.
« J’étais technicien radiologue à l’Hôtel-Dieu pendant 44 ans. Avant Souk el-Tayeb je vendais mes produits au marché de gros à la Quarantaine. C’est après ma retraite que j’ai commencé à travailler à Souk el-Tayeb. Ici, je peux me sentir utile. Je sais au moins que je ne suis pas en train de finir ma vie sur une chaise devant la télévision ! J’ai fait la connaissance de beaucoup de monde qui apprécient mes produits et mon élégance ! »


Rima et Massoud Massoud

Trois enfants, originaires de Ramlieh (caza de Aley). Ils vendent des fruits, des légumes, des olives et de l'huile, et confectionnent des manakich depuis 15 ans à Souk el-Tayeb.
« Grâce à Souk el-Tayeb, nous avons appris à planter bio. Nous avons changé notre façon de cultiver les champs. Nous avons beaucoup plus de travail, car nous plantons toute l’année des légumes au gré des saisons. Je confectionne aussi des manakich avec des produits bio. Les choses ont changé, et nous avons pu assurer une meilleure scolarité à nos enfants. Nous avons également rencontré des personnes qui ont besoin de nos services lors de leurs réceptions. En réalité, toute notre vie a changé. »


Raed Chami

32 ans, originaire de Lassa (caza de Jbeil). Il propose ses fruits et ses légumes depuis cinq ans à Souk el-Tayeb.
« Je me suis d’abord occupé du verger familial selon les méthodes organiques, sans pesticides ni additifs. Avant Souk el-Tayeb, je devais vendre mes produits auprès des marchands de quatre-saisons à un prix très bas. C’était difficile pour nous agriculteurs, et presque injuste. Maintenant, j’ai directement accès au client, sans aucun intermédiaire. J’aime ce marché convivial qui m’a permis de travailler autrement, de rencontrer les consommateurs de mes produits et de pouvoir échanger avec eux. Je pense aussi qu’il a valorisé le travail des agriculteurs. L’appréciation des gens nous encourage à continuer. »


Les femmes aux fourneaux


Zeinab Kashmar

Mère de trois enfants, originaire de Halloussiyé (caza de Tyr). 10 ans de Tawlet.
« Ma vie a changé depuis que j’ai commencé à Tawlet. Je n’avais jamais cru qu’un jour je travaillerais à Beyrouth ! Avant de rencontrer Kamal, je m’occupais de mouné avec une autre femme de mon village. Nous étions surtout connues pour nos olives. Nous avons d’abord vendu nos produits à Souk el-Tayeb, puis, 5 mois plus tard, Kamal m’a proposé de rejoindre l’équipe de Tawlet. Des personnes âgées originaires de mon village et des villages voisins m’ont confié des recettes oubliées. Cette expérience m’a permis de rencontrer des gens de toutes les communautés libanaises. Financièrement, les choses se sont améliorées aussi. Grâce à mon travail, j’ai déjà voyagé à 18 reprises. »


Sonia Tikidjian

Mère de trois enfants et cinq fois grand-mère, 10 ans de Tawlet. Sa spécialité : les plats arméniens.
« J’ai toujours aimé cuisiner. J’ai été obligée de le faire professionnellement lorsque mon mari a été au chômage. Deux ans avant de démarrer à Tawlet, j’avais commencé à vendre mes produits à Souk el-Tayeb. Souk el-Tayeb et Tawlet ont tous les deux changé ma vie. Je suis devenue plus forte et plus sûre de moi. J’ai fait la connaissance de beaucoup de gens, j’ai appris à communiquer. Je sens que mon travail est apprécié. J’aime passer du temps dans ces deux lieux, j’y retrouve un sentiment d’appartenance, une ambiance amicale et familiale. Et puis je suis heureuse de constater que les gens apprécient ma cuisine. »


Nada Saber

Mère de trois enfants et trois fois grand-mère, originaire de Kherbet Anafar (Békaa-Ouest). 10 ans de Tawlet.
« Je vends de la mouné à Souk el-Tayeb depuis 15 ans. Tout a commencé pour moi quand j’ai voulu aider mon fils à participer à une exposition. Il a proposé de vendre la mouné que je confectionne pour la famille. J’étais parmi les premières à faire la cuisine à Tawlet. Kamal m’a encouragée en me disant : « Fais comme si tu cuisinais pour ta propre famille, mais en plus grande quantité. » J’aime l’ambiance de Tawlet et de Souk el-Tayeb. Bien que nous venions des quatre coins du Liban et que nous appartenons à diverses communautés religieuses nous nous sommes découverts de très nombreux points communs. »


Pour mémoire

Le meilleur de la cuisine libanaise en deux livres, deux approches et dix questions

Un « Soup Kitchen » en plein Beyrouth : le nouveau pari du restaurant Tawlet


C’est à Beit el-Hamra (et sa Tawlet) que Kamal Mouzawak reçoit en ce moment ses invités, fier de ce nouveau bébé qui vient de voir le jour et qui trouve sa place, naturellement, dans la famille des Beit(s). « Nous allons reconquérir Hamra », dit-il en souriant. Et cette (re)conquête de charme commence avec une maison des années 50 transformée en maison d’hôtes, restaurant et...

commentaires (3)

Pas très flatteur, Mr bouffe libanais, "bouffe" étant la version baclée et peu ragoutante de la cuisine.

Christine KHALIL

08 h 56, le 01 juin 2019

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Commentaires (3)

  • Pas très flatteur, Mr bouffe libanais, "bouffe" étant la version baclée et peu ragoutante de la cuisine.

    Christine KHALIL

    08 h 56, le 01 juin 2019

  • La bonne qualité a un prix et ca vaut la peine de payer un peu plus pour avoir une bonne qualité de légumes et de fruits, c'est difficile à trouver un "marché" si important et essentiel pour la bonne cuisine ... Je crains qu'avec les supermarchés modernes ce n'est plus faciles pour les consommateurs de reconnaître une légume ou un fruit "normal". Par exemple je suis habitué à trouver des épinards lavées et mis dans un sac à plastique très propre, facile à utiliser, j'aurais des difficultés je crains, pour reconnaître de véritables épinards naturels que je dois laver et ou je dois enlever le sable et qui a l'air 'moche' mais qui est en fait de très bon goût ... C'est pour cela qu'un marché comme Souk le Tayeb peut aider ! Bonne initiative et j'éspère visiter ce souk encore une fois ...

    Stes David

    08 h 50, le 01 juin 2019

  • Il me semble que Kamal a fait aussi un tres beau livres de recettes et photos libanaises.....je me trompe? Kamal ,you are the best!

    Marie-Hélène

    06 h 59, le 01 juin 2019

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