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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Entre Washington et Téhéran, jeu de séduction autour d’un accord impossible

Même si les problématiques de fond restent les mêmes, les lignes rouges sont néanmoins plus clairement définies de chaque côté.

Le président américain Donald Trump et son homologue iranian Hassan Rohani. Crédit HO, Nicholas Kamm/AFP/Iranian Presidency

Une nouvelle phase serait-elle en train de s’ouvrir entre les États-Unis et l’Iran ? Après plusieurs jours de tensions et d’escalades verbales dans le Golfe arabo-persique, laissant craindre une flambée de violence dans la région, le ton semble s’être atténué de quelques octaves en l’espace de 72 heures.

Mercredi, dans des propos relayés par la télévision d’État, le président iranien Hassan Rohani affirmait que si les États-Unis « lèvent les sanctions injustes, respectent leurs engagements et reviennent à la table des négociations, qu’ils ont laissée eux-mêmes, la porte n’est pas fermée » à un dialogue. Ces « dires » font suite aux déclarations du président américain Donald Trump qui, depuis le Japon, avait soutenu lundi un ton modéré vis-à-vis de Téhéran et de la perspective de discussions avec lui. « Je crois que l’Iran a un potentiel économique extraordinaire (...) L’Iran peut être un pays extraordinaire. Avec les mêmes dirigeants, nous ne cherchons pas un changement de régime, je veux juste que ce soit clair. Ce que nous voulons, c’est qu’il n’y ait pas d’armes nucléaires », a affirmé le chef du bureau Ovale. Cela n’empêche pas des membres de l’administration américaine de garder, dans le même temps, un ton menaçant contre la République islamique. « Les États-Unis réagiront par la force militaire si les Iraniens s’attaquent à leurs intérêts », a déclaré hier le représentant spécial américain pour l’Iran, Brian Hook, à des journalistes.

Comme un air de « déjà-vu », la Maison-Blanche cherche à adopter avec l’Iran la même stratégie qu’avec la Corée du Nord, expliquant clairement que son intérêt n’est ni d’engager de confrontation militaire avec Téhéran ni de renverser la République islamique, mais de privilégier les rencontres bilatérales. Cette tactique avait plus ou moins marché avec le leader nord-coréen Kim Jong-un qui, après des mois de tensions et de menaces nucléaires avec Donald Trump, avait finalement approuvé une rencontre avec lui. Dans le cas de l’Iran, les choses sont différentes. Les Nord-Coréens ont saisi l’occasion que Donald Trump leur a donnée, car ils étaient dans une situation délicate et en quête de reconnaissance internationale. Du côté de Téhéran, il y a beaucoup plus de scepticisme. Les Iraniens considèrent que tant que des sanctions leur sont appliquées et que le président américain se comporte comme cela, il n’y a pas matière à négocier.

Depuis le rétablissement des sanctions, le chef de la Maison-Blanche a tendu à de nombreuses reprises la main aux Iraniens pour des discussions, ceux-là ayant toujours refusé de l’attraper. Ce qui diffère cette fois-ci, c’est le contexte dans lequel ils sont prononcés. « Affirmer de telles choses dans le contexte des tensions dans le Golfe signifie qu’on laisse la porte ouverte à des discussions et qu’il n’y a pas une seule voie, en l’occurrence celle de l’éclatement des forces armées, pour sortir de la crise », explique François Nicoullaud, ancien ambassadeur de France en Iran de 2001 à 2005, contacté par L’Orient-Le Jour. Des discussions pourraient en effet soulager la République islamique, en état de siège depuis plus d’un an maintenant.


(Repère : L'escalade des tensions dans le Golfe)

Lignes plus claires

Depuis la sortie des États-Unis du JCPOA (l’accord sur le nucléaire) et la réimposition des sanctions, Washington exerce une campagne de pression maximale contre l’Iran, touchant tous les domaines vitaux de son économie, l’asphyxiant petit à petit et plongeant toute une population dans une atmosphère où les ceintures se serrent de plus en plus. Le dollar américain s’échange à 144 000 riyals iraniens, l’inflation pourrait bien atteindre plus de 40 % d’ici à la fin de l’année, la corruption est endémique, le taux de chômage reste élevé (12 %) et les produits de première nécessité comme la viande rouge et les médicaments deviennent de plus en plus chers.

Face à cette situation, le régime tente de survivre comme il le peut, mais n’a pas les moyens de vraiment riposter. Il devra au moins attendre l’élection présidentielle américaine de 2020 et tabler sur un éventuel échec de Donald Trump. « À l’extérieur, la plupart des analystes estiment que Téhéran ne cédera pas à la pression de Trump et que le risque de guerre est élevé », a tweeté mardi Karim Sadjadpour, spécialiste de l’Iran au centre Carnegie. « Mais à l’intérieur, beaucoup craignent que l’économie du pays ne soit pas durable et qu’un accord est plus probable plutôt qu’une guerre », poursuit-il.

Le régime iranien n’est toutefois pas dans une logique d’accord avec les États-Unis. Les conditions imposées par ces derniers pour établir un nouveau deal, à savoir la cessation pure et simple des activités nucléaires, la reconsidération de son programme de missiles balistiques et de sa politique régionale sont non négociables pour lui.

Selon les analystes, les Iraniens pourraient néanmoins être tentés de jouer la carte d’un deal avec les Américains, au moins pour desserrer un peu l’étreinte des sanctions, surtout si les manifestations populaires continuent de se multiplier. « S’il y a vraiment une occasion de faire un deal, même limité, pour obtenir au moins une levée des sanctions, ou un certain nombre d’entre elles, ils pourraient toper là-dessus afin de relâcher la pression », poursuit François Nicoullaud.

« Pour les conservateurs et les pasdaran, entrer en négociation sans savoir comment cela va se terminer donnerait un sentiment de faiblesse, ce qu’ils refusent », ajoute-t-il.

Le président américain cherche également à favoriser sa propre réélection à la tête de son pays. « Trump veut avant tout montrer qu’il sait appliquer son “art of the deal”, et montrer qu’il est plus malin et peut obtenir plus qu’Obama », poursuit l’ancien diplomate, ajoutant qu’« en ce qui concerne sa capacité à produire et arriver à un accord, il n’a rien à offrir pour l’instant ».



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