Face aux tensions dans le Golfe qui ne cessent de grimper sur le dossier iranien, l’Arabie saoudite, grand rival régional de Téhéran, tente d’affirmer son leadership en poussant à l’organisation de deux sommets extraordinaires avec ses partenaires arabes.
Une récente attaque de drones contre des installations pétrolières saoudiennes mardi a fait monter d’un cran la tension dans le Golfe, où de mystérieux « actes de sabotage » sur quatre navires au large des Émirats arabes unis avaient déjà ouvert la voie à une crise deux jours auparavant. L’Arabie saoudite a accusé l’Iran d’avoir ordonné l’attaque contre son oléoduc, revendiquée par les rebelles yéménites, soutenus par Téhéran – la République islamique réfute toutefois toute aide militaire. L’escalade des tensions survient au moment où les États-Unis, alliés de Riyad, sont impliqués dans une guerre psychologique avec l’Iran. Le Pentagone a annoncé l’envoi au Moyen-Orient d’un navire de guerre et d’une batterie de missiles Patriot, qui s’ajoutent au déploiement d’un porte-avions, face à des menaces d’attaques présumées « imminentes » attribuées aux forces iraniennes. Dans ce contexte, le ministre d’État saoudien aux Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, a affirmé dans la nuit de samedi à dimanche que Riyad ne voulait « pas d’une guerre » avec l’Iran.
Convocations
Il a toutefois assuré que le royaume était prêt « à se défendre et à défendre ses intérêts » si l’autre partie choisissait d’aller vers un conflit. Avec la volonté d’user de son influence diplomatique dans la région pour mieux contrer son rival, Riyad a demandé la convocation de sommets du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et de la Ligue arabe. L’objectif de ces deux sommets extraordinaires, qui se tiendraient le 30 mai à La Mecque, est de « discuter de ces agressions et de leurs conséquences sur la région », a rapporté l’agence officielle saoudienne SPA. Il s’agit « de se consulter et de se coordonner avec les dirigeants frères » à propos de « tous les sujets susceptibles de renforcer la sécurité et la stabilité » régionale, a ajouté ce média d’État.
Selon Elizabeth Dickinson, analyste au centre de réflexion International Crisis Group, l’Arabie saoudite entend bâtir, « à ses yeux, la coalition la plus forte de pays arabes et musulmans jamais mise en place pour contrer (...) l’Iran ». La stratégie américaine « de pression maximale contre l’Iran est peu soutenue par les alliés occidentaux » de Washington, et Riyad veut montrer que la région est, à l’inverse, « derrière » la campagne, explique-t-elle.
En cas de responsabilité avérée de l’Iran dans l’attaque de l’oléoduc saoudien, qui avait provoqué sa fermeture temporaire, « les alliés du Golfe vont probablement soutenir une riposte ferme », écrit pour sa part le centre de réflexion Washington Institute for Near East Policy. « Mais ils pourraient rechigner à être entraînés dans une confrontation majeure », ajoute ce think tank.
Mercredi, les Émirats arabes unis, fidèle allié de Riyad et pilier de la coalition militaire emmenée par Riyad intervenant au Yémen, ont prôné une « désescalade » et se sont dit « engagés pour la paix et la stabilité ».
« Nous devons nous montrer très prudents sans lancer d’accusations (...). Nous n’allons pas intervenir de façon prématurée », a déclaré le ministre d’État aux Affaires étrangères, Anwar Gargash, à propos des actes de sabotage au large de l’émirat de Fujaïrah.
Dialogue ?
Côté américain, le président Donald Trump a ouvert la porte au dialogue en direction des dirigeants de l’Iran, qui est pourtant sa bête noire depuis son accession à la Maison-Blanche.
« Je suis sûr que l’Iran voudra bientôt discuter », a-t-il lancé mercredi. « Je voudrais qu’ils m’appellent », avait-il déjà fait valoir la semaine précédente. En réponse, l’Iran a réaffirmé sa doctrine de « ni guerre ni négociations ». « Ni nous ni (les États-Unis) ne cherchons la guerre, ils savent qu’elle ne serait pas dans leur intérêt », a déclaré mardi l’ayatollah Ali Khamenei, tout en répétant son opposition à toute négociation « avec le gouvernement américain actuel ».
Pour tenter de rallier le plus grand nombre, l’Arabie saoudite, premier exportateur de pétrole au monde, a averti que les attaques contre des cibles pétrolières menaçaient non seulement le royaume, mais également la sécurité des approvisionnements en brut et l’économie mondiale. Ces attaques « soulignent le risque que peut poser le regain de tensions régionales sur la sécurité du marché pétrolier mondial », avance l’Institut international des études stratégiques (IISS). Mais, à ce jour, elles n’ont eu aucun « impact sur le volume des exportations pétrolières saoudiennes ou régionales », tempère ce centre de réflexion.
Claire GOUNON/AFP