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Lifestyle - La Mode

À l’Alba-La Cambre, la mode libanaise accueille la relève

Jeudi dernier, le 23 mai, était un grand jour pour l’Académie libanaise des beaux-arts qui célébrait la remise de diplômes de licence de la première promotion de son école de mode jumelée avec La Cambre, Bruxelles. Quatre étudiantes présentaient ainsi au jury des collections reflétant un parcours de trois ans. En soirée, tous les étudiants donnaient leur défilé dans l’atrium des nouveaux bâtiments de l’académie.

Dans une salle inondée de lumière printanière se manifestait, ce matin-là, le résultat de trois années d’apprentissage interprété par quatre sensibilités différentes, quatre nouvelles créatrices dont le paysage déjà florissant de la mode libanaise va bientôt s’enrichir. Émue, Émilie Duval, la directrice de l’école et ancienne de La Cambre venue de chez Dior il y a trois ans pour s’investir dans cette transmission, portait sa couvée à bout de bras. Toujours serein, Rabih Kayrouz, parrain de l’école, affichait un sourire énigmatique, visiblement impatient de « découvrir » le résultat de son accompagnement. Tony Delcampe, directeur de La Cambre Mode(s), venu de Bruxelles la veille, n’aurait manqué pour rien au monde ce moment où commencent à se formuler, selon son expression, « les premières phrases d’une nouvelle mode libanaise ». Par ailleurs, tous les profs sont présents, tous ceux qui ont suivi le parcours des vedettes de l’heure. Parmi eux, Éric Mathieu Ritter, professeur de style, et Mohamad Abdouni, professeur de stylisme et mode. Attentifs, ils disparaissent et réapparaissent à travers les couloirs des coulisses où se prépare l’habillage des mannequins. Quelques jours plus tôt, en vue des shootings des collections de fin d’année, Ritter avait lancé un appel à candidature pour des mannequins « seniors ». Il avait eu la surprise de découvrir l’enthousiasme de sa propre grand-mère, Hoda Ziadé, qui avait endossé avec grâce les vêtements pourtant fort conceptuels des étudiants.


Consignes et collections
La consigne donnée aux étudiantes de cette promotion 2019 était totalement libre. Le choix de la thématique et du registre était laissé à la discrétion des étudiantes, avec cependant l’obligation de produire une collection personnelle de huit silhouettes, masculines, féminines ou mixtes, avec leurs accessoires. Il leur fallait évidemment y mettre l’ensemble de leurs apprentissages et traiter de façon innovante les volumes du corps à travers leurs choix de coupes. Il leur fallait aussi, au-delà de la mode, contextualiser et mettre en scène leurs collections dans le cadre d’un discours critique inspiré de l’actualité sous diverses problématiques.

Première à présenter sa collection, Nadine Bou Arbid proposait une ligne masculine inspirée de deux modèles de dandys contemporains, son grand-père et son père, tous deux soucieux de leur apparence. Partant de là, elle mixe l’élégance du premier avec la joie de vivre du second et produit un jeu entre le vestiaire masculin classique et celui de la performance sur scène qui libère de toute contrainte. On aimera ses pulls en maille de coton près du corps avec leurs chaussettes assorties, ainsi que ses redingotes en tartan rouge. Son défilé, le soir, présenté par des danseurs chevronnés, a réussi à convaincre ceux qu’une interprétation trop littérale du thème, entre patchworks désordonnés et caricaturale incohérence, avait laissés dubitatifs.

Andrea Chaanine, pour sa part, exprime son souci de confort et de singularité avec une collection intitulée « Wake-up Call ». À travers ses huit silhouettes, elle déconstruit le costume, symbole de l’uniformité, entre drap sombre et chemises rayées, pour mieux libérer l’individualité et casser la routine. Le jury a apprécié le film de présentation de cette collection modulable où l’on voit la jeune créatrice, dès le réveil, jongler avec le temps et les interférences qui rendent la routine si épuisante.

Pour Yasmine Issa, qui envisagerait de poursuivre sa carrière plutôt dans les métiers annexes de la mode comme le marketing et le conseil, la collection de diplôme était elle aussi en rapport avec la thématique de l’uniforme perçu comme un moyen de souligner un statut et conférer de la confiance. C’est à ce titre que les drapés cariatides, les plastrons des religieuses et les corsets victoriens viennent structurer la silhouette, avec toutefois des traitements inattendus, entre volumes et éclatements.

Sans doute la collection la plus surprenante, sinon la plus spectaculaire, était celle de Nour Mzawak, qui s’interroge sur l’effet sur la silhouette des couleurs vives et des volumes. Ses modèles sont affublés d’une sorte d’arceau qui joue les niches d’un ex-voto, entourant celle qui les porte d’une sorte d’architecture sacrée. Le but est encore une fois de renforcer la confiance en soi. Pari gagné puisque celles qui ont essayé son blouson noir vernissé ont ressenti l’impression de pouvoir qu’il est supposé conférer.


Prouesses techniques
Le soir, les défilés furent une véritable fête, avec une judicieuse mise en scène qui commençait par une sorte de pantomime derrière les vitres opalescentes d’une salle attenante à l’atrium de l’académie. Les modèles sortaient ensuite par un ascenseur et commençaient leur présentation le long des rampes du deuxième étage, descendant progressivement vers l’esplanade où se donnait le défilé proprement dit. Par ordre d’apparition, les 1re, 2e et 3e année permettaient ainsi de palper l’évolution de leur apprentissage. Le « corps du futur », la jupe et la chemise pour les débutants, le pantalon, la parka, la robe, les codes et les chaussures pour les 2e année, et l’investissement de tous les acquis pour l’année de diplôme. Les présents ont notamment apprécié l’originalité et les prouesses techniques déployées par les étudiants de cette première cuvée. Le doyen de l’Alba, M. André Bekhazi, ne cachait pas sa fierté des progrès accomplis et du niveau atteint. 


Le jury
Le Dr Rachid Nassif, président du jury, délégué du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur

Le Pr André Bekhazi, doyen de l’Académie libanaise des beaux-arts

Le Dr Joseph Rustom, doyen assistant-directeur des études

Émilie Duval, directrice de l’école de mode

Tony Delcampe, directeur de La Cambre Mode(s)

Rabih Kayrouz, parrain de l’école de mode

Fifi Abou Dib, journaliste et chroniqueuse à « L’Orient-Le Jour », rédactrice en chef à « L’Officiel Levant » et « Cedar Wings »

Sylvia Jorif, rédactrice en chef adjointe mode au magazine « Elle » France

Élisabeth Clauss, journaliste mode indépendante (pour « Elle » Belgique, « Madame Figaro », « M le Monde »)

Raya Dernayka, cofondatrice de la boutique PLUM concept

Hania Yafawi, fondatrice de la boutique Depêche Mode.



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Dans une salle inondée de lumière printanière se manifestait, ce matin-là, le résultat de trois années d’apprentissage interprété par quatre sensibilités différentes, quatre nouvelles créatrices dont le paysage déjà florissant de la mode libanaise va bientôt s’enrichir. Émue, Émilie Duval, la directrice de l’école et ancienne de La Cambre venue de chez Dior il y a trois ans...

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