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Liban - ONU

Jusqu’à quel point le Liban est-il préparé à faire face aux catastrophes ?

Zahi Chahine, à la tête de l’Union de gestion des risques au Liban. Le pays du Cèdre est en bonne place dans la région arabe, comme le constate l’UNDRR.

La gestion, et surtout la prévention des risques de catastrophes, a cela de spécifique qu’elle doit inclure tous les secteurs, toutes les administrations et tous les acteurs officiels et non officiels, sous peine de ne pas être efficace. En même temps, ne pas inclure les facteurs de risques de catastrophe dans les politiques de développement pourrait en neutraliser les effets, à l’avènement d’un quelconque événement inhabituel, climatique ou autre. En marge du sommet de l’agence de l’ONU pour la réduction des risques de catastrophes (UNDRR) qui s’ouvre aujourd’hui à Genève, les efforts des pays arabes en la matière ont été débattus, ainsi que les défis auxquels ils continuent de faire face et qui sont nombreux.

Il ressort de cette réunion que le Liban se situe en bonne place dans la préparation administrative (selon le bureau des pays arabes de l’UNDRR), ayant préparé une stratégie nationale (qui doit toujours être adoptée en Conseil des ministres) et présentant régulièrement des rapports à l’agence onusienne. Les détails, cependant, ont été donnés par Zahi Chahine, chef de l’Unité de gestion des risques relevant de la présidence du Conseil à Beyrouth.

« Nous avons préparé une première stratégie nationale en 2012 avec le concours de l’UNDRR, mais vu les circonstances particulières par lesquelles le pays est passé, nous n’avons pas pu la soumettre en Conseil des ministres pour qu’elle y soit adoptée, a-t-il affirmé. En 2018, la décision a été prise avec l’UNDRR pour développer la stratégie avant la fin de l’année (suivant le Cadre de travail de Sendai, cadre international), afin qu’elle puisse par le fait même être adoptée en Conseil des ministres. »

M. Chahine précise à L’OLJ que les principaux risques pris en compte au Liban sont les feux de forêt, les glissements de terrain et les inondations, qui sont des événements fréquents, et le risque sismique, qui est plus rare. Le Liban a fait des progrès au niveau de sa stratégie et de la sensibilisation, mais doit encore peaufiner ses plans d’action et de compensation, et, surtout, travailler dans la prévention, ajoute-t-il.

D’un point de vue administratif, le Liban a créé deux comités, l’un consacré aux décideurs, formé de tous les directeurs généraux, et l’autre technique, qui fait l’essentiel du travail national, étant formé de représentants des différentes administrations concernées. Si la stratégie est en bonne voie, les plans d’action pour une intervention précoce dans les différents cas possibles de catastrophes doivent encore être mis en place, reconnaît M. Chahine, tout en précisant que l’un des défis à relever est celui des conflits qui peuvent naître entre les différentes forces de sécurité sur le terrain. « Au Liban, nous n’avons pas encore de plan d’intervention précoce en cas d’urgence, déplore-t-il. Nous sommes le bureau chargé de la gestion des risques, il est vrai, mais nous devons établir vers qui se tourner quand il faut, par exemple, évacuer la population. La chaîne doit donc être complétée. Et, surtout, rien ne vaut d’investir dans la prévention, ce qui économise énormément de fonds au niveau des compensations par la suite. »

« Malgré l’assistance de l’UNDRR dans le contrôle et le suivi du Cadre de Sendai, l’un des principaux défis rencontrés vient de la nécessité d’intégrer cette mentalité de prévention des risques dans tous les ministères, afin que ceux-ci puissent effectuer leur propre monitoring, ajoute-t-il. C’est ainsi que nous aurons les données nécessaires pour effectuer bilan national. Actuellement, c’est surtout le CNRS qui nous fournit des données de ce type. »

Interrogé sur les prérogatives de l’Unité de gestion des risques, il affirme que le Premier ministre a publié une circulaire demandant à toutes les administrations de collaborer avec elle, « mais ce qui importe surtout, c’est la mise en application des stratégies que nous aurions définies et non les textes en eux-mêmes ».


Saïda, ville résiliente
Comme le précise M. Chahine, les stratégies ne sont pas que nationales, mais doivent être préparées à un niveau sectoriel (suivant les secteurs) et local dans les régions. Il souligne que l’un des objectifs de la commission est d’avoir des chambres d’opérations et des plans d’action dans les différents mohafazats du pays (actuellement, seuls Beyrouth et Nabatiyé n’ont pas de stratégies alignées sur les principes du Cadre de Sendai, pour des raisons très diverses).

Au cours de la présentation de l’UNDRR, deux villes ont d’ailleurs été citées comme ayant les atouts de la résilience, Saïda et Jbeil. Saïda est représentée au sommet de l’UNDRR par l’un des membres de son conseil municipal, Moustapha Hijazi. « Nous nous sommes joints très tôt à la campagne des villes résilientes (qui se dotent des moyens de faire face aux catastrophes), qui avait été lancée au Grand Sérail, précise-t-il à L’OLJ. Saïda a dorénavant sa propre stratégie pour faire face aux risques, ainsi que sa politique de développement urbain qui prend en compte ce facteur, étant donné que tout développement non basé sur les risques potentiels ne peut être durable. »

Au niveau des risques, rappelle-t-il, Saïda est particulièrement exposée aux tempêtes destructrices et à des vagues très hautes, régulièrement qualifiées dans la ville de « minitsunamis ». « Voilà pourquoi nous avons étendu la jetée de manière à protéger l’ancienne ville, explique-t-il. Cette adaptation de l’infrastructure a ouvert la voie à de nombreuses améliorations dans la ville, notamment le fait que nous avons pu changer l’emplacement du port commercial. Et historiquement, la ville a connu une pollution côtière importante du fait de la présence d’un grand dépotoir (aujourd’hui traité). Nous avons donc combattu la pollution à ce niveau. »

M. Hijazi précise que la municipalité s’est engagée dans des sessions de formation dans les écoles, dans des campagnes de sensibilisation, a organisé une simulation grandeur nature pour s’assurer du niveau de préparation des différents acteurs en cas de grande catastrophe comme un séisme par exemple. « Au niveau du mohafazat du Liban-Sud, nous avons désormais une chambre d’opérations qui facilitera énormément la coordination en cas d’urgence, insiste-t-il. Nous avons focalisé notre attention sur certains points sensibles comme l’intervention dans la vieille ville par exemple, qui est particulièrement difficile d’accès. »

M. Hijazi attire l’attention sur l’importance des stratégies locales qui viennent compléter la stratégie nationale sur laquelle elles s’alignent. « Certaines catastrophes affectent une zone géographique limitée et ne nécessitent donc pas une intervention à un niveau national, explique-t-il. Dans ces cas, les autorités locales sont l’acteur principal vers lequel se tourne la population. Elles doivent être préparées à toutes les éventualités. »


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Le risque sismique est rare mais existe. C'est le plus devastateur. Alors, que font-ils si jamais...

Eddy

10 h 43, le 15 mai 2019

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Commentaires (1)

  • Le risque sismique est rare mais existe. C'est le plus devastateur. Alors, que font-ils si jamais...

    Eddy

    10 h 43, le 15 mai 2019

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