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À La Une - Crise

Au Soudan, les protestataires réclament la dissolution du Conseil militaire au pouvoir

L'Association des professionnels soudanais (SPA) dénonce une tentative de dispersion du sit-in qui rassemble des milliers de manifestants depuis dix jours devant le siège de l'armée.


Des Soudanais manifestent devant un complexe militaire, à Khartoum, le 15 avril 2019. AFP / Marwan AL-KANZY

Les organisateurs de la contestation au Soudan ont réclamé lundi la dissolution du Conseil militaire de transition, à la tête du pays depuis la destitution d'Omar el-Bachir, au 10e jour d'un sit-in rassemblant des milliers de manifestants. 

L'Association des professionnels soudanais (SPA), fer de lance de la contestation qui secoue le pays depuis le 19 décembre, a par ailleurs dénoncé une tentative de dispersion du sit-in, qui se tient depuis le 6 avril devant le quartier général de l'armée dans la capitale Khartoum. La destitution jeudi par l'armée du président Omar el-Bachir, après 30 ans à la tête du pays, et les promesses du Conseil militaire qui a pris le pouvoir n'ont pas dissuadé les manifestants de partir.

Nommé vendredi à la tête du Conseil militaire et pressé par la rue, le général Abdel Fattah al-Burhane avait promis d'instaurer un "gouvernement entièrement civil", sans toutefois donner de calendrier. "Nous voulons la dissolution du Conseil militaire et son remplacement par un conseil civil qui comprenne des représentants de l'armée", a déclaré lundi à la presse Mohamed Naji, un responsable de la SPA. 

Un autre leader de l'association, Ahmed Al-Rabia, a indiqué ensuite à l'AFP que si le Conseil militaire ne se dissolvait pas, la SPA ne "participera pas à un gouvernement de transition".
Cette association a aussi réclamé le renvoi du chef du pouvoir judiciaire Abdelmajid Idris et du Procureur général Omer Ahmed Mohamed.

Après des images ces derniers jours de chefs militaires saluant les manifestants, les relations entre l'armée et les contestataires --qui avaient appelé les militaires à se ranger auprès d'eux pour faire partir Bachir-- semblent s'être tendues.



(Lire aussi : Riyad et Abou Dhabi craignent le chaos au Soudan et une contagion)



"Ne pas s'approcher"
La SPA a dénoncé lundi une tentative de dispersion sans préciser l'identité de ses auteurs. Selon des témoins, plusieurs véhicules de l'armée ont encerclé le secteur du sit-in. 
Des soldats ont aussi été vus en train d'enlever des barricades qui avaient été érigées par des manifestants comme mesure de protection. L'armée avait déployé dimanche une banderole sur l'un des murs de son QG, incitant les manifestants "à ne pas s'approcher", selon des témoins.  La SPA a appelé lundi les manifestants à se rassembler dans le secteur du sit-in "pour protéger" la "révolution".

Le 22 février, M. Bachir avait instauré l'état d'urgence, interdisant les rassemblements non autorisés et punissant sévèrement les violations. Des dizaines de personnes ont été tuées entre le 19 décembre et la destitution de M. Bachir. Des graffitis et des peintures de personnes tuées lors des manifestations recouvrent les murs de plusieurs immeubles environnants.

Dimanche, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Norvège ont appelé les militaires à entamer rapidement un dialogue "crédible" avec l'opposition, les organisateurs de la contestation et des représentants de la société civile. 

Dans un communiqué conjoint, leurs ambassades ont mis en garde contre l'utilisation de la violence pour disperser les manifestations.
"Notre principale demande, pas de violence, pas de tentative de disperser le sit-in par la force", a écrit lundi dans un tweet l'ambassadeur britannique au Soudan, Irfan Siddiq, après avoir rencontré le chef-adjoint du Conseil militaire, Mohamad Hamdan Daglo, surnommé "Himeidti".

Chef des opérations de la Force (paramilitaire) de soutien rapide, "Himeidti" est une figure controversée accusé de violations des droits humains dans la région du Darfour (ouest).
Mais certains manifestants, qui estiment qu'il est désormais "du côté du peuple", ont déployé une banderole à son effigie pour le remercier de son soutien.




"Liberté, justice et démocratie"
Dimanche, le Conseil militaire a rencontré différents partis politiques et les a appelés à se mettre "d'accord sur une personnalité indépendante qui deviendrait Premier ministre et sur un gouvernement civil".

Les représentants de la contestation ont demandé aussi la restructuration du NISS, puissant service de renseignement (NISS) impliqué dans la répression de la contestation, dont le chef, le redouté Salah Gosh, a démissionné.

Dimanche soir, le porte-parole du Conseil a annoncé la nomination d'un nouveau chef du renseignement, et lundi, un nouveau chef d'état-major, le général Hachim Abdelmotalib, a été nommé.
Au lendemain de sa nomination, le général Buhrane avait promis "d'éliminer les racines" du régime d'Omar el-Bachir. Le Conseil militaire compte toutefois parmi ses dix membres des piliers de ce régime et des personnalités controversées comme "Himeidti". 

Beaucoup de manifestants arrêtés avant la chute de M. Bachir ont été libérés sur ordre du nouvel homme fort du Soudan qui s'était par ailleurs engagé à traduire en justice les personnes impliquées dans la mort de protestataires.



(Lire aussi : Militaire respecté mais inconnu du public, Abdel Fattah al-Burhane nouveau dirigeant du Soudan)



Justice
Amnesty International a appelé les militaires à remettre le président déchu, actuellement détenu par les militaires dans un lieu inconnu, à la Cour pénale internationale (CPI).
Cette cour basée à La Haye a émis des mandats d'arrêt contre M. Bachir, âgé de 75 ans, pour "crimes de guerre", crimes "contre l'humanité" et génocide au Darfour.

Depuis 2003, 300.000 personnes sont mortes dans le conflit au Darfour, où les violences ont toutefois baissé d'intensité ces dernières années. 
Le Conseil militaire a affirmé qu'il refuserait d'extrader M. Bachir ou tout autre citoyen soudanais. 

Les représentants de la contestation réclament aussi que M. Bachir et les responsables du NISS impliqués dans la répression de la contestation soient jugés.

Ils veulent également la confiscation des biens du parti du président déchu (le Parti du congrès national, NCP).
L'acteur américain George Clooney, qui milite de longue date contre les crimes de guerre au Darfour, a appelé lundi la communauté internationale à une "action forte" dans une tribune publiée par le Washington Post, ajoutant que le levier d'action "le plus puissant serait de partir à la recherche des actifs blanchis par Bachir et ses proches au sein du système financier international".



Repère
Trente ans sous le régime d'Omar el-Bachir


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