Le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil s’est réuni hier à Beyrouth avec ses homologues grec et chypriote, Georgios Katrougalos et Nikos Christodoulidès, en visite au Liban cette semaine. En dehors de la question des réfugiés ou des échanges culturels (voir page 4) les trois hauts responsables se sont entendus pour renforcer leur coopération, notamment dans les domaines du tourisme et du commerce. Ils se sont en outre donné jusqu’au 7 mai pour finaliser des accords tripartites posant les bases d’une coopération accrue dans les domaines identifiés.
Au courant de la même journée, le ministre des Télécoms Mohammad Choucair (qui préside également la Fédération libanaise des Chambres de commerce) et le ministre d’État chargé du Commerce extérieur, Hassan Mourad, ont participé aux côtés de MM. Katrougalos et Christodoulidès à une conférence consacrée cette fois au rapprochement entre les secteurs privés des trois pays. Organisée à la Chambre de commerce de Beyrouth et du Mont-Liban, cette conférence à laquelle a notamment participé le président de la Chambre de commerce chypriote Christodoulos E. Angastiniotis, la conférence s’est conclue par des réunions d’affaires, principalement entre entrepreneurs libanais et chypriotes.
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Trois profils similaires
Outre le fait qu’ils soient voisins, le Liban, la Grèce et Chypre ont été également tous trois frappés par d’importantes difficultés économiques et financières ces dernières années. La Grèce a officiellement commencé à sortir la tête de l’eau en 2018, dix ans après la crise liée à l’explosion de sa dette souveraine qui a mis son économie au tapis. Chypre, foudroyée par une importante crise financière en 2012-2013, reprend peu à peu depuis près de deux ans. La situation du Liban, précaire depuis des années, reste de son côté suspendue à la mise en œuvre du processus CEDRE, qui conditionne le déblocage d’une aide de plus de 11 milliards de dollars devant être investis dans les infrastructures du pays et tributaires du lancement de réformes draconiennes.
Les trois pays caressent également la perspective de devenir un jour des producteurs d’hydrocarbures et ont entamé les démarches pour permettre aux opérateurs d’explorer leurs Zones économiques exclusives respectives. Le Liban doit commencer à creuser son premier puits à la fin de l’année, Chypre a déjà découvert un gisement commercialement viable (Aphrodite) et la Grèce a validé début 2018 plusieurs permis d’exploration et d’exploitation. Enfin Athènes et Nicosie ont signé en décembre 2017 avec Rome et Tel-Aviv un protocole d’accord pour la construction d’un gazoduc sous-marin (Eastmed) reliant les côtes de Chypre et d’Israël à l’Europe. Un projet qui pourrait représenter un danger pour l’avenir du développement du secteur des hydrocarbures au Liban, selon certains experts, le pays étant en guerre avec Israël.
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La route de la soie
C’est donc dans ce contexte que les trois pays se sont entendus sur un « mécanisme de coopération tripartite » visant à soutenir leurs « intérêts communs », selon M. Mourad. Pour M. Choucair, il s’agit d’étendre à la Grèce ce qui se fait déjà entre le Liban et Chypre, laquelle a appelé à plusieurs reprises les Libanais à investir dans le secteur immobilier de l’île. Chypre va en outre accueillir entre le 29 mai et le 2 juin un forum rassemblant des entreprises chypriotes et arabes.
Pour l’île méditerranéenne, le renforcement de la coopération avec le Liban et la Grèce doit lui servir à attirer de nouveaux investisseurs pour soutenir sa croissance, comme l’a explicité M. Christodoulidès à la CCIAB. Son homologue grec va plus loin en invitant les trois pays à œuvrer pour « relancer la route de la soie ». Avec ce projet lancé en 2013, la Chine veut créer un gigantesque réseau d’infrastructures maritimes, terrestres et ferroviaires reliant l’Asie, l’Europe et l’Afrique. Les pays de l’Est méditerranéen sont naturellement éligibles pour être intégrés au projet, pour lequel a Chine a déjà commencé à mettre la main à la poche pour lancer les travaux dans d’autres régions du monde. Le projet est en revanche regardé avec méfiance par les États-Unis et certains pays européens.
Enfin le Liban lorgne sur les perspectives offertes par le renforcement de la coopération avec ses voisins dans le domaine du tourisme. Une proposition du président de la commission dédiée à ce secteur, au sein du Conseil économique et social, Wadih Kanaan suggère ainsi de mettre en place des offres de voyage comprenant des destinations libanaises, grecques et chypriotes. L’idée est de profiter de l’attractivité de la Grèce, qui a accueilli plus de 30 millions de touristes en 2018 et de la « proximité culturelle » qui existe entre les trois pays. « Pas moins de 90 % des » packages « commercialisés par les agences de voyage grecques sont vendus à des touristes qui veulent visiter le pays. La tendance est diamétralement opposée au Liban », a expliqué M. Kanaan à L’Orient-Le Jour. « Cette coopération sera d’autant plus cruciale quand le Liban aura développé ses ports de plaisance », conclut-il.
Pour mémoire
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Bassil appelle au respect de la zone économique exclusive
IL FAUT SE CONCENTRER SUR L,AXE DES HYDROCARBURES ET REJOINDRE LE PROJET DE PIPELINE VERS L,EUROPE SINON ON PERDRA L,OCCASION ET LES HYDROCARBURES !
09 h 40, le 11 avril 2019