Le parti du président turc Recep Tayyip Erdogan a indiqué mardi qu'il allait demander un nouveau vote à Istanbul, où une série de recours n'ont pas suffi à inverser les résultats provisoires qui donnent la victoire à l'opposition. "Nous allons emprunter la voie du recours extraordinaire (...) Nous dirons que nous voulons que l'élection soit refaite à Istanbul", a déclaré un vice-président du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) Ali Ihsan Yavuz.
Ces déclarations surviennent quelques heures après le rejet, par le Haut-comité électoral (YSK), d'un recours de l'AKP demandant un recomptage de toutes les voix à Istanbul. La demande d'un nouveau vote à Istanbul survient au lendemain de déclarations du président Erdogan qui a affirmé que le scrutin avait été entaché d'"irrégularités" massives et commises de manière "organisée".
Selon les résultats provisoires des élections municipales du 31 mars, M. Erdogan a remporté les élections à l'échelle nationale mais essuyé un revers à Istanbul et Ankara, remportés par l'opposition alors que les deux villes étaient contrôlées par l'AKP et ses prédécesseurs islamistes depuis 25 ans.
L'AKP a déposé des recours tout au long de la semaine dernière, notamment pour faire réexaminer les bulletins comptés comme invalides. Mais en dépit d'un long recomptage partiel dans plusieurs districts d'Istanbul, le principal candidat de l'opposition, Ekrem Imamoglu, maintenait une courte avance sur son adversaire de l'AKP, l'ex-Premier ministre Binali Yildirim.
La perte d'Istanbul, capitale économique de la Turquie où vit 20% de la population du pays, serait un revers électoral inédit pour M. Erdogan, qui y a été maire de 1994 à 1998. Un mandat qui lui a servi de tremplin pour ensuite briguer les plus hautes fonctions.
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M. Erdogan avait semblé évoquer lundi l'hypothèse d'un nouveau vote à Istanbul, en déclarant qu'"aux Etats-Unis, lorsqu'il y a débat sur 1% du vote, vous voyez qu'ils décident de refaire les élections". "A Istanbul, où il y a plus de 10 millions d'électeurs, personne n'a le droit de proclamer sa victoire avec une différence de 13 ou 14.000 voix", avait-il ajouté.
Anticipant la demande de l'AKP pour un nouveau vote dans une chronique publiée lundi, l'éditorialiste progouvernemental Abdulkadir Selvi soulignait que cette option ne fait toutefois pas l'unanimité au sein du parti au pouvoir. "Certains redoutent que cela se retourne contre l'AKP et nuise à son image, mais d'autres disent qu'il faut une nouvelle élection pour mettre au jour les irrégularités", écrit M. Selvi dans le quotidien progouvernemental Hürriyet.
"Si c'est comme ça, alors faisons des élections tous les deux mois !", a réagi M. Imamoglu mardi. "On a eu sept scrutins en cinq ans, l'économie est en cendres, le pays est polarisé: même les enfants connaissent les noms des partis".
M. Imamoglu, candidat du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), soutenu par d'autres formations hostiles à M. Erdogan, est arrivé en tête à Istanbul avec 25.000 voix d'avance sur son opposant de l'AKP. C'est une goutte d'eau à l'échelle d'une ville où plus de huit millions de personnes ont voté lors du scrutin municipal.
Alors que le recomptage partiel était presque fini à Istanbul, le CHP a affirmé mardi que M. Imamoglu maintenait plus de 14.000 voix d'avance.
Utilisant une métaphore footballistique, M. Imamoglu a déclaré : "L'arbitrage vidéo a validé le but, l'arbitre central l'a accepté, les supporters des deux équipes applaudissent, mais un ou deux joueurs sur le terrain font des difficultés".
Dimanche, l'AKP a demandé le recomptage de toutes les voix dans 38 des 39 districts d'Istanbul, mais cette demande a été retoquée mardi par l'YSK, qui a toutefois autorisé un recomptage des votes de 51 urnes. Pour le dernier district, Büyükçekmece, où l'AKP demande l'annulation de l'élection, la décision n'a pas encore été prise.
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C'est risible. Ce petit tyran n'acceptera jamais de perdre. Et ses alliés occidentaux applaudissent des 2 mains. Entre nous à Tripoli on a fait pareil avec la dilma.
07 h 23, le 10 avril 2019