Avec une inflation à deux chiffres, une monnaie affaiblie et une récession, le parti au pouvoir en Turquie affronte des vents contraires lors de la campagne des élections locales du 31 mars.
La perte de vitesse de l'économie hante le Parti de la justice et du développement (AKP) du président Recep Tayyip Erdogan, qui a largement bâti ses victoires électorales sur ses succès économiques.
Arrivé au pouvoir en 2003 en tant que Premier ministre, M. Erdogan a été crédité du boom économique qui a suivi la crise financière de 2001 et a transformé la Turquie en nouvelle coqueluche des investisseurs des marchés émergents. Mais la situation a changé : le PIB par habitant est redescendu à 9.632 dollars en 2018, contre 10.597 en 2017, et l'économie vient d'entrer en récession pour la première fois depuis 2009.
"L'AKP a atteint les limites de son modèle économique. Le niveau de vie n'augmente plus", explique Berk Esen, professeur associé à l'université Bilkent, à Ankara. Selon lui, les classes moyennes qui ont un temps bénéficié des politiques menées par l'AKP "pourraient se retourner" contre le parti en s'abstenant lors des élections, maintenant que la récession frappe les consommateurs au portefeuille.
Les sondages plaçant l'économie en tête des préoccupations des Turcs, le gouvernement multiplie les mesures pour lutter contre l'inflation, faisant même installer des stands municipaux vendant des fruits et légumes à prix cassés. M. Erdogan a balayé les critiques de l'opposition à ce sujet, assurant que les longues files qui se sont formées devant ces stands ne sont pas un signe de "pauvreté", mais de "prospérité".
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Seyit Torun, vice-président du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), principale formation de l'opposition, considère qu'il n'y a "aucun doute" que l'économie va avoir un impact sur le scrutin. "Nous voyons les problèmes économiques s'aggraver. Nous le sentons jusqu'au cou", ajoute M. Torun. Pour lui, le président Erdogan est inquiet. "S'il n'avait pas peur, est-ce qu'un président, chef de l'AKP, tiendrait deux meetings par jour ? Il ne s'agit en fin de compte que d'élections locales", souligne-t-il à l'AFP.
M. Erdogan multiplie en effet les meetings à travers le pays, à un rythme plus soutenu que d'habitude, selon des experts et responsables de l'opposition. Il a par exemple enchaîné six discours pour la seule journée de mardi. Un vice-président de l'AKP, Cevdet Yilmaz, a insisté lors d'une rencontre avec la presse étrangère le mois dernier, que "s'il y a des difficultés économiques, la solution c'est l'AKP", estimant que l'économie n'aurait qu'un effet "marginal" sur le vote. Mais d'après un sondage du CHP, mené sur 6.345 personnes dans 29 provinces, quelque 60% des électeurs s'inquiètent de l'effondrement de l'économie. Et l'inflation se maintient à un niveau élevé, même si elle est repassée légèrement en-dessous de la barre des 20% en rythme annuel en février pour la première fois depuis août, pic des tensions diplomatiques entre Washington et Ankara qui ont causé l'effondrement de la livre turque.
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Cependant, des analystes tempèrent l'idée qu'une économie affaiblie se traduirait nécessairement par de lourdes pertes pour l'AKP. Pour Emre Erdogan, professeur à l'université Bilgi d'Istanbul, l'AKP pourrait compenser une éventuelle perte des voix grâce à son alliance avec le MHP (droite nationaliste), parce que "les déçus pourraient ne pas aller du côté de l'opposition pour des raisons idéologiques". L'AKP cherche également à fidéliser ses électeurs à coups de propagande "contre des ennemis extérieurs et intérieurs", poursuit le chercheur.
Le chef de l'Etat et la presse officielle s'en prennent systématiquement au leader du CHP, Kemal Kiliçdaroglu, et au Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde), accusé par les autorités d'être lié au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation classée terroriste par la Turquie, les Etats-Unis et l'Union européenne. Ceci s'inscrit dans une "stratégie de polarisation" menée par l'AKP pour disqualifier l'opposition, explique Menderes Cinar, professeur à l'université Baskent à Ankara. D'après lui, l'AKP fait ainsi diversion de ses échecs en présentant ses opposants comme des "menaces sécuritaires" et en appelant à la loyauté de sa base électorale pour les empêcher de gagner.
Pour mémoire
La Turquie peut-elle réécrire les règles de la gestion de crise ?
Erdogan et son parti AKP n'ont aucun mérite. Il y a 15 ans l'arrivée au pouvoir de cet homme a coïncidé avec l'ouverture des négociations à la pre-adhésion turque à l'Europe ce qu'il lui à valu de recevoir des centaines de millions d'euros en quelques années mais aussi des investissements colossaux de l'occident, des banques des assurances et des industriels...transit du pétrole vers l'Europe... etc. Un pays fondé sur les spoliations des richesses des armeniens, des grecs et d'autres minorités qui reçoit tant de facilités Par l'occident ... Forrcement il se fait une macro- économie régionale... Solide. Mais qu'en est il le résultat ? En terme de progrès des droits de l'homme ? Tout ceci étaient prévisible car l'adage dit qu'on fait pas un cheval de course avec un ane.
23 h 06, le 15 mars 2019